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Éric Scala : Interview d'un 'Touche-à-tout'
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Éric Scala : Interview d'un 'Touche-à-tout'


L’itinéraire d’un touche-à-tout
Demain, l’artiste : les projets d’Eric Scala



Couvertures
Le Petit Cabaret des morts

ActuSF : Vous signez la couverture du Petit cabaret des morts, paru en novembre 2008 au Bélial. Que pouvez-vous nous dire du travail sur cette illustration ? Est-ce la première fois que vous travaillez sur un texte de Berthelot ?
Éric Scala : Non, ça n’est pas la première fois que j’illustre un Berthelot, mais cette fois-ci, et peut-être à force de se croiser, on a travaillé directement avec Olivier Girard et Francis. Je crois que tout le monde est content. Moi j’ai été ravi de travailler dans ces conditions. Et le livre est sublime. L’atmosphère...

ActuSF : Vous avez illustré des couvertures de fantastique, mais aussi de space opera. De quel genre vous sentez-vous le plus proche ?
Éric Scala : J’ai une préférence pour la science-fiction. Étudiant, je me nourrissais de Philip K. Dick et de Fredric Brown. Mais parmi les auteurs que j’ai illustrés, j’adore Lumley et encore plus les auteurs dont j’ai eu un retour positif comme Stephen King et Terry Bisson, et ceux qui m’ont mis un petit mot pour mes expos comme Philip Pullman, Walter John Williams, Christopher Priest, sans oublier Spinrad et Beagle. N’oublions pas ceux que j’ai eu le privilège de rencontrer comme Danielewski et le grand Gérard Klein (que je n’ai pas illustré mais que j’ai caricaturé), sans oublier les autres bien sûr…

ActuSF : Comment êtes-vous arrivé dans le milieu de la science-fiction, fantastique, fantasy ?
Éric Scala : J’y suis venu par la peinture… et la chance en septembre 1999. J’ai posé une photocopie chez Flammarion à une directrice artistique qui ne m’a jamais fait travailler. Son voisin de bureau, Nicolas Trautmann (l’excellentissime), a vu traîner ma feuille, m’a appelé en me disant : « On est vendredi, il me faut quelque chose, comme vous faites, pour lundi. Possible ou pas ? » J’ai fait mon premier Stephen King à l’huile, je l’ai livré alors qu’il n’était pas sec.

ActuSF : En 2002, vous avez reçu le Prix de l’infographie à Visions du futur. Que signifie cette récompense dans votre vie et votre carrière ?
Éric Scala : J’ai retrouvé des copains des arts déco et rencontré Christophe Louvet et la bande d’Art&Fact (j’attends toujours l’expo). Par contre, il y a quelques mois, à Singapour, où j’avais été sélectionné pour Computer Graphics Overdrive, le CG Excellence Award n’a pas été pour moi mais “Ze Butcher” et “Ze Hippo Light” ont été sélectionnés. Alors pas de prix, mais une telle sélection sur le monde entier, c’est encourageant !

ActuSF : Vous avez encore besoin d’être encouragé ! Quand on a une carrière comme la vôtre, doute-t-on encore ?
Éric Scala : Je ne crois pas que l’on puisse dire que tout est acquis. On a toujours des doutes, pas les mêmes, mais on en a. La remise en question est permanente, autrement on ne progresse pas. Je crois que l’art et bien d’autres métiers manquent très largement d’humilité ... c’est dommage.

ActuSF : Vous travaillez sur commande et vous créez également des œuvres personnelles. Avez-vous le sentiment de deux approches différentes ?
Éric Scala : Complètement différentes. En perso, je me laisse aller, c’est imprévisible. Je ne sais pas et j’arrive à Bifrost. Je ne sais pas et j’arrive à “Ze Miss Couette”.

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Expositions

expo Eric Scala

ActuSF : Parlons un peu de vos dernières expositions. En juillet 2008 avait lieu Kultima, le Festival des Cultures de l’Imaginaire. Qu’y montriez-vous ? N’est-ce pas un salon un peu particulier pour présenter ses travaux ?
Éric Scala : Pour Kultima, Colexia avait présenté une expo Robots. Nous étions présents avec Alain Brion, Yoz et Michel Borderie. Superbe ambiance et salon exceptionnel où il faut aller au moins une fois pour le public...

ActuSF : Toujours pour les expos, fin octobre - début novembre se tenaient les Utopiales à Nantes. Vous y étiez aussi.
Éric Scala : Les Utopiales, ce sont de petits stands d’exposition avec Art&Fact. Chacun son stand, peut-être un peu froid quand on n'a pas vu certains illustrateurs depuis un moment. De nouveau, il y avait Alain Brion, Yoz mais aussi Manchu, Bastien L, Cédric Ponge, Gilles Francescano, Didier Graffet, Michel Borderie et J-S Rossbach. Encore une fois le plaisir de rencontrer des camarades, de partager des repas, de papoter… De plus à cette occasion, un ami de chez Epson nous avait prêté une imprimante. Du coup ça nous a fait réfléchir à une autre direction par rapport à l’association.

ActuSF : Enfin, en décembre 2008, nous vous croisions au Festival de Sèvres qui présentait une exposition de quelques unes de vos œuvres. Quel en était le thème ? Comment avez-vous choisi les tableaux à présenter ? Que représente ce festival pour vous ?
Éric Scala : L’exposition au Sel. Je ne connaissais pas. J’ai découvert l’endroit, j’ai découvert Jamel Zeddam et son travail plus qu’intéressant. Je suis venu avec des tirages (à peu près un tiers de ce que je peux exposer) mais je n’en ai utilisé que la moitié. Quelques couvertures pour me situer, des travaux persos dont certains de ma série “Ze Rorch’art” et de ma dernière série “Ze Rorch’Types”, bref un échantillonnage.
Je ne connaissais pas le salon et ce fut une très agréable découverte. D’ailleurs on croise souvent dans tous ces événements les mêmes personnes. Mais le festival de Sèvres à en plus un côté très chaleureux.

ActuSF : “Ze Rorch’art” et “Ze Rorch’Types”, qu’est-ce donc ?
Éric Scala : Je travaille sur une série que j’ai appelée “Rorch’arts”. Je fais des taches avec Painter et dès qu’elles m’évoquent quelque chose, je peaufine. En trois fois deux jours j’en ai fait 180 mais une vingtaine est arrivée au bout, dont “Ze lion", "Ze dirty", "Ze little Piggy", "Ze little Robot," "Ze Robolympics", "Ze new Man of Vitruve", "Ze poodle", "Ze Nicolas and Ze Bartolomeo", laquelle série devrait s’orienter vers des illustrations pour enfants.
À cause d’un mal de dos persistant j’ai pris du retard. Mais ça continue. J’ai même commencé la série “Ze Rorch’Types” qui, elle, ne va pas dans le sens des enfants.

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L’itinéraire d’un touche-à-tout
Expo Eric Scala - Sèvres 2008

ActuSF : Peut-on vivre aujourd’hui de la peinture ?
Éric Scala : Oui, tant qu’on se lève le matin avec l’envie de faire quelque chose, oui.
Bien sûr, ce n’est pas la petite vie sécurisée des gens de l’administration avec salaire à l’appui, chômage, etc. Les vacances et les restos, vous pouvez oublier quelques années.
Mais en même temps on n’a de compte à rendre à personne, on n’a pas de sécurité, pas de protection face à certains requins et certaines hyènes du métier.

ActuSF : Quel est votre parcours de formation ?
Éric Scala : Bac D. Je suis arrivé tout pimpant avec mon Bac devant la porte des Arts Décoratifs mais il fallait s’inscrire au concours en février. Alors j’ai essayé la seule chose qui m’intéressait : médecine. Trop de maths, pas assez de génétique ou d’évolution. Je me rappelle avoir demandé si le petit orteil était amené à disparaître. Ça a beaucoup fait rire à l’époque, je pense que ça ferait moins rire maintenant.
J’ai préparé le concours des Arts Déco dans la bibliothèque de médecine. Sur 1000 candidats ils en ont pris 99 et j’étais dedans. Nous étions deux cette année-là à ne pas avoir fait d’école préparatoire.
J’ai profité des deux premières années aux Arts Déco pour tester tout ce qui était possible : sérigraphie, gravure, photographie, sculpture, moulage. Avec trois autres copains, dès qu’on avait un boulot à faire on disait : « On peut aller dans cet atelier pour le faire s’il vous plaît ? » Le dernier atelier a été celui de menuiserie, mais il restait l’inapprochable : vidéo et animation. Voilà pourquoi je m’y suis inscrit.
La peinture et l’illustration, je n’y ai pas touché à l’école. J’ai fait la démarche tout seul. Quand je voyais quelqu’un qui travaillait bien, je demandais si je pouvais m’asseoir et je regardais. Puis, je rentrais chez moi et j’essayais.

ActuSF : Sérigraphie, scénographie, illustration, gravure, photo, moulage.... N’avez-vous pas le sentiment de vous être éparpillé ?
Éric Scala : Non, je crois que c’est le contraire. Parce que j’ai testé tout ce qui m’intéressait, je suis rarement perdu et je suis toujours touche-à-tout.
J’ai même voulu, à un moment, être Compagnon du Tour de France. En revanche, à mon père qui m’avait proposé très gentiment de faire un stage à Carrare, j’ai dû refuser car je ne pensais pas être à la hauteur de la tâche. Pour moi la sculpture est le Best. Avant on a le modelage, l’assemblage etc., mais travailler le marbre OUAAAAAAAH !
Donc, non. Je ne me suis pas éparpillé. Je me suis renforcé.
Je crois que c’est un peu comme si vous demandiez à quelqu’un qui n’est jamais sorti de France s’il est un voyageur. Actuellement il arrive que certains illustrateurs très talentueux n’aient jamais touché un pinceau !

ActuSF : On a pu découvrir au moment des élections présidentielles de 2007 les Zippoz créés avec Xavier Dollo. D’où est partie cette idée ?
Éric Scala : Je crois que c’est Xavier qui a tout fait. Il voulait faire une BD. Je trouvais son idée superbe, mais je traînais les pieds. On a parlé d’histoires courtes, il est venu, on a bu un ou deux, peut-être trois verres et j’ai dessiné un Zippoz. Depuis, je mets beaucoup de Z !

ActuSF : Il s’agissait de bande dessinée. Avez-vous eu l’occasion d’en faire par ailleurs ?
Éric Scala : Pas encore. Je pense que les Zippoz vont revenir bientôt. L’actualité est pleine de “lisier” sur lequel vont sûrement émerger de jeunes pousses qui nourriront les Zippoz.

ActuSF : Vous avez aussi inventé des Machines. Pouvez-vous nous en parler ?
Éric Scala : Marcellin Pleynet, critique d’art, a dit : « Les sculptures d’Éric Scala nous entraînent dans un monde où la terre semble vivre et se modeler, dans son propre mouvement, le jeu hallucinant et l’éternel retour d’une création qui fait et défait ses créatures. Éric Scala a réalisé, à partir du modelage, des volumes et de la lumière, ce qui ne s’est encore jamais vu et que l’on pourrait dire des sculptures cinématographiques. » C’était en octobre 94. Je crois que ça résume très bien les "Machines".

ActuSF : Et Éric Scala, que dit-il, lui, de ses Machines ? Qu’avez-vous cherché à faire ? Travaillez-vous encore sur ce genre de sculptures ? Où peut-on les voir ?
Éric Scala : Après avoir créé une bonne série de têtes en terre et les étagères qui correspondent, tel Geppetto il me fallait les animer, ce qui fut fait. Tout le monde pouvait voir cette sculpture vivre. Les suivantes sont dans ma tête, faute de place, car beaucoup plus imposantes. On ne peut donc les voir pour l’instant mais c’est toujours d’actualité, probablement en association avec un ou deux artistes. À suivre, comme on dit, dans pas si longtemps.

ActuSF : Quelle place à l’informatique dans votre travail ?
Éric Scala : En illustration 100 %. En recherche de peinture, l’informatique occupe une place désormais prépondérante. Tous mes avant-projets sont préparés en amont sur ordinateur. Je travaille avec Painter principalement et Photoshop comme outil complémentaire.

ActuSF : Qu’est-ce qui a motivé ce passage à l’informatique ?
Éric Scala : Tout a commencé à cause d’une allergie à la térébenthine. Désormais, je commence en informatique, passe à l’acrylique et je finalise le tout à l’huile avec un glacis à l’ancienne.

ActuSF : Avec quels artistes vous sentez-vous un lien de parenté ?
Éric Scala : D’abord et avant tout, forcément, Léonard de Vinci, parce que touche-à-tout, Tinguely (le mouvement) et Giacometti (l’élégance), Bacon (la force) et Picasso (l’évolution), Alma Tadema (les drapés), Sargent (la force du pinceau), John Currin (entre Botticelli et caricature).
Ceux que j’ai rencontrés ou croisés : le grand Beksinski, l’extraordinaire Machado avec sa verve brésilienne, mon ami de toujours Gérard Di-Maccio, mon plus grand soutien quand j’ai commencé la peinture et que je vois moins depuis qu’il a quitté la France. Bien sûr, j’en oublie, tels que Verlinde, Mazilu, Ugarte (tous contemporains et que l’on croisait dans les vernissages).
Mais il y a aussi les illustrateurs en France, Manchu et Martine Fassier, Thierry Cardinet, et grâce à Internet je me suis découvert une famille hors Hexagone, extraordinaire. Des gens tels que Meats Meier, Paul Gerrard, Joerg Warda, etc., toute l’équipe de “Sumus Vicinae” dont voilà la liste :
Weng Ziyang (Chine)
Joerg Warda (Allemagne)
Tim Borgman (Allemagne)
Paul Gerrard (Royaume Uni)
Mikko Kinnunen (Royaume Uni)
Benjamin Carré (France)
Rebecca Kimmel (USA)
Sveltin Velinov (Bulgarie)
Skan Srisuwan (Thailande)
Sparth (USA)
Meats Meier (USA)
David Munoz (Espagne)
Ryohei Hase (Japon)
Loic Zimmerman (France)
Thitipon Dicruen (Italie)
Waheed Nasir (Pakistan)
Benita Winckler (Allemagne)
Yoz (France)
David Munoz (Espagne)
Et d’autres encore ...


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Demain, l’artiste : les projets d’Éric Scala

Eric Scala - Sèvres 2008

ActuSF : Où pourra-t-on vous voir dans les mois qui viennent ?
Éric Scala : Dans les gravats pour quelques mois, ensuite j’aimerais bien faire une exposition plutôt peinture à l’étranger mais avec la crise... Il est question aussi du salon de Bagneux.

ActuSF : Et après ?
Éric Scala :
- D’ici la fin de l’année je devrais, si tout va bien, avoir un atelier et non plus deux mètres carrés, alors peinture, sculpture, etc., prendront de l’ampleur.
- Tout d’abord, je vais m’occuper de notre exposition de 20 illustrateurs CG du monde entier, “Sumus Vicinae”, d’après le nom d’une nouvelle de Thomas Geha, dit Xavier Dollo. Car si nous avons trouvé des endroits pour exposer en Allemagne et aux USA, en France, bravo la mollesse !
- Il y a également un projet d’artbook personnel. Je dois travailler en amont pour montrer plusieurs facettes et aussi des bonus plutôt surprenants.
- Par ailleurs, je caresse un nouveau projet qui a trouvé une oreille attentive auprès d’un éditeur et qui lui aussi ferait appel à des artistes du monde entier, mais pas nécessairement CG.
- Du beta test pour une grosse société étrangère avec un projet qui me tient très à cœur.
- Du journalisme auprès des illustrateurs (eh oui ! vous n’êtes pas la seule) pour It’s Art Magazine.
- Et puis quelques projets assez gros pour que je n’en parle pas maintenant mais qui, menés à bien, devraient changer les choses. Un en France et l’autre à l’étranger. Alors un peu de patience, j’en ai bien moi... un peu.

ActuSF : Nous attendrons donc, un peu. Merci pour toutes ces réponses bien complètes.

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