Le Britannique Graham Joyce est l'auteur d'une vingtaine de romans fantastiques, récompensés à plusieurs reprises par le prix British Fantasy, le World Fantasy et le Grand prix de l'Imaginaire pour Lignes de vie.
Dans Au cœur du silence, il suit Zoe et Jake qui passent des vacances en amoureux dans les Pyrénées. Très vite, ses héros se retrouvent pris dans une avalanche et en réchappent miraculeusement. Passée la joie de se retrouver vivants, ils découvrent que leur hôtel et la station de ski sont déserts. Pire, le village le plus proche est lui aussi vidé de ses habitants. Zoe et Jake, pour une raison mystérieuse, sont absolument seuls au monde...
Réaliste et mystérieux... au tout début seulement.
Une fois les présentations faites avec nos deux héros, Graham Joyce rentre dans le vif de l'action : nos personnages se retrouvent pris en pleine avalanche. La scène où Zoé est prisonnière de la neige est minutieusement décrite, l'auteur s'attardant sur chaque étape de sa libération et sur ce qu'elle ressent dans cette situation dramatique. Cela fonctionne si bien que même en sachant très bien qu'elle va s'en sortir, on ne peut s'empêcher d'être impressionné par les événements. Une fois tirés d'affaire, Zoe et Jake doivent faire face à un nouveau problème : leur hôtel et ses environs sont absolument déserts et l'on se rend très vite compte que ce n'est pas une évacuation temporaire...
Confiant, le lecteur se laisse porter, par le récit, tout en guettant le moindre indice susceptible de lui faire deviner ce qui se trame. Il ne se passe pas grand-chose, mais ce n'est pas grave. Zoe et Jake sont sympathiques et « vivants ». Lorsqu'ils se prennent le bec, ils se traitent gentiment de « connard » et de « connasse » – comment ça, vous ne faites pas ça chez vous ? – et ils agissent exactement comme n'importe qui le ferait dans un hôtel désert. Ils prennent du bon temps, vont chercher les meilleures bouteilles de vin à la cave et se baladent parfois dans le plus simple appareil. On s'identifie, car ils sont comme nous... Tout du moins, dans un premier temps.
N'importe qui, perdu en pleine montagne dans un hôtel désert, sans aucun moyen de joindre ses proches, commencerait à se poser des questions, non ? Le téléphone fonctionne, mais personne ne répond jamais aux appels de nos personnages et plusieurs jours après la catastrophe, ils n'ont toujours pas croisé âme qui vive.
Pourtant, Zoe et Jake ne s'inquiètent pas. Leurs premiers soupçons arrivent à la moitié du livre et c'est beaucoup trop tard. Avec un tel flottement, le lecteur, lui, se pose des questions et commence à soupçonner une révélation finale vue et revue – si vous vous intéressez au minimum au fantastique, vous voyez forcément de quoi je veux parler. Et puis, l'auteur commence à jouer avec cette possible fin, alors on se dit que tout n'est pas perdu. L'auteur va bien créer la surprise... ou plutôt l'incompréhension !
« — Un bon caca, répéta-t-il doucement, ça fait toujours du bien. »
Graham Joyce va mettre de côté son intrigue pour faire littéralement n'importe quoi. Récapitulons : nous savons que Zoe et Jake sont en vacances à la montagne, qu'ils ont survécu à une énorme avalanche et que depuis plusieurs jours, ils n'ont pas rencontré un seul autre être humain. Et dans la seconde partie de l'ouvrage, j'ai le regret de vous dire que cette situation est toujours au point mort. Si, un élément est intéressant : un matin Zoe déboule dans le hall d'entrée pour le découvrir noir de monde. Les gens la voient, certains s'adressent même à elle. Mais, une fois cette scène évoquée, le lecteur et les personnages se remettent à tourner en rond. Pire, cet événement brutal se répète plusieurs fois, sans pour autant faire avancer l'histoire, et l'auteur a même le culot de le réécrire mot pour mot !
Oui, je vais me faire légèrement assassine. Les dialogues entre Zoe et Jake deviennent peu à peu vides de sens. En effet, durant une page, nous avons droit à leurs impressions sur le fait qu'ils ne vont pas à la selle et que, tiens, c'est quand même un peu bizarre. Pour les amateurs, le motif de la crotte est lui aussi recyclé. Quelques lignes fleuries décrivent les reflets d'un crottin de cheval – je n'exagère rien, cet extrait se trouve p. 278 de l'édition Folio SF.
En panne d'inspiration Graham Joyce ? Pas pour s'embarquer dans de longues digressions sentimentales. Dans la dernière partie de l'ouvrage, Zoe et Jake se souviennent de moments avec leurs pères respectifs et tout devient un prétexte pour discourir sur le deuil et la perte de l'être aimé. L'auteur passe ensuite en revue tous les lieux communs possibles et inimaginables : le couple, l'importance de profiter de la vie, la filiation, la famille, etc. Le ton est sérieux, comme s'il voulait nous délivrer un enseignement... sauf que tout cela est franchement niais et qu'aux dernières nouvelles, nous sommes encore dans un récit fantastique.
Pour ne pas vous spoiler, je passe volontairement sous silence la fin et une découverte que fait Zoe sur elle-même que j'ai trouvée totalement absurde. Enfin, si vous voulez lire un Graham Joyce, évitez celui-ci, ou alors... vous aurez été prévenus !