Farid Boudjellal naît en 1953 à Toulon dans une famille algérienne. A l’âge de 8 ans il est atteint de la polio, une enfance marquée par son handicap mais également et surtout par la guerre d'Algérie qu’il décrira avec nostalgie et tendresse dans Petit Polio (Soleil). Il fait des études de comptabilité mais la passion de raconter des histoires est la plus forte. Il débute en 1978 dans Charlie Mensuel qui publie ses courts récits. Ils seront repris en album par Futuropolis en 1982 sous le titre L’Oud. Son deuxième Le Gourbi (Futuropolis) est nominé à Angoulême et Ramadan reçoit le Prix Résistance présidé par Danièle Mitterrand. Le voilà lancé, bientôt suivront d’autres albums dont plusieurs seront publiés par Soleil, la maison d’édition de son frère Mourad. Citons dans le désordre : Jambon-Beur, Juif-Arabe, Français. Djinn a initialement été publié dans la collection Label Or chez Soleil, il est réédité à l’occasion de la sortie d’une autre série dans l’univers des Contes du Djinn, Hadj Moussa.
"Ne cherche pas, je suis là, dans ce corps que toi et moi nous partageons !"
Un soir, deux voyageurs rencontrent un homme dans le désert et lui demandent de partager son campement pour la nuit. L’homme profite de l’occasion pour leur conter sa triste histoire. Des siècles auparavant, il s’appelait Djamel, il était un homme fort et beau mais, pour son malheur, sa route croisa un jour celle d’un djinn. Grâce à un breuvage, l’esprit de Djamel se retrouve dans le corps d’un vieillard, celui-là même qui appartient au djinn. Ce corps, il devra désormais le partager pour l’éternité avec son hôte. Djamel a essayé tous les remèdes possibles, a rencontré tous les guérisseurs qu’il a pu des siècles durant mais l’esprit est bien trop fort pour lui. Un jour, il entend parler d’un grand guérisseur, il part à sa recherche mais en lieu et place d’une séance d’exorcisme, il se retrouve prisonnier du plus redoutable bandit de la région, les pouvoirs du djinn se révèleront alors très précieux.
Un conte aux couleurs de l’Orient
Farid Boudjellal entraîne le lecteur français dans les contes orientaux dont il a l’héritage. Ce one shot plein de magie et de légende est dépaysant à souhait. L’on suit la drôle de cohabitation entre un homme devenu, par la magie d’un djinn, immortel, et le fameux djinn qui se révèle méchant, sadique et acariâtre. Sous un dessin aux lignes rondes et souples qui tire vers le naïf, se cache une histoire parfois violente, souvent dure et assez amère. C’est tout l’art du conte en vérité que de cacher sous un vernis de merveilleux la cruauté du monde. Boudjellal opère donc un double retour aux origines, d’abord les siennes propres et d’un point de vue de genre strict. Les couleurs vives de Chambard nous transposent dans un univers de féerie orientale, tantôt sous un soleil écrasant, tantôt dans les nuits éclairées par des milliers d’étoiles, à l’image des Mille et une nuits. Cet album a une saveur particulière, un goût d’inattendu, un peu relevé alors que le plat nous semblait si banal. C’est une chance donc que l’album soit réédité avec cependant un bémol : la couverture réalisée par la dessinatrice des prochains tomes des Contes du Djinn dépareille franchement avec la bande dessinée proprement dite, le style des deux auteurs est foncièrement différent. Passé la déception de la couverture qui évoque un conte plus doux, on se laisse facilement envoûter par le récit de Boudjellal.