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Interview 2017 : David Bry pour Que passe l'hiver
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Interview 2017 : David Bry pour Que passe l'hiver

« Les fils du destin chantent la mort.
La mort et la souffrance.
Ils parlent de la fin de toutes choses.
Et de toi, Stig. »

 

ActuSF : Bonjour David et merci de répondre à nos petites questions ! Alors pour commencer pourriez-vous vous présenter un peu pour nos lecteurs ?

David Bry : Bonjour ! En quelques mots, j'ai quarante-trois ans, je vis dans un hameau reculé au fin fond de la Seine et Marne, suis marié et l'heureux papa de deux petits garçons. J'écris et j’invente des histoires depuis tout gamin. Mes premiers romans (une trilogie d'heroic fantasy) ont été publiés bien plus tard cependant : en 2009. Depuis, je sors en moyenne un livre tous les un à deux ans, dans des genres souvent différents : anticipation, contes et même de l'uchronie. Enfin, je suis un auteur un peu boulimique : toujours en train d'écrire, j'ai du mal à faire une pause entre deux projets. J'ai énormément d'histoires en tête, et le temps file si vite...

ActuSF : Vous venez de sortir (en mai 2017) le roman Que passe l'hiver aux éditions de l’Homme sans Nom. Quel a été le point de départ de l’écriture, la genèse de ce roman ? Pouvez-vous le résumer un peu ?

David Bry : Que passe l'hiver prend place dans un monde qui s'appelle la "Clairière". Quatre clans vivent sur ces terres médiévales, avec pour chacun un pouvoir particulier. L’un sait lire les fils tissés du destin pour y deviner l’avenir, un autre voyage avec la nuit, le troisième appelle les esprits de la nature et les commande, le quatrième peut se transformer en animal — loup, ours, lynx ou corbeau. Les clans vivent repliés sur eux-mêmes, sauf au solstice d’hiver. À ce moment de l'année, les chefs et leurs suites se retrouvent au cœur de la Clairière, auprès de leur roi mi-homme mi-dieu, aux yeux noirs comme la nuit et aux longs bois de cerf. Là-bas, ils renouvellent pour l’année leur serment d’allégeance, avant de s’en retourner chez eux. 

Voilà pour le monde dans lequel Que passe l’hiver se déroule.

Le roman raconte l’histoire de Stig, un jeune seigneur au pied bot, qui se rend pour la première fois à la fête du solstice d'hiver. C’est un moment que le jeune homme attend avec impatience. Il rêve depuis longtemps de rencontrer le roi et les autres clans, dont il entend parler depuis tant d’années dans les contes et légendes de la Clairière. Mais, bien sûr, rien ne se déroulera comme il l’avait imaginé. Stig va se retrouver au cœur d’évènements dont il ne comprend pas la portée, et qui bouleverseront à jamais non seulement son propre destin, mais aussi celui des clans et la Clairière toute entière.

Le point de départ de ce roman a été l'image du roi, cet être à la lisière du monde des dieux et des hommes. C’est lui qui a donné corps à la Clairière, terre de contes, de légendes et de magie, parfois extrêmement cruelle (Que passe l’hiver en est la preuve…), mais qui peut être aussi d’une grande poésie. Dans le roman, il est dit que le roi est l'âme de la Clairière. C'est vraiment le cas !
 


ActuSF : La lecture du résumé promet notamment un mélange des genres, oscillant entre fantasy, mythe nordique et drame shakespearien. Quelles sont vos influences et inspirations, littéraires ou autres, pour ce roman en particulier ?

David Bry : J’ai essayé de mettre dans Que passe l'hiver ce que j'ai aimé de Shakespeare et de toutes les grandes tragédies que j’ai pu lire : un sens du destin, du drame et de l’humain, avec l’intensité des sentiments qui les accompagne. Tout devait y être fort : l’amour comme la haine, l’amitié comme la trahison. Cette idée m’a vraiment guidé de la première à la dernière ligne. A contrario, je voulais que le monde de la Clairière soit apaisé, afin qu’il forme la scène qui me semblait parfaite pour accueillir les drames qui allaient s’y jouer. Je ne voulais pas ajouter de la violence à la violence. C’est pour cela qu’un monde calme, enneigé et froid, m’a paru être celui qu’il fallait, quelque chose de très nordique, donc.

Enfin, et comme pour chacun de mes autres livres, je me suis beaucoup laissé porter par la musique. J’ai écrit celui-ci en écoutant en boucle Bon Iver (forcément !), Shearwater, Agnes Obel, PJ Harvey et BarbaRossa, dont les tonalités collaient bien à l’ambiance que je voulais insuffler au monde — et au roman.

ActuSF : Que passe l’hiver est également un huis clos assez sombre. La dualité des personnages, l’ambiguïté du Bien et du Mal et une certaine noirceur sont des aspects qui vous sont chers ?

David Bry : J’ai un penchant pour les histoires un peu sombres, j’avoue :). Mes romans racontent des combats — pour se libérer soi ou un autre, pour grandir, dépasser quelque chose —, et ces combats ne se gagnent pas tout le temps. Les victoires peuvent aussi avoir un coût, et elles en ont souvent d’ailleurs. Les mondes où « tout est bien qui finit bien » ne me parlent pas. Et enfin, j’aime jouer avec les sentiments du lecteur et les peurs qu’il peut avoir pour les héros de mes romans. Ces derniers vont-ils survivre ? Si oui, comment ? Tout ne doit pas être écrit à l’avance : des héros peuvent mourir, et des histoires mal se terminer.

Le Bien et le Mal, et surtout l’espace situé entre ces deux pôles, sont un peu liés à ce genre d'histoires que j'aime écrire. Le manichéisme, à la simplicité irréaliste, m'ennuie. Un personnage qui serait complètement bon ou uniquement mauvais ne m’intéresse pas plus. Il est trop inhumain, alors que nous sommes, tous, toujours, ballotés entre ces deux extrêmes à différents degrés. J’aime que mes personnages soient humains, comme nous. Tiraillés. Passionnés. Parfois injustes, couards ou courageux. J’aime qu’ils fassent des erreurs, qu’ils s’en mordent les doigts. C’est en ça qu’ils nous ressemblent à nous autres, lecteurs. Et c’est comme ça aussi, je crois, qu’ils nous font frissonner, et vivre les histoires à travers eux. Ceci est valable à la fois pour les héros de mes histoires, mais aussi pour ceux contre qui ils luttent. Un « méchant » qui n’a d’autre motivation que « d’être méchant », ça n'existe pas dans la vraie vie. Il doit avoir une histoire, des motivations qui expliquent ses gestes – une vengeance, une douleur, une perte. Cela relativise. Et, surtout, cela parle aux différentes facettes qui composent chacun d’entre nous. On pourra comprendre — un peu, juste un peu — celui ou celle qui tue par vengeance.

Voilà, je crois que c’est ça, en fait, que je cherche. Que chacun de mes personnages, qu’il soit plutôt bon ou plutôt mauvais, parle au lecteur, à l'une de ses multiples facettes, qu'elle soit bonne ou mauvaise, consciente ou inconsciente.

ActuSF : Parlons également de la couverture, réalisée par Simon Goinard. Comment s’est passée sa création ?

David Bry : Initialement, la couverture devait être réalisée par un autre illustrateur, très talentueux au demeurant. J’avais cependant un doute sur son univers, qui me paraissait très ancré dans le réel. J’ai voulu faire de Que passe l’hiver une sorte d'ode poétique, pleine de violence, d'aventures, certes, mais poétique quand même. La couverture devait à mon sens refléter cela.

J’en ai parlé à mon éditeur, qui m’a renvoyé vers le site de Simon Goinard. Et là, j’ai tout de suite su que c'était bon ! Je ne sais pas à quoi cela a joué, s’il s’agissait des couleurs, des traits. Mais j’ai tout de suite compris que cette « patte » là collerait à merveille au monde de Que passe l’hiver. J’ai alors proposé quelques idées de couverture, des images que j’avais en tête : la montagne du Wegg enneigée (là où se déroule le roman) avec un corbeau, quelques personnages tels que Stig (le héros), Anasie la prophétesse au visage couvert de runes, les trônes des chefs de clans, et enfin une image du roi et de Stig, dos à dos. C’est cette dernière que Simon a retenue, et qu'il s’est appropriée. Lorsque j’ai reçu la première version, j’ai été véritablement scotché. Toute la magie, toute la poésie de la Clairière étaient concentrées là ! C'était incroyable. J’ai aussi été saisi par le regard de Stig, j’ai adoré le corbeau à la patte cassée. Initialement, le roi semblait plus jeune, et plus androgyne. J’ai demandé à ce qu’il soit un peu vieilli, et masculinisé. Et la couverture finale était là. Juste magnifique. J'ai beaucoup de chance !

ActuSF : Avez-vous d’autres projets à venir ?

David Bry : Beaucoup :).

Début 2018 sortira mon prochain roman, dont le titre (provisoire) est Le garçon et la ville qui ne souriait plus. Il se passe dans un Paris uchronique, où l’Église a imposé les « Lois de la Norme » et a déporté tous les anormaux (infirmes, obèses, fous, homosexuels, …) sur l’île de la Cité. Ce roman retrace l’histoire d’un jeune garçon de bonne famille qui chaque nuit se rend secrètement sur l’île, et qui va apprendre, par hasard, qu’un complot la menace.

Le manuscrit étant terminé, j’ai commencé à travailler sur deux autres projets. Le premier suit de jeunes mutants qui vont devoir faire face au secret de leur naissance. Le second, que je devrais avoir terminé d’ici la fin de l’année, est un polar fantastique. Il raconte l’histoire d’un trentenaire qui revient dans le village de son enfance suite à la mort (suspectes) de ses parents, et qui va très vite être confronté à des éléments plus qu'étranges, à la frontière du réel.

ActuSF : Où les lecteurs pourront-ils vous retrouver en dédicace ?

David Bry : Je serai à la Japan Expo les 8 et 9 juillet prochain, au festival du livre d’Esternay le 1er octobre, au Comic Con les 28 et 29 octobre, sans doute à la seconde session de cette année du Salon Fantastique les 4 ou 5 novembre. D’autres dates devraient également se caler dans les semaines à venir.

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