
Justine Niogret : De l'envie de décrire, ou mieux, de donner une enfance telle que je la souhaitais, à quelqu'un. De donner un endroit d'une beauté sans fin et sans barrières à quelqu'un qui la méritait sans doute.
Actusf : Qu'est-ce qui t'a donné envie de te frotter à la légende arthurienne et à ce personnage en particulier ?
Justine Niogret : L'envie de montrer les coulisses d'une légende ? Je ne sais pas, quelque chose comme ça. Faire voir dans la mesure de mes possibilités que les gens ne sont pas si méchants, héroïques, parfaits ou horribles qu'on le dit. Qu'on reste humain, et que je trouve dommage de donner en exemple des gens qui ne le sont plus, à force de couches de vernis. Des gens devenus fantoches à force de mues. Justement, le courage quand on est pas un héros, c'est ça qui est notable. C'est facile de faire voir des silhouettes de théâtre de marionnette et de dire que c'est comme ça qu'il faut faire, mais que de toute façon on y arrivera jamais. Des modèles inhumains pour donner des leçons de vie aux humains. Un peu comme ces conseils pour s'habiller, dans les journaux ; quel que soit notre gabarit, on ne sera jamais comme il faut. Toujours quelque chose à cacher, à gommer, bref, on est jamais comme il faut l'être. Mais selon quels standards ? Être un humain me semble bien plus tendre que ce qu'on en dit. On peut s'aimer, des fois. Personne n'est monolithique, tout le monde connaît les doutes.
Actusf : Est-ce que c'est compliqué d'écrire sur la légende arthurienne ? Est-ce que cela t'a demandé de nombreuses recherches ?
Justine Niogret : J'ai fait très peu de recherches sur la légende, déjà parce que presque tout le monde la connaît, au moins un peu ; et puis parce que dans les textes anciens, Mordred, on ne le voit presque pas. Quelques lignes, et puis c'est tout. Le domaine médiéval, je l'avais déjà dans la tête, et le fait que ce soit un temps mythique, finalement, permet bien plus de choses qu'un moment bien défini dans l'Histoire. J'ai trouvé très émouvant d'écrire sur Arthur, je ne m'y attendais pas, surtout parce que j'avance dans mes livres les yeux fermés. Le moment où j'ai posé les premiers mots d'Arthur, la façon dont il s'est présenté dans mon texte, je me suis arrêtée. C'était étrange et très fort.
Actusf : Mordred est un personnage à part, fils d'Arthur mais qui a longtemps été dans l'ignorance de son lignage. Comment as-tu construit ton héros, comment l'as-tu imaginé ?
Justine Niogret : Ahah, je fais partie des écrivains bizarres, qui ne travaillent pas en faisant des fiches sur leurs persos. Je les laisse venir. Ils font ce qu'ils veulent. Et puis quand ils me semblent justes, j'écris ce qu'ils me racontent. Comme cette vieille expression de sculpteur ; sortir la statue déjà présente dans le bloc de pierre. C'est un peu ça. Je tente de suivre au mieux les lignes de ce qui leur arrive ou est arrivé. Il est venu comme il est dans ce livre, blessé, fatigué mais portant la foi sans vraiment le savoir. Je l'ai découvert en écrivant, je préfère que les choses se fassent de cette façon. Chaque page découvre un peu qui il est, même pour moi.
Actusf : Qu'est-ce qui te plait dans ce genre de fantasy ?
Justine Niogret : Que ça n'en soit pas. À mon sens, ces époques sont magiques en elles-mêmes, c'est comme un épisode de Magnum ; personne ne s'habille comme ça mais tout le monde serait choqué s'il ne portait pas sa chemise hawaïenne. C'est pareil pour le moyen-âge, pour les mythes, pour le passé, dans le sens large ; on a le droit de voir de la magie dans ces époques. Alors ce qui me plaît dans ce genre de fantasy, sans doute, c'est ça ; cette liberté. Je trouve que parfois, aujourd'hui, on a pas le droit d'être gentil et tendre et émerveillé par ce qu'on voit.
Actusf : Tes précédents ouvrages en fantasy t'ont valu de nombreux prix. Est-ce que c'est une pression supplémentaire pour ce roman ?
Justine Niogret : Pas vraiment. Je n'ai pas fait le tour de mon métier, j'en ai fait quelques pas, j'ai encore beaucoup, beaucoup à apprendre et à découvrir. Je suis très heureuse de ces prix, je les prends comme des encouragements à faire mieux et à continuer mon chemin. Pas une fin en soi.
Actusf : Sur quoi travailles-tu ? Quels sont tes projets ?
Justine Niogret : Je travaille sur un gros projet qui parle de gladiateurs, Secutor, l'histoire d'un esclave dans les arènes de la Rome antique. Une histoire de vengeance... enfin bref, un truc gai et positif, comme d'habitude. Enfin, je dis ça mais je trouve Mordred plein d'amour et d'espoir, quant à moi. =)