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Kraken

Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 08/10/2015  -  livre
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Kraken

Avec tous les fameux prix qu’il a raflés depuis son premier roman (Le Roi des rats, 1998), China Miéville, né en 1972, est désormais loin d’être un inconnu pour les lecteurs de littérature de genre. Tout comme H. P. Lovecraft, J. G. Ballard ou Philip K. Dick qui figurent parmi ses multiples sources d’inspiration, Miéville est l’un de ces auteurs dont le nom évoque immanquablement un imaginaire et une ambiance bien spécifiques. Tresseur de motifs et transgresseur de codes, le Londonien donne carte blanche à son imagination pour façonner l’univers fantasque qui est le sien. Publié en 2010 au Royaume-Uni et en 2013 en France, Kraken ressort désormais en livre poche, fort de son prix Locus 2011 et de son prix Masterton 2014.
 
Attention, « épidémie d’eschatologies » sur Londres
 
Le calmar géant de huit mètres du Centre Darwin a disparu ! Après avoir déclaré le vol, Billy Harrow, conservateur et spécialiste des mollusques marins, se retrouve entraîné bien malgré lui dans une folle aventure qui le plonge sans préavis dans une Londres occulte et exotique dont il ne soupçonnait pas l’existence. Brigade « spécialisée » de la police, sectes incongrues et malfrats monstrueux… tous sont sur la piste du volumineux spécimen : et pour cause ! Car ce n’est rien de moins que la fin des temps qui doit advenir si l’on ne retrouve pas rapidement la fichue bestiole… Et d’ailleurs, tout ce petit monde semble convaincu que Billy, le si banal Billy, a un rôle à jouer dans tout ça.
 
Un roman dense et créatif pour lecteurs aventureux
 
Avec son histoire de calmar inexplicablement escamoté, Kraken démarre comme un roman policier classique – bien que tout à fait loufoque. Rapidement et comme Billy, le principal protagoniste, le lecteur bascule cependant dans un monde étrange et volontiers absurde, peuplé de personnages hauts en couleur.
 
La magie opère grâce au style tout à la fois impeccable et nonchalant de Miéville, qui travaille en véritable orfèvre de la langue : on ne peut que saluer la puissance d’évocation de son écriture inventive, très bien rendue par la traduction, et par laquelle émergent cette Londres fantastique et ses drôles d’habitants – pâtres-à-monstres, londromanciens et autres feutards. L’abondance des références culturelles, l’immersion brutale dans un univers a priori sans queue ni tête et le rythme débridé du récit peuvent néanmoins rendre la lecture difficile. Si Miéville nous emmêle parfois avec ses fausses pistes et ses sous-intrigues, au point que l’on puisse parfois s’interroger sur la façon dont tout cela va se terminer (indice : sur un feu d’artifice de plot-twists), l’écrivain maîtrise parfaitement son scénario et sait retomber sur ses pattes.
 
Il parvient également à donner à cet univers riche et extravagant une parfaite logique interne : c’est là l’une des grandes forces du roman, qui malgré son exubérance scénaristique et stylistique conserve une cohérence à toute épreuve. Résultat,  on y croit : si l’on accepte le pacte de lecture, si l’on fait confiance à Miéville pour nous faire apprivoiser petit à petit la folle Londres de Kraken, et si on est prêt à admettre la dernière des absurdités, la plus improbable des croyances, la lecture se révélera délicieusement récréative.
 
Au-delà de l’inventivité foisonnante du roman, Kraken joue avec humour d’une thématique éminemment contemporaine, la fascination eschatologique, en confrontant des cultes aussi divers que variés et leurs divinités farfelues. Derrière la légèreté et la malice d’une plume qui désamorce toute horreur dans cette « sombre comédie », ainsi que la dénomme Miéville, le pouvoir de la foi et de la croyance, entremêlé à celui de la langue et de l’écriture, est d’ailleurs l’un des thèmes centraux de cette histoire au raisonnement très métaphysique.
 
Qu’il s’agisse de notre premier China Miéville ou que l’on soit un fan de la première heure, ou tout simplement un amateur de fantastique et d’urban fantasy hors-normes, Kraken saura susciter notre engouement : l’écrivain londonien se montre ici tout à fait à la hauteur de sa réputation de nouveau maître de l’imaginaire. Il est néanmoins conseillé d’être un lecteur chevronné, de ne pas avoir peur de suspendre son incrédulité et d’être bien accroché à son siège pendant toute la durée de la lecture. 

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