- le  

L'Appel des Illustres

Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 08/07/2016  -  livre
voir l'oeuvre
Commenter

L'Appel des Illustres

Lorsque le jeune éditeur français Romain Delplancq se met à l’écriture, il broie, mélange ses couleurs lui-même, compose sa propre palette et sort de son atelier un tout premier roman, L'Appel des Illustres. L’univers typé Renaissance, qu’il agrémente d’une touche technologique (des automates appelés « tenseurs »), permet à son œuvre d’être exposée dans le catalogue très sélectif des éditions de l’Homme Sans Nom.
 
Dans cette galerie picturale et scripturale, L'Appel des Illustres pose en tons ocre ; la toile de couverture attire l’attention sur un homme armé d’un pinceau comme d’un couteau et entouré de volutes bien sombres, autant d’éléments qui désignent cet univers esthétique comme plus dangereux qu’il n’en a l’air.  
 
Les éditions de l’Homme Sans Nom, une jeune maison montreuilloise
 
Les éditions de l’Homme Sans Nom sont une maison d'édition indépendante installée à Montreuil, dont les premières publications sont à dater d’avril 2011. Les quatre collaborateurs s’intéressent exclusivement à la littérature de l’imaginaire : fantasy, fantastique, science-fiction, et depuis peu au policier. Leur catalogue comporte actuellement une douzaine de titres. Leur credo : publier leurs coups de cœur !
 
Ils privilégient le rapport de proximité avec leurs lecteurs et leurs auteurs, ce qui est sensible dans la présentation de leur site web. Celui-ci est simple et sympathique, la description de leur ligne éditoriale, des écrivains, des livres est amusante. Le logo est esthétique et la version miniature a le mérite d’être très reconnaissable. Les couvertures de leurs romans manquent peut-être d’unité mais certaines sont particulièrement réussies. De quoi donner envie d’étudier leur catalogue de plus près.
 
 
Des tableaux qui prennent (la) vie
 
Établi dans un monastère près du village de Meris, le jeune peintre Mical a l’habitude des défis et n’a pas peur de voyager pour satisfaire les commandes de ses mécènes. Mais le lien entre l’une de ses toiles et les ducs Spadelpietra, ces grands seigneurs protecteurs des arts appelés les Illustres, va faire basculer sa vie de peintre tranquille et faire de lui un fugitif ardemment recherché. C’est chez les nomades Austrois, ce peuple d’artistes et d’ingénieurs, qu’il trouve refuge, mais pour combien de temps ?
 
Son talent pictural est à la source de tous ses plaisirs, mais peut-être aussi de tous ses maux. Il ne sait pas encore à quel point ses mains rendent réel tout ce qu’il peint. Ce sont des mains de génie, certes, mais de génie dans son versant le plus mortel. 
 
Une couleur pittoresque, plus ocre qu'écarlate
 
Il faudrait déjà commencer par noter que le titre du cycle n’est pas tout à fait représentatif du contenu. Il est facile de le déformer par oubli (Les princes de sang, Le sang du prince…) et il paraît assez vide de sens (il semble surtout vendeur). Le sujet n’est pas le récit de grandes batailles, ni celui d’intrigues politiques sournoises et empoisonnées, mais plutôt celui d’un jeune peintre jeté en travers du pouvoir des Grands. Le sang des princes n’est pas beaucoup versé dans ce premier tome…
 
Le titre du volume est déjà plus emblématique. Ce sont la couverture, et surtout le résumé, qui détermineront le lecteur à s’approcher du tableau pour en étudier les détails. L’univers Renaissance, la fusion entre rouages mécaniques et art sont autant d’éléments qui mettent l’eau à la bouche. La police d’écriture des chapitres est elle-même étudiée pour épouser la tonalité du récit. Même la page de remerciements, enjouée et légère, donne le sourire. Tout prédispose le lecteur à une lecture enthousiaste. Dommage qu’il tourne la dernière page avec une expression en demi-teinte. 
 
Ce que l’on gardera surtout au premier plan : l’univers, le sujet artistique, la couleur locale. L’auteur nous plonge d’emblée au beau milieu d’un concert, avec une description vivace du mouvement joué. La peinture des scènes est travaillée et rend la lecture agréable, même si ponctuellement, l’artificialité de certaines phrases est perceptible. Le concept des tableaux vivants est intéressant, bien qu’il ne soit pas tout à fait original (on le retrouve notamment dans certains jeux vidéo, forts de leur atout visuel). Mais ici, les toiles affirment leur pouvoir mortel. Les peintres n’ont jamais été investis d’un aussi grand pouvoir – et d’une aussi grande responsabilité. Il est dommage que cet aspect magique ne soit pas davantage mis en valeur. L’introduction d’automates (les tenseurs) attire l’attention dès la lecture du résumé, mais leur fonction et leur utilité restent assez floues au court du roman.  
Le tableau d’ensemble est cependant assez vite terni par des personnages qui manquent de naturel et auxquels il est difficile de s’attacher. La structure du roman n’y est pas indifférente : les séquences d’ouverture sont trop courtes pour qu’on les individualise et l’alternance des séquences ne permet pas toujours de se rappeler leurs actions antérieures. Certaines scènes ne semblent d’ailleurs pas très utiles. Le découpage du récit est lui-même assez curieux : des retours en arrière qui font que l’on a du mal à situer le présent du récit et surtout, une ellipse soudaine de plusieurs années qui passe sous silence l’évolution des relations entre les personnages. Elle nous confronte au portrait d’un Mical ayant bâti une situation familiale mais n’ayant pas forcément gagné en maturité. On appréciera le fait que celui-ci ne soit pas l’un de ces héros fanfarons ou démesurément puissants, mais il fait figure d’homme faible et maladroit, malheureusement dans le sens négatif (il passe à côté du qualificatif « charmant »). Il faut attendre la seconde partie du roman (après l’ellipse) pour qu’un individu plus charismatique et affirmé se révèle au grand jour (Cyril). Il souffrirait peut-être d’un manque de représentation, de même que le fils du peintre, rapidement relégué au second plan.
 
Dans un souci naturel de protéger ses personnages, l’auteur a tendance à les entourer d’un cocon qui empêche la libre expression de leur personnalité. Ils restent mesurés et sages, ce qui est sensible dans des dialogues finalement neutres, parfois maladroitement humoristiques (les personnages plaisantant sur des références communes auxquelles le lecteur n’adhère pas). Les dialogues manqueraient d’être plus enlevés, dynamiques, drôles. Mical, que l’on verrait bien avec une auréole sur la tête ou un bon pigment rose sur les joues, est bien sûr le personnage le plus protégé. Une figure telle que celle de Vittor Spadelpietra, certes classique, mais capable de répondant, devient donc indispensable. 
 
Une idée tout de même appréciée : le croisement subtil entre les personnages. L’un d’entre eux peut être glissé de façon anonyme en arrière-plan pour pouvoir mieux mener la séquence suivante en tant que personnage focal. Ce jeu avec le lecteur est un clin d'œil malicieux.
 
Ce tome d’ouverture sert surtout d’introduction : des pistes sont lancées mais les réponses tardent en raison d’une prudente mise en place. L’on y sent les maladresses d’un premier roman. Mais l’histoire de Mical et des Spadelpietra ne fait que commencer, Romain Delplancq n’a pas encore achevé sa fresque qu’il conçoit comme un diptyque. De la même façon qu’il serait déplacé de sortir au beau milieu d’un concert ou d’une représentation théâtrale, le lecteur gardera ses sens en éveil en attendant que le second tome réponde aux questions soulevées et que l’artiste achève sa toile d’un pinceau, espérons-le, de maître. 

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?

{{insert_module::18}}