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La Porte des étoiles

Carole Inn ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 28/02/2007  -  livre
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La Porte des étoiles

La Porte des étoiles (notez le titre original) est le premier roman de Carole Inn. On ne sait pas grand-chose d’elle, à part qu’elle est née en 1968, a vécu à Lyon avant de migrer vers le Sud de la France pour y élever ses trois filles. C’est pour elles qu’elle a écrit ce récit, et ce sont elles, nous dit-on, qui l’ont poussée à le faire publier. Des fois, les enfants feraient mieux de se taire.

Un monde en vase clos

Dans un futur où le peuple est contrôlé par l’ET, une milice aux ordres d’un état coercitif, où le moindre écart de conduite peut vous envoyer en prison, où le seul moyen de faire carrière est de travailler pour l’administration, Manon élève tant bien que mal ses trois filles. Son mari est parti travailler pour l’ET depuis plusieurs années et n’est jamais revenu. Persuadée qu’il est toujours vivant, Manon envoie ses trois filles à sa recherche, en secret. Avec comme autre but de découvrir ce qui se trouve au-delà des remparts immenses qui encerclent la ville.

Aucun intérêt, ni cohérence, ni crédibilité

Passons sur le fait que le monde décrit par Inn et les enjeux qu’elle met en scène manquent complètement d’originalité. Et si certains auteurs parviennent à recycler des thèmes avec réussite, ce n’est pas le cas ici. Les clichés sur une société totalitaire pleuvent mais ne convainquent en aucune manière. Et pour cause : Inn a beau vouloir nous présenter un monde pauvre et triste, on ne peut s’empêcher de penser que c’est le paradis ! Des pilules nutritives permettent de s’affranchir de la faim, mais visiblement Inn considère que ce n’est pas un bienfait… Ce n’est certes pas du Bocuse, mais aujourd’hui le tiers-monde ne cracherait pas dessus. Autre exemple : « L’appartement était petit. La famille vivait dans 70 m² » : à quatre, c’est vrai que c’est l’horreur... Visiblement Inn a passé son enfance dans des palaces. Mais le sommet du ridicule est atteint lorsque l’auteur écrit : « Toutes ces infrastructures étaient gratuites pour le peuple, mais souvent fréquentées par les plus aisés. Les pauvres n’avaient pas souvent l’idée, et l’envie de passer un moment en famille dans des structures de détente où il régnait une joie de vivre, de bonne humeur et de paix » : pas de chance, non seulement les pauvres sont pauvres, mais en plus ils sont cons ! Bref, tout ça est d’une indécence sinon volontaire, en tout cas maladroite.

Il n’y a pas que l’environnement qui est incohérent. L’intrigue elle-même manque terriblement de crédibilité. Déjà, envoyer trois jeunes filles de douze, dix et moins d'un an (dix mois !) à l’aventure dans un monde hostile n’est pas franchement une idée digne d’une mère de famille. Pourtant, Inn a clairement écrit ce roman pour ses filles. Il n’y a qu’à voir comment elle les idolâtre : elles sont belles, ont les yeux bleus, sont courageuses, intelligentes, font preuve d’initiative… difficile de croire et de s’attacher à ces icônes artificielles qui n’ont d’intérêt que pour Inn elle-même. L’intrigue va d’ailleurs vite se restreindre à une histoire banale de prophétie dont l’une des filles sera, forcément, le centre.

Enfin, on se demande pourquoi Inn a choisi la science fiction pour raconter cette histoire à ses filles, vu qu’elle ne fait que récupérer les clichés superficiels du genre, qu’elle n’a aucune imagination et que les aspects technologiques sont tout simplement risibles. Inn réinvente ainsi le dictaphone (mais attention, hein, avec une innovation technologique de pointe : le CD…), fait couper les cheveux à ses personnages pour que la puce qu’ils ont dans la tête soit lisible par les portails magnétiques ; ses savants mélangent des poils de bêtes avec « d’autres ingrédients et d’autres substances » pour reconstituer de la viande (visiblement elle n’a jamais entendu parler d’ADN), et découvrent un inhibiteur de puce en recherchant la matière… d’une feuille de salade ! C’est presque du Monty Python… Et enfin, il ne faut pas oublier l’onde magnétique qui « dissout tout ce qui pouvait la toucher »

Une suite de mots enfantins et une absence totale de travail d’édition

La Porte des étoiles a été écrit pour des enfants. On en viendrait presque à croire qu’il a été écrit par des enfants. Comment justifier sinon la naïveté des expressions employées (l’organisme social distribuant la nourriture aux pauvres s’appelle… « la Caisse des Pauvres ayant Faim »), la simplicité des métaphores, l’absence de sens de certaines phrases, le vocabulaire limité… Cela ne dépasse pas le niveau d’une rédaction d’un enfant de sixième. La quatrième de couverture loue le « style moderne » du roman, mais cela va rarement plus loin que sujet-verbe-complément. Quant aux soi-disant « nombreux dialogues », ils doivent représenter à peine cinq pourcents du texte…

La Porte des étoiles est donc un mauvais roman. Mais bon, on ne peut pas en vouloir à Carole Inn, elle a tenté le coup, tant mieux pour elle et tant pis pour nous. En revanche, l’éditeur (ou celui qui se dénomme ainsi) mériterait le pilori. Il n’y a en effet absolument aucun travail d’édition. Il y a des fautes de ponctuation, d’orthographe ou de grammaire dans quasiment toutes les phrases, au point que c’en est presque illisible. Les exemples qui suivent ne sont que des échantillons : « en hivers » ; « nourisse » au lieu de nourrice ; « rasé de prêt » ; « Axès interdit » ; « elles attendèrent deux minutes » ; « malgré que » ; « bouche B » ; « si elle les retrouverait »… (mince, mon traitement de texte n’arrive plus à suivre !) Sans compter les multiples répétitions et les phrases sans queue ni tête. Cela dit, des fois, on se marre bien : « Manon s’éclata en sanglot ». La Porte des étoiles n’a donc pas dépassé le stade du brouillon (et là ce n’est pas une injure mais une simple constatation : « BROUILLON n.m. (de brouiller). Premier état d’un écrit avant sa remise au net » – Le Petite Larousse Illustré). Soit l’éditeur n’a jamais relu le texte, auquel cas c’est un charlatan, soit il l’a relu auquel cas c’est un incompétent. Comment expliquer cela, alors que des gens osent vendre ce livre 15 euros ?

Un petit tour sur le site internet de La Société des Ecrivains nous donne quelques indications. Déjà, le titre du roman sur le site (La Porte aux étoiles) est différent de celui imprimé sur la couverture. Cela peut paraître anodin mais c’est tout à fait significatif de l’absence de rigueur de cet imprimeur (car il ne peut pas prétendre à une autre appellation). La rubrique « Gardez le contrôle créatif » indique : « Vous maîtriserez la mise en page, le format, le type de reliure et les insertions que vous souhaitez ». Déjà, c’est louche. De là à croire que l’auteur est le seul correcteur de son œuvre, il n’y a qu’un pas. Ensuite, dans la rubrique « Faites-vous publier », on peut lire : « Vous trouverez une solution adaptée à votre oeuvre et à votre budget ». C’est donc plus clair : entre l’auteur et la Société des Ecrivains, c’est une relation commerciale et non pas éditoriale. Sans doute la cause qui a abouti à la production de ce torchon (« TORCHON n.m. 3. Fam. Texte écrit sans soin, mal présenté » – Le Petit Larousse Illustré), qui est une preuve évidente que l’édition, c’est un métier.

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