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Le Livre des morts Banlieusards

David Oghia (Illustrateur de couverture), Thomas Bauduret (Traducteur), Robert Rankin ( Auteur), Anthony Geoffroy (Illustrateur de couverture)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 31/01/2007  -  livre
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Le Livre des morts Banlieusards

On sait peu de choses sur Robert Rankin. A peu près autant que son éditeur (Bragelonne), c’est à dire une brève biographie tout en démesure où l’on apprend entre autres qu’il fut « plus de dix fois lauréat du Prix Littéraire Robert Rankin, dans la catégorie Plus Meilleur Roman de tous les Temps ». La couleur est annoncée, si le contact de l’autodérision récurrente et justifiée vous donne de l’urticaire, renoncez.

Best seller anglais, Rankin est déjà le père (comblé) de 25 romans et ses nouvelles productions sont attendus outre-Atlantique comme on attend le nouveau Philippe Djian en France. Le ton et les univers qu’il a créés font écho à l’œuvre d’Adam Douglas et révèle une certain parenté avec l’œuvre de Terry Pratchett, son rival patriote.

La couverture de l’ultime opus de la trilogie Armageddon est flanqué d’un titre assez effrayant pour ne pas employer le mot repoussant (Ah. Bon. Tant pis). Le Livre des Morts Banlieusards. Vaste programme. Au dos de la 4eme de couverture Terry Pratchett fait mousser Rankin. « Le seul gars à me faire toujours rire. » Ca s’avère plutôt rassurant, on a l’assentiment de Pratchett dont la pointure dans la fantasy-burlesque n’est plus à mesurer.

« Bienvenue dans le final d’une magnifique saga qu’Hollywood a pourtant refusé plusieurs fois !  »…

L’histoire commence dans une vallée paisible. Bon mettons très paisible c’est quand même le paradis. Rex Mundi, l’heureux propriétaire d’un joli petit pavillon, coulait des jours tranquilles. C’est alors que tout en construisant une fosse sceptique, il met à jour une statue en marbre massif d’Elvis « The King ». Malheureusement pour lui et ses jours tranquilles, deux brutes épaisses vont lui subtiliser pour aller la mettre en sûreté dans une dimension parallèle : Elvis City. Une ville où Elvis a remplacé Dieu. Deux jours avant le troisième holocauste…

Pute au grand cœur, Détective de série B, l’Antéchrist (finement appelé l’anti-Rex), agent de police brutal et philosophe, un nain qui veut conquérir le monde et pour finir un chou qui traverse le temps… De quoi remplir allègrement les 317 pages de ce roman.

… Et on comprend pourquoi

Si l’intrigue n’est qu’un prétexte pour les tribulations de l’auteur avec sa plume et son humour, on pourra tout de même apprécier l’élégante esthétique de dessin animé qui règne. (D’emblée on pense à Plympton). Un grand n’importe quoi jouissif où bien évidemment le nain veut devenir maître du monde, le détective enchaîné à un contrat. Rankin s’en donne à cœur joie et exploite sans parcimonie les règles du non-sens, du gag récurrent et de la parodie.

Cependant sans intrigue qui tienne la route, le récit s’essouffle et les gags se suivent et finissent par se ressembler. C’est peu dire que le roman s’étiole sur 317 pages subissant la règles des romans à sketchs : il y a bien longtemps que le lecteur ne croit plus à l’intrigue et n’attend plus que la phrase, le mot, la situation qui le feront sourire.

Les éditions Bragelonne brandissent le doux mot de Terry Pratchett en seul argument de vente (quasiment tous ses livres agitent cette citation), qu’à cela ne tienne ! Rankin va souffrir de la comparaison avec le maître de la fantasy-burlesque. Car ce qui fait le génie de Pratchett c’est son prodigieux talent à donner vie à un univers dans sa totalité et dans sa continuité (le pendant burlesque de Tolkien en quelque sorte). C’est là où pêche Rankin. Ses personnages trop stéréotypés pour être attachants et son intrigue trop mince ne permettent pas à son humour de s’imposer. Et c’est bien dommage car, blasé, le lecteur passe à côté de petites perles que les Monthy Python ne renieraient pas.

« Dee et Kelley dînaient au Drowning Handbag, un restaurant branché dans le quartier le plus huppé de la ville. Le chef proclamait que si le client commandait quelque chose qui n’était pas sur le menu, il pouvait dîner à l’œil. Le défi n’avait vraiment été relevé avec succès qu’une fois, lorsqu’un client avait demandé un sandwich aux testicules d’éléphant et que le cuistot avait dû admettre qu’il était à court de pain. »

Un schéma classique ? Une malédiction ?

La destinée littéraire de Robert Sheckley, l’un des seuls écrivains américains à avoir œuvré presque entièrement dans l’humour, est-elle révélatrice d’un destin tragique de l’auteur de fantasy-comique ? Il a en effet subi, après une série de satires dévastatrices, une perte de cohésion dans ses romans au profit unique de son humour qui l’a fatalement conduit à s’auto parodier. Rankin a-t-il souffert du même syndrome ? La question demeure en suspens puisque la plupart de ses œuvres restent encore inédites en France et notamment ses premiers romans.

En tout cas l’extrême légèreté de celui-ci laisse définitivement le lecteur au tapis. Tapis d’où il regarde, mi-figue mi-raisin, s’envoler les promesses d’un vrai roman de fantasy (je veux dire avec un but, ou tout au moins une direction) gorgé d’un humour anglais pourtant si élégant. C’est regrettable et finalement on se met à penser à l’unisson avec Rex Mundi : « Je m’en cogne. Tout ce que je veux, c’est sortir de cette histoire de fous en un seul morceau. Revoir ma femme et mon jardin. Creuser ma fosse sceptique et reprendre le cours de ma vie. »

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