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Le Roi des fauves

Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 21/05/2015  -  livre
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Le Roi des fauves

Aurélie Wellenstein était en lice pour le prix Révélation 2016 des Futuriales, mais aussi pour le Grand Prix de l'Imaginaire en catégorie Jeunesse. Dans les deux cas, la consécration ne fut pas au rendez-vous. Il faut dire que la concurrence était rude, puisque Royaume de vent et de colèresVéridienne et Dévoreur étaient notamment de la partie...
Toujours est-il que Le Roi des fauves s'occupe à nouveau d'animaux, après deux romans gravitant autour des chevaux et avant un nouvel opus, Les Loups chantants, prévu pour mai 2016.
Encore faudrait-il s'accorder sur la définition des animaux dont il est ici question. Ils sont variés, tourmentés, et de nature duelle. 

Une noirceur assumée de bout en bout
 
La scène d'ouverture, très maîtrisée, annonce immédiatement le ton sombre du roman.
Imaginez en effet une société médiévale dans son fonctionnement, nordique dans son ambiance. Kaya, Ivar et Oswald, trois adolescents, sont surpris à braconner sur les terres du jarl local. Ils sont alors condamnés à ingérer un parasite qui les changera progressivement en berserkirs, des créatures bestiales chez qui ne subsiste plus une once d'humanité. 
Si ce cadre « viking » semble aux antipodes du monde post-apocalyptique des Cités englouties de Paolo Bacigalupi, on retrouve chez Aurélie Wellenstein cette même noirceur sans concession, parfois à la limite du soutenable mais jamais gratuite. Un vrai tour de force étant donné que ces deux ouvrages s'adressent en premier lieu à un public adolescent.
D'emblée, Aurélie Wellenstein montre qu'elle sait où elle va. Et elle ne se perd pas en chemin. L'écriture est fluide, jamais heurtée, toujours au service des trois amis. Par ailleurs, sans recourir aux longues et fort belles évocations d'un Jacques Abeille ou d'une Léa Silhol, Aurélie Wellenstein sait charmer par ses descriptions courtes mais éloquentes, qui viennent dépeindre le monde d'Ivar, Kaya et Oswald par petites touches. 
On regrettera simplement la présence d'un personnage de « méchant » absolument dénué de nuances (fallait-il qu'il soit à la fois cruel, bête, libidineux, vaniteux, sanguinaire... ?)
Mais en même temps, comment justifier autrement le sort hideux que le haut-roi de Sigvard réserve à notre trio de héros ? 
 

Un cheminement initiatique gouverné par « une peur ancestrale, hallucinée »
 
Car, en effet, après l'ingestion du parasite, nos trois jeunes gens sont envoyés dans la province close de Hadarfell pour attendre que le berserkir s'empare d'eux. Ils entament alors un voyage tant réel que spirituel, une odyssée horrifique (ponctuée notamment par une sympathique référence à des baies toxiques, ce qui rappellera une dénommée Katniss à certains lecteurs) à la recherche de ce Roi des Fauves qui donne son titre au roman.
Tantôt apeurés tantôt fiers, mais toujours crédibles, les trois adolescents progressent tant bien que mal tout en cherchant à conserver leur humanité, malgré le parasite qui déforme leurs émotions, les attise et les gomme tour à tour.
Si l'atmosphère poisseuse à souhait ne se justifiait pas déjà, elle trouverait ici tout son sens ; elle avive la terreur de la transformation, cette épée de Damoclès qui menace à tout instant de s'abattre. Et à un certain moment, que le lecteur identifiera sans peine, on comprend qu'Aurélie Wellenstein est vraiment prête à aller au bout de son propos. 
Rarement l'on aura vu un roman, qu'il se destine à un public jeunesse ou à des adultes, construire avec de tels accents de vérité, et en si peu de pages, le parcours spirituel de ses personnages. 
 
Une résolution un peu forcée ?
 
À l'aune du reste du récit, le dernier quart du roman (au demeurant très intéressant) paraît bien abrupt, voire hâtif. Il aurait certainement gagné à être développé, il y avait amplement matière à cela. Toutefois, cela ne parvient pas à entacher la puissance de cette réflexion sur l'humain et sur l'ivresse du pouvoir.
Une prouesse, vous dis-je. 
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