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Le Soldat chamane (Intégrale 1)

Robin Hobb ( Auteur), Arnaud Mousnier-Lompré (Traducteur), Marc Simonetti (Illustrateur de couverture)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 08/01/2014  -  livre
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Le Soldat chamane (Intégrale 1)

Contrairement aux Aventuriers de la mer ou à L’assassin royal, Le soldat chamane ne se déroule pas dans un univers médiéval, mais dans un monde ressemblant plus à notre XVIIIe siècle. Nous découvrons ici la jeunesse de Jamère Burvelle,  promis à un brillant avenir en tant que soldat de la Cavalla, si une touche de magie ne vient pas tout remettre en question… Après un découpage en huit tomes, les éditions J’ai lu publient des intégrales, reprenant le découpage de la publication originelle. Voici donc une bonne occasion de redécouvrir une œuvre de la grande Robin Hobb !
 

Rester dans le rang.

Le royaume de Gernie est en pleine expansion. Le roi Troden n’a cessé d’envoyer des troupes pour conquérir de nouveaux territoires, chassant ainsi le peuple des hommes nomades. Seuls quelques Ocelions résistent encore et tiennent l’armée à distance, après avoir contaminé leurs troupes avec une peste foudroyante.

Du côté de ceux qui se croient « civilisés », le roi a récompensé certains officiers en les anoblissant et leur offrant des terres, ce qui n’est pas du goût des membres de l’ancienne aristocratie…  Dans cet univers, les codes sociaux sont très stricts et doivent être suivis à la lettre. Vu que le dieu de bonté a décidé de faire naître Jamère Burvelle en deuxième position, il sera soldat. Chaque famille noble respecte ce schéma : le premier fils doit s’occuper du domaine familial, le second va grossir les rangs de l’armée, tandis que les troisième et quatrième rejoignent respectivement les Ordres et les Arts.  Dans cette première intégrale du Soldat chamane,  il rentre à la prestigieuse école de Cavalerie, où il devra faire preuve de discipline, de rigueur et surtout de patience, pour résister aux bizutages qui sévissent…

Comme toujours, l’écriture de Robin Hobb nous happe et une fois immergés dans ce monde rappelant étonnamment certains travers du nôtre, il est difficile de poser le livre ! Portant, le luxe de détails dont fait preuve l’écrivain dans certaines situations est parfois déroutant et un peu décourageant.

Tous les moments du quotidien de Jamère à l’école sont soigneusement décrits : cours, examens, repas au réfectoire, heures d’études, et pendant un grand nombre de pages, on se demande s’il va subvenir un élément grave – la réponse est un grand mais il faut rester patient ! Le point positif de cette écriture qui prend son temps, c’est que les personnages secondaires sont très bien campés.  Les plus attachants sont sans nul doute Gord, raillé pour son embonpoint qui arrive à toucher notre héros – miracle ! – qui s’interroge sur les brimades qu’il subit, et évidemment Spic, issu d’une famille désargentée, avec qui il passe son temps libre. En observant attentivement les bizutages que devra traverser Jamère sans flancher, on comprend que la guerre anciens/nouveaux nobles est très virulente parmi les élèves. Personne n’ose en parler ouvertement, mais dès leur plus jeune âge, les clans se forment et la lutte pour le pouvoir est impitoyable...

Au début de ce tome, en plus de trouver le temps un peu long, vous risquez de trouver Jamère fort agaçant !  Prisonnier de son carcan de bonnes manières, il ne remet jamais l’autorité en question et obéit sagement. C’est sûr, comparé à Fitz de L’assassin royal, il fait pâle figure ! Mais c’est en ça qu’il est intéressant. Petit à peu, de minuscules « progrès » apparaissent et il commence à faire preuve d’empathie envers ses camarades, et se rend compte que les gradés sont eux aussi des humains qui n’agissent que selon leur propre intérêt. Au fil du temps, Jamère va devenir plus spontané et se libérer de la bienséance pour réfléchir par lui-même.

Et puis, il y a la magie. Il y est exposé à quinze ans et va en être imprégné, d’une manière si puissante et insidieuse, qu’elle risque de chambouler son monde réglé comme du papier à musique !

Une touche de magie.

Avant son entrée à l’école, le père de Jamère va sans le vouloir, l’exposer à une magie ancienne et très puissante. Il le remet aux mains de Dewara, un nomade Kidona, censé lui apprendre l’obéissance et comment survivre sans eau ni nourriture. Or, notre jeune héros, sous l’incitation de son guide, va se retrouver en plein trip chamanique où il devra lutter contre une mystérieuse femme-arbre... Il arrive à s’arracher à elle et s’enfuit pour revenir chez lui, très faible psychologiquement et physiquement. Là, il ne s’interroge pas plus que ça sur cette étrange expérience, ou plus vraisemblablement, il essaie à tout prix d’oublier cette magie qui le dépasse. Il enchaîne avec sa rentrée à l’école, et le lecteur est frustré. Frustré de ne pas en savoir plus et frustré que Jamère n’exploite pas son nouveau don. Pourtant, notre héros sait qu’il se passe quelque chose en lui. À de nombreuses reprises, ces rêves vont l’emporter dans le monde de la femme-arbre, où il découvrira qu’un double de lui vit avec elle, et qu’il est aux antipodes de ses valeurs de jeune noble…

Heureusement, le personnage exubérant et très attachant d’Epinie, sa cousine, va l’aider à accepter qu’il possède une part de magie, et au vu des nombreux événements qui surviennent à la fin de cette première intégrale, nul doute que la part chamanique de Jamère va se dévoiler de plus en plus, au fil des autres tomes…

Ce qui est très intéressant, c’est que la magie est un moyen pour Robin Hobb d’exprimer un fort désenchantement vis-à-vis des nobles et aristocrates, censés être civilisés, mais prêts à tout pour régner sans partage sur de nouvelles contrées. En effet, Dewara explique à Jamère que son père l’a privé à jamais de sa magie en se servant sur lui d’une arme à feu, et le reste de son peuple a été colonisé par le reste de l’armée. De plus, lors de la fête de la Nuit Noire à Tharès-la-Vieille, des Ocelions sont carrément enchaînés dans une cage, avant de danser devant un public de badauds – qui ne se doutent pas à quoi ils s’exposent. À travers Jamère également, la magie peut devenir un moyen pour la Nature de se venger de cette colonisation de l’homme… Je vous laisse découvrir comment !

Les nombreux rebondissements aux trois quarts de l’ouvrage et le côté dévorant et dangereux de cette ancienne magie laissent présager une suite aux enjeux très intéressants, n’en déplaise à ce borné de Jamère !

À noter que le format de cette intégrale – forcément plus maniable que les intégrales des éditions Pygmalion – est très agréable à lire mais qu’il y a quand même trois ou quatre coquilles qui se baladent dans le texte ! Dommage ! Sinon, gros coup de cœur pour l’illustration de couverture de Marc Simonetti qui donne envie de dévorer l’ouvrage d’une traite !

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