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Le temps des changements

Robert Silverberg ( Auteur), Alain Dorémieux (Traducteur), J. Paternoster (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/09/2002  -  livre
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Le temps des changements

En 1971, la mode est plutôt au mélange de gens, au communautarisme, au Grand Tout, à la Gestalt, au "Bol de Soupe" comme dirait l'ami Wagner.

Alors, forcément, cette description d'une société où le "je" est proscrit, résonne étrangement. Un peu comme une réplique inversée du babacoolisme ambiant. Comme une recherche de soi étonnante de la part d'un Silverberg, qui nous avait plus habitués à nous livrer ses doutes, que ses certitudes toutes neuves.

La communion des âmes

L'histoire du très honorable et très respecté Kina Darrival, est troublante à plus d'un titre. On peine à s'imaginer une société où le tabou du "je" est aussi prégnant. Et pourtant, avec tout le talent dont il sait faire preuve, Robert Silverberg parvient sans peine à nous dresser de la planète Bothran un tableau des plus saisissant. L'oppression des convenances nous conduit insensiblement vers une lecture claustrophobe, qui n'en rendra que plus farouche la révolte de Kina Darrival partant à la découverte du "je".

Tout va basculer pour lui lorsque Schweiz, le marchand terrien, va lui faire expérimenter la drogue de Sumara qui permet la communion des âmes, et par-delà, la redécouverte du moi. C'est le point de départ d'une authentique révolution culturelle.

Dès lors qu'il est question de révolte pour imposer son individualité, la métaphore pourrait devenir transparente. On pourrait y voir le simple miroir de la crise d'adolescence d'une génération de flower childrens. Mais en 1971, Silverberg a 36 ans. Il a passé l'âge. Et même si cette impression d'une œuvre totalement en phase avec son époque, lui a valu son premier Nebula, le propos du Temps des changements est beaucoup plus introspectif.

Silverberg en doute

On sait qu'à cette époque, et depuis quelques années déjà, Silverberg s'est remis profondément en question. Il avoue lui-même dans Nouvelles au fil du temps, que le monde de la science fiction ne le satisfait plus tout à fait. Son travail d'écrivain le laisse parfois amer, et de plus en plus il se sent à l'étroit dans les cadres d'un genre dont il est, désormais, l'un des plus éminent représentant. En témoigne Le fils de l'homme, sorti quelques mois auparavant, et qui répond à ce besoin de changements auquel il aspire de plus en plus. Car le temps est au changement. C'est dans l'air. Dylan l'a chanté cinq ans auparavant, et depuis toute la société en fait l'expérience au jour le jour. Alors ? Pourquoi Robert Silverberg devrait-il être le seul à ne pas en profiter ?

Si Le temps de changement est bien un cri, c'est plus un cri de libération, un cri primal, qu'un cri de révolte. Kina Darrival qui s'adonne à la drogue de Sumara pour expérimenter la communion des esprits et l'intimité retrouvée, n'est sans doute pas si éloigné que ça de Robert Silverberg prenant du LSD dans l'espoir d'atteindre une forme de littérature qui l'emmènera suffisamment loin des formes convenues pour dissiper les doutes qui l'assaillent.

Si Le fils de l'homme est l'œuvre d'un homme qui essaie, Le temps des changements est le témoignage d'un homme qui a essayé. Silverberg n'est plus Darrival. Silverberg est Schweiz. C'est à lui qu'il revient désormais d'offrir, de partager. C'est à lui de parler des doutes de l'homme. De ses faiblesses, de sa nature. Il est l'Homme. Et de fait, dans les années qui suivront, il livrera sans doutes les plus pertinentes de ses œuvres avant de partir pour un ermitage de cinq années.

A juste titre, Le temps des changements est considéré comme l'un des opus majeurs de Robert Silverberg. Tout à la fois atypique et emblématique de son travail, il laisse derrière lui une traînée de poudre, prête à s'enflammer à la première étincelle d'humanité.

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