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Les Cinq Conteurs de Bagdad

Walter (Coloriste), Frantz Duchazeau (Dessinateur), Fabien Velhmann (Scénariste)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2006  -  bd
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Les Cinq Conteurs de Bagdad

Ce splendide album émane de Fabien Vehlmann, auteur de Green Manor, Samedi et Dimanche, Le Marquis D’ Anaon et de Frantz Duchazeau, qui a illustré les séries Gilgamesh et Igor et les monstres. Ils ont déjà fait équipe pour La Nuit de l’Inca, aux éditions Dargaud.

L’Equipée Sauvage

Mise en abîme oblige, l’histoire est narrée comme le sujet dont elle traite, le conte. C’est ainsi qu’un vieillard étrange baigné d’un faisceau de lumière nous invite à l’écouter.

Jadis, un Calife décida d’organiser une grande compétition. Son très jeune fils Hamed, candidat, recrute les quatre meilleurs en vue de se former. Ainsi, il approche d’abord le conteur plaisant, incarné par Nazim l’opulent, à l’image de ses histoires généreuses comblant toutes les attentes du public. Vient ensuite le mystérieux Wahid, femme déguisée en homme, qui officie dans la pénombre des cafés. En dernier, Ahmed s’aventure dans les bas-fonds de Bagdad pour y dénicher Tarek et son mentor Anouar, le conteur licencieux détesté par la cour, dont les récits enflamment les trottoirs…Au final, la composition de l’équipe est prometteuse : un couple de jeune premier, un vieux cinglé, un bon vivant et une note de pureté dans ce monde de brute : l’enfant.

Dans les vapeurs du hammam, ils s’accordent pour entamer un périple autour du monde à la recherche des meilleures histoires. En effet, le voyage n’est- il pas l’une des plus grandes sources d’inspiration ? Mais alors qu’ils sont sur le point de partir, coup de théâtre ! Une devineresse prédit une aventure semée d’embûches, d’un mariage, d’un mort et d’un naufrage…

Leçon pratique de narration

Alliage de caractères explosifs, perspectives exotiques, c’est avec enthousiasme que nous suivons les conteurs dans leurs aventures transcontinentales : des rives méditerranéennes aux terres ouzbeks, des fabuleux temples d’Asie du sud-est à Alexandrie en passant par le pays des Djinns, c’est à dire le Sahara extrême, le bord du monde, vous ne serez pas déçu du voyage, magnifiquement illustré par Duchazeau, dont le coup de crayon vif et raffiné donne une vision exquise des lointaines contrées . Par une gamme variée et féerique obéissant à la logique du conte, Walter sublime l’ensemble : azur méditerranéen, ocres poussiéreux de la défunte Bagdad, crépuscules embrasés, cieux plombés de soleil, nuits cristallines, chaque vignette est une invitation au merveilleux.

Aussi et surtout, toute nouvelle péripétie soulève une question essentielle concernant l’art du conte. Ainsi, faut–il disséminer les effets d’annonces, comme il le subissent eux-mêmes concernant leur propre histoire ? Comment se jouer de la censure ? Faut-il dévoiler la fin ou laisser planer le mystère? A quoi sert une histoire ? Parallèlement à ce flot de questions éternelles s’édifie une réflexion sur la genèse des récits, leurs naissances, leurs sources d’inspiration. Ainsi, outre le voyage comme terreau fertile, ils découvrent au fil de leurs aventures la nécessité vitale de bousculer et reprendre sans cesse les mythes, à l’image de cette fresque de la Passion du Christ montée dans le désordre par un aliéné au détour d’un couvent italien…la distance critique se pose comme indispensable car, dit fort justement Anouar « rien n’est plus dangereux au monde qu’un conteur pris trop au sérieux… »

Enfin, ils apprennent au terme de leur voyage comment sublimer une histoire s’inspirant du réel grâce à un conteur alchimiste rencontré à Alexandrie. C’est simple : chauffez à blanc chaque élément pour le porter à incandescence et le débarrasser des impuretés, laissez macérer quelques temps, recueilliez l’élixir, illuminez de lumière … C’est prêt !

Dégustez.

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