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Les profondeurs de la terre
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Les profondeurs de la terre

Encore une réédition bienvenue de l'un des romans importants de Robert Silverberg. Un de ceux de la Grande Epoque, celle-là même qui vaut bien une majuscule à chaque mot.

On continue donc dans l'ordre chronologique, et après Les Déportés du Cambrien, c'est au tour des Profondeurs de la Terre, à l'origine publié en 1969 sous forme de feuilleton dans la revue Galaxy. A cette époque Frederic Pohl n'en est plus le rédacteur en chef, et c'est certainement l'attitude bienveillante de son successeur qui encouragea Silverberg à se laisser aller à une veine plus existentialiste dans ses récits. Une veine dont Les Profondeurs de la Terre inaugurera en quelque sorte l'exploitation.

Une quête rédemptrice

Un court récit au durant lequel nous allons suivre la quête rédemptrice de Edmund Gundersen. Après une absence de huit ans ce dernier revient sur la Terre de Holman, monde dont il avait été l'administrateur colonial, et qu'il n'avait quitté que contraint forcé, lorsque les scrupules d'une certaine frange de l'intelligentsia terrienne avaient poussé les colonialistes à reconnaître le droit à l'autodétermination des peuples autochtones. Et il est vrai qu'en huit ans de domination Nildor, les choses ont bien changées. Sorte de pachydermes placides, les Nildoror sont l'espèce dominante de la Terre d'Holman, mais ils partagent cette suprématie avec les mystérieux Sulidoror, grands primates carnivores des terres du Nord. Dès son arrivée Gundersen entreprend de renouer avec son ancienne vie. Il retrouve ces anciens compagnons qui avaient choisi de rester au moment de l'Indépendance, mais surtout il remonte dans ses souvenirs, à la recherche, au fond, de la raison qui l'a poussé à revenir sur ce monde perdu aux confins de l'Univers. Même s'il se reproche amèrement son attitude colonialiste, il admet mal de voir cette planète livrée à l'incurie d'éléphants intelligents auxquels finalement les Terriens n'ont jamais vraiment rien compris. C'est donc pour solder les comptes avec son passé qu'il va partir à la rencontre de cette civilisation méconnue au travers de ce qu'elle a de plus sacré : le rituel de la Renaissance. Une fois encore on sait peu de chose de ce rite, si ce n'est qu'il est essentiel à tout Nildor, et qu'il se déroule loin des jungles de la ceinture tropicale, au nord, dans le Pays des Brumes. C'est sous la protection des nouveaux maîtres de la planète que Gundersen va entamer ce long voyage initiatique. Un périple qui va l'emmener bien plus loin qu'il ne l'aurait cru possible.

Flower Power

Souvenons-nous que nous sommes en 1969, et que l'air fleure bon la quête de soi au patchouli, la philosophie de l'amour et du partage et le mysticisme à quatre dollars le buvard d'acide. L'année précédente Robert Silverberg a effectué un séjour à San Francisco qui l'a profondément marqué. A cette époque, impossible d'y passer sans se laisser gagner par les derniers relents du Flower Power, même si deux ans seulement après le Summer of Love, les fleurs commencent à se faner. L'Amérique entière d'ailleurs entre dans une période de babacoolisme ambiant qu'en opportuniste génial Robert Silverberg ne pouvait pas ignorer. Et il est vrai que s'il donne libre cours à ces tendances les plus sombres sur le chemin du Pays des Brumes, Les Profondeurs de la Terre tirent vers un dénouement inattendu, très "peace together" et "love for everyone". Une facette inattendue pour un auteur noir et plutôt cynique, qui va retourner la même année avec L'Homme dans le Labyrinthe à des visions bien plus pessimistes du partage et de l'altruisme ; une façon de voir bien plus conforme à celle dont il nous a habituée depuis. Les Profondeurs de la Terre reste un roman atypique dans l'œuvre de Silverberg. Il vaut certainement plus pour son récit en lui-même que pour son dénouement, mais fait néanmoins partie intégrante des grands crus de l'auteur. Il trouvera sans peine une place dans vos rayonnages dans l'attente d'autres rééditions peut-être plus fondamentales.

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