Un auteur dont on attend toujours beaucoup
Remarqué dès 1988 pour son premier roman (Desolation Road), Ian McDonald a ensuite connu une éclipse auprès du public français (son cycle africain, Chaga et Kirinya, n’a par exemple jamais été traduit) avant de revenir en grâce avec Le Fleuve des dieux (2004, publié en français en 2010 par Denoël). Ce récit d’anticipation sociale et écologique autour de l’Inde au vingt et unième siècle a reçu le Grand Prix de l’imaginaire en 2011 et a permis de constater les progrès narratifs de McDonald qui se révèle être un auteur plein de souffle, capable de proposer de véritables fresques autour d’un pays ou d’une culture non occidentale. Il a d’ailleurs récidivé avec La maison des derviches (Denoël, 2012), autour de la Turquie cette fois-ci, une autre réussite à porter à son actif. Luna constitue le premier tome d’une trilogie, à partir de laquelle CBS développe une série, et se veut un récit de la colonisation de la Lune. On peut d’avance dire que ça décoiffe !
Guerres de familles
La Lune a été colonisée au cours du vingt et unième siècle et permet à la Terre de s’approvisionner à bon marché en minerais et énergies dont, après la fin de l’économie du pétrole, la planète a le plus grand besoin. Peuplée d’immigrants récents (qui, au bout de quelques années, ne peuvent plus revenir sur Terre car leurs squelettes se sont adaptés à la gravité lunaire) et de « créoles », la colonie est un nouveau far west où tout s’achète et tout se vend, sous le contrôle de cinq clans familiaux à la tête de fortunes immenses et de réseaux clientélaires importants. La famille Corta a fait de l’exploitation de l’Hélium 3 la base de sa fortune grâce à l’intuition d’Adriana Corta. Mais cette ascension ne s’est pas faite sans susciter de nombreuses jalousies. L’agonie d’Adriana met en péril ses cinq enfants car les autres familles, surtout les McKenzie, vont y voir l’occasion idéale pour une attaque décisive qui risque de plonger la Lune dans la guerre civile.
Un premier volume très prometteur
À la fin de ce volume de 460 pages, on est sûr d’une chose : Ian McDonald est un prodigieux créateur de sociétés futures. On note aussi la profusion de personnages (présentés au début de l’ouvrage), ce qui peut perdre un peu le lecteur au début… Ian McDonald nous propose en fait une anticipation sur un monde soumis à la logique néolibérale, où la rentabilité et le profit constituent les seuls axiomes. La domination de ces familles renvoie au passé féodal ou à l’Italie du Quattrocento. Notons également la totale liberté sexuelle des personnages, couchant indistinctement avec des hommes ou des femmes. Gageons que les deux prochains volumes seront du même niveau de qualité.