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Métal Hurlant - Une interview de Nicolas Tellop
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Métal Hurlant - Une interview de Nicolas Tellop

Pour fêter la nouvelle du retour du célèbre magazine, Métal Hurlant, en 2021, découvrez une interview de Nicolas Tellop.

Actusf : D'abord quels sont vos souvenirs de Métal Hurlant ? Qu'est-ce que le titre évoquait pour vous ?

Nicolas Tellop : Je fêtais mon septième anniversaire quand Métal Hurlant première formule a stoppé sa parution. À ce moment-là, la seule culture presse que j’avais, c’était Le Journal de Mickey auquel j’étais abonné. Autant dire que je n’ai eu connaissance du magazine Métal Hurlant que très tardivement. À l’adolescence, j’ai commencé à en repérer des allusions dans certaines bandes dessinées comme Le Jeune Albert d’Yves Chaland. Étant donné qu’on ne savait jamais, avec Chaland, si c’était du lard ou du cochon, j’ai longtemps cru que ce journal était le fruit de son imagination. Et puis j’ai découvert le film d’animation produit en 1981, que je n’ai pas forcément associé à Chaland, comme on s’en doute. Dans la foulée, comme j’étais lecteur attentif de Mad Movies, j’ai fini par comprendre que Métal Hurlant avait vraiment existé et que ça avait compté. J’ai appris que Jean-Pierre Dionnet en avait été le créateur et le rédacteur en chef. Or, à cette époque où je fréquentais le lycée, j’admirais beaucoup Dionnet. Je connaissais son « cinéma de quartier » sur Canal + grâce à un copain m’enregistrait les films qui y étaient diffusés. Pour moi, Dionnet, c’était un magnifique érudit du cinéma bis, une sorte d’idole qui dominait mes rêveries déviantes en matière de 7ème art. Et voilà que j’apprends qu’il était tout aussi important en bande dessinée et qu’il avait été à la tête d’un magazine culte ! Mais tout cela était encore très confus. Internet n’existait pas encore, je ne vivais pas dans une grande ville et je recoupais donc les informations qui me tombaient entre les mains au petit bonheur la chance. Lorsque je suis entré à l’université, j’ai beaucoup fréquenté les bouquineries, librairies d’occasion et autres bourses aux livres – et c’est là que j’ai appris le plus de choses. J’ai commencé à accumuler une jolie collection de vieux Starfix et Métal Hurlant. C’était comme faire de l’archéologie. J’avais grandi avec des films comme Mad Max, Alien, Blade Runner, Predator, Terminator, Robocop, les John Carpenter et autres David Cronenberg, et je découvrais ce qui en était l’origine, les prémisses, ou du moins une famille de papier sur laquelle il fallait compter. J’avais l’impression de déjà connaître Métal Hurlant en le découvrant. En fait, j’avais été nourri à la culture Métal Hurlant sans le savoir. Il n’empêche que, pour qui avait été amateur de bandes dessinées plutôt sages (même si géniales), la découverte de Métal Hurlant a révolutionné mes habitudes de lecteur grâce à Moebius ou encore Philippe Druillet. Rien que le logo d’Étienne Robial était pour moi le sésame d’un imaginaire en rupture avec les conventions mais en harmonie totale avec ce que j’étais devenu et ce que je recherchais.

Actusf : Comment est née l'idée de la reprise de Métal ?

Nicolas Tellop : Fin 2019, j’avais commencé à travailler avec Vincent Bernière pour Les Cahiers de la BD. Je lui avais notamment écrit un gros texte sur la science-fiction en bande dessinée, aujourd’hui. Ça a dû le convaincre, car dans la foulée il m’a demandé : « On relance Métal Hurlant ? » Je n’avais jamais songé à un truc pareil, parce que c’était inimaginable pour moi. Mais c’était sans compter sur Vincent, avec qui rien n’est impossible. C’est un véritable enfant de Métal Hurlant. Il était déjà en contact avec Fabrice Giger et Les Humanoïdes Associés, à l’époque, et j’ai assisté de loin aux différentes étapes dans la discussion autour du projet. Je n’osais pas encore y croire et puis finalement, quelques jours avant le confinement, je me suis retrouvé à une réunion avec Vincent, Sabrina Calvo, Ugo Bienvenu et tout le monde chez Les Humanoïdes Associés. C’était déjà de la science-fiction.

Actusf : Quelle sera sa ligne éditoriale ? De quoi avez-vous envie avec Métal ? Que souhaitez-vous que le magazine soit ?

Nicolas Tellop : Il s’agira d’un hybride entre la formule initiale et le mook. Métal Hurlant sera composé aux trois quarts par des créations en bande dessinée et un quart de rédactionnel. La partie bande dessinée sera indépendante du catalogue des Humanoïdes Associés : il n’y aura pas de prépublication d’albums à venir, ni de promotion systématique des auteurs attachés à l’éditeur. Ce qui n’empêchera pas, sans doute, certains récits de finir en albums, mais ce n’est pas le but premier. La partie rédactionnelle croisera chroniques, réflexions et investigations autour de la pop culture. Pour le reste, on ne reprend pas Métal Hurlant par hasard. Je me vois mal en faire un Miaou Magazine avec des histoires de chats mignons. Nous voulons créer un support qui mette à l’honneur la science-fiction et plus largement les champs de l’imaginaire, parce qu’il nous semble que notre époque en a plus que jamais besoin. Ces derniers mois, ces dernières années, la science-fiction s’est invitée partout dans notre quotidien, et il faut bien avouer que les institutions politiques et culturelles sont restées impuissantes à appréhender le monde qui vient. Avec Métal Hurlant, nous voulons nous en ressaisir, le questionner, le bousculer, le remettre en cause… Avec Vincent Bernière, on est tout à fait d’accord sur l’idée d’en faire un magazine inventif, prospectif et subversif.

Actusf : Le directeur de la rédaction Vincent Bernière, a expliqué au Figaro "qu'il y a encore des façons de se réjouir du futur" selon lui. Est-ce que ce sera une des lignes directrices de Métal ?

Nicolas Tellop : Ce sera le thème du numéro sur lequel nous travaillons, un hors-série qui ouvrira la voie à une reprise en périodique. Ce thème, c’est précisément le near near future, autrement dit l’anticipation proche. Le choix est arrêté depuis quelques temps déjà, mais la crise sanitaire n’a fait que confirmer ce que nous pressentions au sujet du near near future : avec la pandémie, nous avons tous eu l’impression de vivre un film de science-fiction catastrophe. Quand Vincent parle de se réjouir du futur, il faut rappeler le contexte. Il a annoncé la reprise de Métal Hurlant alors que nous déconfinions : il a ainsi profité d’un mouvement de fond où se mêlaient des sentiments de libération, d’excitation et d’espoir pour évoquer ce gros projet qui nous anime actuellement. Et en ce sens, oui, il y a encore des raisons de se réjouir du futur : ce sont tous les projets que nous pouvons faire, que nous voulons réaliser, tout ce qui nous fait aller de l’avant et qui fait appel à nos élans créatifs. Après, le futur en soi sera-t-il réjouissant ? L’avenir nous le dira. En tout cas, on peut aussi être galvanisé à l’idée des luttes, des combats, des engagements qui permettront de faire advenir un futur un peu meilleur. C’est ce qui nous fait tous avancer, non ?

Actusf : Qu'allez-vous garder de Métal Hurlant ?

Nicolas Tellop : Je pense que la ligne décrite une question plus tôt correspond à celle du Métal Hurlant d’origine. En tout cas, c’est ainsi que je la perçois. Jean-Pierre Dionnet a toujours voulu ouvrir au maximum les styles, les choix graphiques, les genres et le ton de son magazine. Très subjectivement, j’ai envie de dire que tout ce qui nous excitera pourra avoir sa place dans Métal Hurlant. C’est vague, mais c’est une réalité. Pas de récit tiède, ni de radotage comme le mainstream actuel a un peu tendance à le faire, mais des approches les plus neuves qui puissent être. Après, le Métal Hurlant d’origine est un monument, et l’enjeu consiste à ne pas se laisser écraser par son aura. Plutôt que d’avoir son héritage qui pèse sur les épaules (un peu comme on a tendance à représenter communément les arbres généalogiques), je préférerais le voir comme une base, des fondations d’une illustre grandeur à partir desquelles recommencer une quarantaine d’années après. Notre plus beau cadeau, ce serait de savoir Dionnet ou Philippe Druillet contents du résultat.

Actusf : Un petit mot peut être sur l'équipe. Qui sera dans la nouvelle team de Métal Hurlant ?

Nicolas Tellop : Outre Vincent et moi-même, le comité de rédaction est composé de l’écrivaine Sabrina Calvo (autrice du magnifique Toxoplasma, entre autres, bien connue des cercles de littérature de l’imaginaire), le réalisateur et auteur de bande dessinée Ugo Bienvenu, Jerry Frissen, scénariste de bande dessinée, et Cécile Chabraud, qui est éditrice aux Humanoïdes Associés.

Actusf : Le premier numéro sera un hors série dédié à l'anticipation. Qu'est-ce qu'on trouvera au sommaire ? Avez-vous déjà sa date de parution ?

Nicolas Tellop : Nous travaillons actuellement sur le sommaire. Les pistes que nous explorons sont très excitantes, de mon point de vue, mais il serait prématuré d’en dire davantage. Nous comptons sur une parution au printemps 2021.

Actusf : Et puis ensuite, quelle sera sa périodicité ?

Nicolas Tellop : À partir de là, nous devrions, si tout va bien, passer au trimestriel d’ici 2022.

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