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On tue au théâtre ce soir

André-paul Duchâteau (Scénariste), Tibet (Dessinateur), Martine Brichau (Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/04/2007  -  bd
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On tue au théâtre ce soir

Soixante-treize représentations ! On tue au théâtre ce soir est le soixante-treizième album de la série. Ric Hochet (52 ans) fait mieux que Chick Bill (54 ans) et son soixante-huitième album, L’hideux Zorfeline, aux éditions du Lombard. Même s’il se fait assister de Franck Brichau pour les décors, le dessinateur Tibet, alias Gilbert Gascard, est toujours aussi prolifique : 3 albums par an depuis plus de cinquante ans. Il ne se contente d’ailleurs pas de ces albums, puisqu’il a fait paraître en février 2007 son autobiographie, souvenirs de Marseille à Bruxelles, « Qui fait peur à maman ? ».

Plus prudent, le non moins fameux et prolifique scénariste André-Paul Duchâteau avait édité, quant à lui, sa biographie en 2002 « 7 à 77 ans, souvenirs d’un scénariste ». Une monographie lui a également été consacrée par Le Lombard en 2005. Le « gentleman conteur » est un grand amateur de polars. Il a notamment scénarisé de nombreuses adaptations de romans policiers en bande dessinées (Arsène Lupin, Rouletabille, Sherlock Holmes).

Pour ceux qui n’ont pas lu, depuis la parution du premier épisode « Signé Caméléon » en 1955, les soixante-douze premiers albums, voici un petit résumé : Ric Hochet est un limier hors pair. Son intuition et son intelligence déductive lui permettent de déjouer les pièges et les mises en scène diaboliques des machiavéliques psychopathes qui le défient ouvertement. Parmi eux, « le Bourreau » est l’anti-Hochet n° 1. Heureusement, le commissaire Bourdon, sa séduisante nièce Nadine, l’inspecteur Ledru, le journaliste et rédacteur-en-chef à la Rafale, Bob Drumont,  et le professeur Hermelin sont là pour l’aider à surmonter les épreuves.

Jeune et vigoureux, Ric Hochet ne sert pas que de son cerveau, mais aussi de son crâne. Car, s’il distribue les horions,  il en reçoit beaucoup. André-Paul Duchâteau lui a infligé de nombreuses blessures et lui assène un nombre frappant de coups sur la tête.  Dans On tue au théâtre ce soir, il n’en reçoit qu’un. C’est en-dessous de la moyenne. Il faut dire que, cette fois-ci, il n’échappe que quatre fois à la mort. Un petit rôle.

Cet album s’inscrit totalement dans la continuité de la série. Il est toutefois un peu plus autoréférentiel (nouveau retour du Bourreau, nouveau retour du père prodigue, remise en abyme) et introduit quelques audaces surprenantes : la mère de Ric Hochet ! La promotion de Ledru ! Les seins de Nadine !  

Scoop de théâtre !

Le célèbre Ric Hochet joue les vedettes dans « Coup de théâtre », une pièce qui met en scène ses propres aventures au « théâtre du Château »… Mais voilà, Le Bourreau a recruté un tueur en série répondant au doux nom d’Angel et l’a glissé dans la troupe de comédiens. Vrai scoop de théâtre, un coup de feu sur scène lance le journaliste-détective-acteur dans une nouvelle enquête sur lui-même. Le Bourreau met en scène le kidnapping de Ric Hochet pour lui annoncer un vrai kidnapping qui se révèle, à l’issue d’une violente dispute avec son père, illustrée en couverture, être celui de sa mère, dont Ric ignorait l’existence.

S’ensuit une série d’événements, auxquels le « capitaine » Ledru chargé officiellement du dossier Angel jouera une part active. Presque aussi active que le commissaire Bourdon. Ca, c’est de la promotion…

La fiction dans la fiction

Pour Duchâteau, les grands criminels sont de grands manipulateurs égomaniaques et de grands créateurs. Et ce n’est pas un hasard si Ric Hochet fréquente assidûment depuis les années 90 les milieux artistiques (le cinéma dans Le crime de l’an 2000, la bande dessinée dans B.D. meurtres , la BD et la télévision dans  La sorcière mal aimée, le théâtre improvisé dans  Meurtre à l’impro, la magie dans Le maître de l’illusion) où les auteurs rivalisent d’originalité et de cynisme dans leurs scénarios criminels.  A l’image du maître Duchâteau.

C’est, d’un point de vue scénaristique, l’occasion de mêler fiction et réalité, de déceler les véritables metteurs en scène de la réalité et de démontrer, grain de sable et Ric Hochet à l’appui, que la confrontation de volontés empêche la vie de se réduire au déroulement d’un scénario. Aussi morbide et subtil fût-il. La mise en abyme est presque devenue une marque de fabrique de Ric Hochet-Duchâteau : ici, dans son album, Ric Hochet joue ses aventures sur scène et la scène devient prétexte à nouvelle aventure. Le Bourreau, sûr de lui et ne négligeant aucun détail, a inclus la pièce dans sa propre mise en scène mortelle.

Le scénario consacre de nouveau le triomphe de l’intelligence individuelle (celle du psychopathe paranoïaque comme celle du détective) sur l’intelligence collective (la police, les médias, le public). Le triomphe des petits sur les puissants. De la justice sur l’hybris.

Alors bien sûr, on pourra reprocher à nos deux auteurs leur manque de renouvellement, la rigidité mécanique du scénario et des dessins, où les décors sont relégués au troisième ou au quatrième plan. Bien sûr, on pourra leur reprocher la maladresse du titre, le manque de vraisemblance du scénario, la prédominance des textes, l’usage répété du même registre de couleurs, les éternels rites et tics de la série. Mais, sans ces défauts,  Ric Hochet, dont le nom résume à lui seul les qualités et les limites de la série, serait-il Ric Hochet ?

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