Sara Taylor est une jeune auteure qui signe ici son premier roman, rempli de l'amour et de la tristesse qu'elle porte à sa Virginie natale. Actuellement doctorante en Angleterre, elle a été nommée pour le Guardian First Book Award, le Sunday Times Young Writer of the Year Award et le Bailey Women's Prize.
Une histoire familiale
Ce livre nous conte les chroniques de deux familles, cousines lointaines, qui vivent séparées et isolées à la fois l'une de l'autre et du continent, sur des îles abandonnées du reste du pays, un archipel au large de la Virginie, Shore.
Depuis le XIXe siècle, jusqu'à nos jours, puis dans un futur post-apocalyptique, on suit l'histoire – les histoires de ces femmes, de ces petites filles, adolescentes, jeunes femmes, vieilles femmes, perdues, ou solides, souvent traumatisées. Leur quotidien, c'est la pauvreté crasse et la famine pour beaucoup, et la violence masculine pour presque toutes, de génération en génération.
La paix sociale et familiale finira par revenir sur Shore, mais à quel prix...
Pauvreté et violence quotidiennes
L'auteur annonce tout de suite la couleur de son histoire : on commence par une très jeune adolescente qui doit trouver de quoi manger, s'occuper de sa petite sœur, essayer d'échapper aux coups donnés par son père et par les autres enfants du village. Le style est simple, il va droit au but. On se demande où est le fantastique – il n'y en a pas, il ne s'agit que d'une réalité primitive et brutale, celle de la drogue, de l'alcoolisme, de l'extrême pauvreté, du vol pour ne pas mourir de faim, de la violence des gens – avec des petits sursis quand on arrive à aller à l'école ou à la bibliothèque.
Une famille sur plusieurs générations
On quitte ensuite Chloé pour découvrir l'histoire de Letty, puis celle de Sally, et ainsi de suite jusqu'à Medora et Tamara, avec des allers-retours dans la généalogie de cette famille. Il y a un arbre généalogique en début d'ouvrage, excellente initiative, indispensable quoique parfois incomplet (c'est dommage).
Portraits de femmes
De beaux portraits de femmes sont ainsi dessinés, progressivement, des personnages forts comme l'aïeule Medora, la guérisseuse, et comme Chloé, qui arrivent à prendre des décisions douloureuses et à se créer ainsi un nouveau destin. Et puis il y a d'autres personnages, comme Becky, ou comme Renee, qui, écrasées par la vie, ne parviennent pas à s'en sortir.
Une fin post-apocalyptique
La fin du roman est assez surprenante, à la fois dans l'époque (future) et dans le nouveau cadre social inventé par l'auteur : une société traditionnelle inédite. On est ici dans de la science-fiction touchante et poétique, ce qui fait contraste avec le reste du roman, placé sous le signe de la rudesse. C'est donc sur une touche délicate qu'on finit ce roman assez dur.