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Singularité

Stephen Baxter ( Auteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Pierre-Paul Durastanti (Traducteur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/12/2009  -  livre
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Singularité

"Timelike infinity", titre plus grandiose et moins disgracieux que "Singularité", est le second roman de Stephen Baxter. Le deuxième  du cycle des Xeelees que les éditions Le Bélial ont eu la bonne idée de publier pour la première fois en français.  Le premier tome Raft (Gravité) était un halo d'essai où un groupe d'humains sympathiques et simplets se perdait dans une Nébuleuse hyper-gravide en voie d'implosion. La "Baxter touch", faite d'extrême physique, de souffle cosmogonique et de psychologie au carré était déjà à l'oeuvre, encore feutrée et empesée.
 

Dans ce second roman, le plus cosmique des grands science harder trouve sa voie. Il passe d'une excentricité nébuleuse à une perspective galactique. La galaxie est trop étroite pour les Xeelees. En matière de temps, la linéarité est trop étriquée. Les humains vont la boucler. Ses personnages, tous férus de singularité gravitationnelle et de matière exotique, sont des encyclopédies ambulantes d'astrophysique. Un petit voyage dans l'espace ou dans le temps et c'est à qui se jouera le premier des fondements de la matière et qui le premier écroulera son monde dans un trou noir. L'imagination de Baxter gravite autour des singularités physiques et fait tourner le suspens autour de l'arme fatale. Qui effondrera le monde de l'autre ? Qui détruira son futur ?

 

Le lecteur qui aura découvert Baxter à travers le succès récent de sa trilogie des Univers Multiples reconnaîtra dans "Timelike infinity" la signature du maître des grandes espaces quantiques. En 1992, Stephen Baxter vient d'être éliminé de la sélection des candidats cosmonautes sur la station spatiale Mir. Il a décidé  de se venger en prenant de la hauteur par l'écriture et la hauteur le mène loin. Très loin. Les milliers d'années lumière ne lui font plus peur. En attendant les millions et les milliards. Il ne franchit pas encore allègrement les univers, mais les Xeelees, eux, n'en sont pas loin. Une attraction singulière pour l'infinité. Une singulière infinité.

 

Qax et anti-Qax

 

Les Qax ont soumis à la Terre à leur joug. Ils convoquent l'ambassadeur-collaborateur humain Jasoft Parz sur une orbite terrestre car, enfouis dans de gigantesques vaisseaux vivants, ils s'inquiètent du trou de ver mis en place mille cinq cents ans avant par Michael Poole et ses proches. Un des tétraèdres du tunnel temporel se trouve près de Jupiter. L’autre tétraèdre se trouve à mille ans et demi dans le futur vers le centre de la Galaxie et des humains viennent de faire un bond dans le passé. 

 

Un mystérieux groupe des Amis de Wigner a réussi à franchir la barrière du temps. Ce groupe ambitionne de détrôner les Qax en investissant le passé et en jouant les apprentis sorciers avec de micro-singularités.  Heureusement, le savant Michael Poole et sa compagne revenue du futur arrivent à déjouer des plans destructeurs de la secte, dont les effets ne se feraient sentir qu’à très long terme.

 

Singularités

 

Tout est singulier dans "Timelike infinity" : les Qax, tranquilles despotes aquatiques, et leurs vaisseaux vivants géants. Les Xeelees, grands manipulateurs de civilisations aliens. Michael Poole, archétype puissance dix du bon savant fou. Les méthodes terroristes à l’échelle spatiale des Amis de Wigner. L'éclatement des distances et du temps sur la durée de vie de la Galaxie. Sans compter l'histoire de la physique présentée comme un improbable thriller. Une singularité idéologique.

 

Baxter allie actions (l'attaque du Spline), méandres birelationnels (entre Michael Poole et le clone virtuel de son père, entre Michael et Miriam, entre Parz et le Qax en chef), suspens (qui veut quoi ?) et quête cosmologique (le projet des sectaires de Wigner, les intentions de Poole, les visées des Xeelees). S'il assure un service minimum garanti sur  les premiers points, c'est dans cette dernière qu'il est le plus à son aise. C'est là qu'il excelle et qu'il se démarque le plus des autres auteurs de hard science américaine. Sa singularité, en quelques sortes.

 

Baxter manie les descriptions spatiales avec une précision photographique et un lyrisme contenu. L'image est nette, mais on perçoit moins le son et l'odeur. L'auteur a la rigueur et la froideur de l'espace, quelques Kelvins, mais il n'en saisit pas toujours l'âme, ni la beauté intérieure. La splendeur de l'espace n'est pas émotionnelle, elle est instrumentale. Le style de Baxter, c'est de l'efficacité narrative au service d'une intention générale. Les personnages y sont vivants, parfois drôles, mais ils ont les épaules trop larges au risque de la caricature. Ses personnages sont aussi intelligents que psychologiquement étroits et aussi étroits que la vision de Baxter est macroscopique. Le personnage est une entité trop petite pour Baxter. Il est obligé de lui confier l'intelligence et l'avenir de l'espèce (avenir scientifique chez Poole et avenir politique chez Parz). Le cerveau d'un humain est trop étroit. Il lui faut des êtres exceptionnels. Des sortes d'humains métamorphes au cerveau gauche surdéveloppé. Un peu à l'image des Qax ou des pseudo-humains Amis de Wigner. Le cerveau droit anémié. Les sentiments humains y apparaissent alors plutôt ridicules et déplacés.

 

De sa vision spatiale et temporelle démesurée, qui commence à la Galaxie et s'étend jusqu'à l'univers entier, Baxter apparaît comme un écrivain mutant oscillant entre contraintes littéraires (une scène doit être ancrée dans un lieu et un temps) et scénario scientifique. Il a l'oeil holographique. Fusant, d'une extrême dextérité, du microcosme humain à l'échelle galactique, il étourdit le lecteur et ses personnages. Alors, bien sûr, si le lecteur a l'esthétique abstraite et une sensibilité exacerbée aux figures mouvantes de la matière, s'il n'est pas à la recherche de simplicité et de chaleur humaine, il vibrera aux illuminations et aux extravagances scientifiques de l'auteur. 

 

Les innovations baxtériennes (trous de ver tétraédriques, stabilisateurs en matière exotique, canon à micro-singularités, vaisseaux vivants, structures liquides intelligentes) sont toujours un dépassement des concepts usuels de la SF. Le vocabulaire ésotérique est riche, précis, mais la pertinence scientifique n'est pas toujours creusée.

 

En fin de roman, une chronologie de l'univers des Xeelees s'avère bien utile pour saisir le cours historique des civilisations galactiques. Les récits sont fragmentés dans les sept ouvrages du cycle, dont trois seulement sont parus en français, en comptant "Poussière de réel" paru dans l'anthologie "Faux rêveur" chez Bragelonne. De nombreuses pièces du puzzle cosmologique sont éparpillées dans diverses nouvelles, mais la vue d'ensemble, même si elle est construite a posteriori, donne une sérieuse cohérence au cycle.

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