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Trois bonnes raisons de lire Images de la fin du monde
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Trois bonnes raisons de lire Images de la fin du monde

Aujourd'hui on vous donne trois bonnes raisons de lire Images de la fin du monde, de Christophe Siébert. Après une trentaine de romans, l'auteur donne à lire avec brio un monde en décomposition.

L’année 2020 marque le début de la publication des Chroniques de Mertvecgorod (La Cité des cadavres en russe) de Christophe Siébert au Diable Vauvert. Trois titres à venir sont d'ores et déjà prévus. Le deuxième devrait sortir en septembre 2021, toujours au Diable.

Christophe Siébert fonde en 1998 le collectif « konsstrukt » qui réunit des écrivains, des plasticiens et des musiciens et dirige le fanzine L'Angoisse. Il vit à Clermont-Ferrand. À partir de février 2017, il est animateur pour le site Meshistoiresporno, appartenant à La Musardine. À partir du printemps 2018, il crée la collection Les Nouveaux Interdits, pour La Musardine / Media 1000.

Pour appréhender son univers, il faut du temps et du cran. Le mieux c’est de lire ce qu’il dit de lui.

« J'ai toujours désiré créer un monde qui serve de terrain de jeu à mes fictions, un bac à sable où m'enfermer jusqu'à la fin de mes jours en emportant tout ce qui me passionne ou me fascine et dont je veux parler en littérature : le crime, la corruption, la violence, l'horreur organique, le fantastique, les rapports de domination, la névrose, la paranoïa, les complots, les monstres, la religion, l'occulte, les fantasmes, l'amour, le cul, les délires technologiques et sécuritaires, la chute. » (mertvecgorod.home.blog)

J’ai parlé de lire « Nouvelles de la fin du monde » pendant plusieurs jours avant de me rendre compte que le titre était en fait Images de la fin du monde. Pour être franche, je trouvais la couverture très flashy extrêmement attirante sans savoir de quoi il retournait. Puis je me suis aperçue que j’avais eu le même coup de cœur pour Métaphysique de la viande en 2019 en exposition en librairie mais je n’avais pas sauté le pas… Déjà publié au Diable. Déjà froid dans le dos…

Contacté, l’auteur répond bien volontiers :

« Avec Images de la fin du monde, j’ai essayé – tout en conservant, disons, la noirceur et la violence des précédents, qui me tiennent à cœur, d’injecter une dose d’humanisme et de romanesque (voire de romantisme, parfois !) plus importante, dans le but de garder le lecteur à bord, de ne pas oublier son plaisir en route, ce qui était parfois mon défaut dans mes bouquins précédents…»

Embarquons !

Une forme de puzzle

Ce qui surprend et dérange un peu la lecture au début, c’est que ce roman n’est pas écrit comme d’habitude. Lecteur, toi qui entre dans le domaine de l’auteur, accepte de perdre un peu la raison et les choses bien rangées. Accepte du mélange, du retour en arrière, de la fuite en avant, du parallèle, de l’action et de la réflexion, de la critique, du violent. Accepte d’être perturbé, ce n’est pas si souvent qu’un auteur ose aussi bien nous parler d’hier, des jours que nous vivons et de la fin probable.

Les nouvelles de la ville où se passent les histoires sont jetées sur la table des mots mais au final le puzzle est tellement riche ! Cette ville, personnage principal finalement, n’a pas les épaules assez solides pour se donner dans l’ordre.

Elle est tour à tour bombe du futur, actuel cri d’alarme des ados contre leur environnement par le biais de douleurs infernales, l’action directe contre les mensonges et l’hypocrisie des adultes, combats de cafards hier, fugue de tous les temps.

Une ville sous haute pollution

L’auteur a créé un véritable pays de l'ex-URSS en situant celui-ci au point de rencontre entre la Russie, l'Ukraine et la mer d'Azov.

La pollution de la ville n’est pas qu’organique, même si son cœur bat aux rythmes de trente kilomètres de décharges à ciel ouvert. Elle est oligarchique, activiste, fiente de la pègre, malveillance et surveillance par le truchement de drones, religiosité poussée aux extrêmes, hésitation sordide entre réel et virtuel, ascendance glaciale des aînés et tentative de survie des plus jeunes.

Elle est aussi devenue la pire des pollutions auditives et télévisuelles. L’auteur en profite pour crier à charge contre un média qui pousse les gens à ricaner au lieu de se révolter. Le rire comme voile épais contre la malfaisance des puissants.

Heureusement, en 2025, l’histoire de Dimitri et Alina ressemble à un bout de romantisme luttant contre des effluves de fin du monde.

Une écriture dégraissée

« Comme la plupart des nouveaux arrivants je remarque le ciel, l’odeur et les drones. Le premier n’existe pas, masqué de couches noires, grises et marron qui bouchent la lumière et roulent comme de la suie. La deuxième, mélange de produits chimiques et de graisses industrielles, donne l’impression d’évoluer avec une benne à ordures renversée sur la tête. Quant aux troisièmes, il s’agit d’énormes engins de guerre rôdant au-dessus des passants avec la lenteur effrayante de requins… »

Il n’y pas que l’environnement qui est organique chez Siébert, il y a l’usage de mots qui vous rentrent dans la chair. Technologie, réalité virtuelle, sang, sexe, transe, danse de mort, rencontres improbables, amours perdues, tout vous rentre dans le corps et l’esprit, à jamais probablement.

« Tel un Kubrick tombé dès la naissance dans une marmite de snuff-movies » sous une « lumière cinglée » ce serait peut-être la description autoportrait d’un auteur brillant. Son langage est cru, incisif, son imaginaire débridé et cultivé, son glossaire exotique un ajout de poids.

Au final, l’auteur a construit un monde qui vous prend aux tripes, qui donne à réfléchir, qui charge les puissants et, sans affranchir les plus jeunes, atteste de leur violence comme arme finale. Sans donner de leçons, en écrivant comme on pousse un cri, en tordant le cou aux idéaux faciles, Siébert est peut-être bien de salubrité publique.

On attend la suite avec impatience car beaucoup d’événements ne sont pas expliqués, notamment certaines apparitions dans la Zona. Mais ceci est une autre histoire

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