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Véridienne

Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Date de parution : 20/08/2015  -  jeunesse
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Véridienne

Scénariste de son métier, Chloé Chevalier, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, portait Véridienne en elle depuis longtemps, l'histoire ayant d'abord vu le jour sous la forme d'un film amateur entre amies de lycée. Le projet s'est progressivement étoffé jusqu'à devenir une trilogie : les Récits du Demi-Loup, en voie d'achèvement.
 
L'évacuation d'un problème technique en guise de préambule
 
Le royaume du Demi-Loup, accolé à un puissant empire voisin, a ceci de particulier qu'il est gouverné par deux branches d'une même famille et se divise ainsi entre, d'un côté, Véridienne, sous l'autorité du roi Aldemar, et de l'autre les Éponas, dirigés par Caldamir. Ainsi débute l'histoire des princesses Malvane et Calvina, et de leurs Suivantes : Nersès, Cathelle et Lufthilde. Le rôle de ces dernières constitue la pierre angulaire et le sel du récit.
Qu'il vous suffise d'abord de savoir que ce petit monde s'esquisse par le prisme épistolaire. Des protagonistes importants s'expriment dans leurs échanges écrits et leurs journaux intimes, et chaque prise de « parole » est matérialisée par le blason du personnage concerné. Du moins dans la version physique du roman, que je n'ai découverte qu'après son édition numérique.
J'avais été séduite alors par ce que je pensais être un choix de l'auteure de ne pas indiquer immédiatement l'identité du narrateur/de la narratrice, et de la faire apparaître naturellement au fil de la lecture, de manière subtile.
Cet élément qui m'avait charmée chez Véridienne n'existe en réalité pas, et n'adoucit donc pas un point noir du roman : sa narration.
 
« Traçons donc ici même, d'une plume partagée, les lignes entrelacées de nos vies. »
 
Ou, plus exactement, un certain aspect de sa narration. Car, de prime abord, Véridienne se caractérise par une originalité formelle aussi profonde que louable, puisque Chloé Chevalier ne se contente pas de mêler les voix de plusieurs personnages qui se répondent admirablement, mais ajoute à cela des retours en arrière toujours bien amenés, qui jettent un éclairage particulièrement bien trouvé sur le fil principal du récit. Si l'on superpose à cela le fait que l'histoire s'inscrit dans la durée (une vingtaine d'années), on obtient une trame riche à souhait.
L'uniformité des voix menace cependant ce bel édifice. Le style ne varie jamais vraiment d'un narrateur à l'autre, même si quelques mots d'enfant ou tournures voudraient aider leur propriétaire à se distinguer. L'ensemble est lisse, tous parlent à peu de chose près sur le même ton. Cela est particulièrement vrai des cinq jeunes femmes qui portent l'essentiel du récit. Le prince Aldemor, frère de Malvane, exerce quant à lui un point de vue plus extérieur, à part, mais sa voix ne détonne pas davantage par rapport aux autres.
 
Lente maturation de jeunes esprits
 
Le récit paraît donc parfois un peu plat. Véridienne explique plutôt que de montrer, et l'attachement aux personnages s'en ressent, ils semblent un brin distants. Cela est bien dommage, car ils sont très travaillés, leur caractère est bien brossé, et on ne relève guère de disproportion dans leur traitement. Chacun est bien présent, nul n'est (dé)favorisé au détriment des autres.
Quant au rythme global du récit, il est, par certains côtés, typique des tomes d'exposition. Dans les cinquante premières pages, cela donne lieu à quelques paragraphes qui débitent d'une traite une somme d'informations qu'il aurait sans doute mieux valu distiller petit à petit, mais en dehors de cela, Chloé Chevalier construit savamment son univers. Petite touche par petite touche, car c'est majoritairement à travers les yeux de nos cinq héroïnes en pleine croissance que nous découvrons le Demi-Loup.
Les lecteurs séduits par le quotidien du quintette féminin ne resteront pas à la porte du château de Véridienne. Qu'on se le dise, il faut quelque effort parfois pour entrer en Demi-Loup, et il est vrai que les enjeux tardent à s'installer sur le devant de la scène (ce n'est vraiment que dans le dernier tiers du roman que tout finit par prendre tournure).
Mais en attendant cet instant, que de réussite dans ces portraits de jeunes filles. Pétries de défauts, elles évoluent peu à peu sous notre regard bienveillant, entre coucheries et crêpages de chignon, histoires de sentiments et de jalousies.
C'est là un atout majeur du roman, le plus capital peut-être, ses très belles pages d'amitié, et de rivalités adolescentes exacerbées par la préparation à l'exercice du pouvoir dans un contexte d'une tension extrême.
Le Demi-Loup ploie en effet sous les assauts de la Preste Mort, une maladie qui terrasse la population, avivant les tensions entre la famille régnante et les comtes qu'elle chapeaute.
Au seuil de l'âge adulte, Malvane, Calvina, Nersès, Cathelle et Lufthilde connaissent donc une époque bien sombre dont elles commencent seulement à mesurer les implications. Tout comme elles commencent à entrevoir l'étendue de leurs propres défaillances. Et le lecteur comprend peu à peu dans quelle direction Chloé Chevalier entend l'emmener.
 
Les cinq doigts de la main en forme de conclusion
 
De fait, il devient manifeste que le sort du Demi-Loup est intrinsèquement lié à celui de nos cinq héroïnes, et pas seulement parce qu'elles appartiennent aux hautes sphères du pouvoir. Par ailleurs, on acquiert le sentiment que Malvane, Calvina, Nersès, Cathelle et Lufthilde sont indissociables au plus pur sens du terme, qu'elles se confondraient presque symboliquement en un seul et même être (ne leur en déplaise).
La suite des Récits du Demi-Loup démarrera donc en plein cœur de son sujet, après l'heureuse entreprise de ce premier volume. Il augure du meilleur.
 
Écrit dans la Chambre Rouge, en l'an… du règne d'Aldemar. 
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