Le Palais des Mirages

Hervé Jubert est un auteur français qui publie des romans depuis plus de dix ans. Nous lui devons de beaux cycles de fantasy pour la jeunesse (dans la collection Wiz) comme celui de Roberta Morgenstein, sorcière et détective ou les aventures de Blanche.

Mythes et Modernisme

L'Exposition Universelle de 1900 vient de commencer. Du monde entier sont venus des exposants et la foule parisienne se presse en masse pour découvrir les merveilles arrivées de pays exotiques ou les dernières innovations technologiques. Une foule dense parmi laquelle peut se cacher n'importe qui, terroriste ou fanatique religieux.
Carla, malgré ses quinze ans, travaille avec son père pour une attraction mystérieuse et destinée à faire rêver : le Palais des Mirages. Elle en est la fée, qui vole au-dessus des spectateurs... jusqu'au jour où elle chute dans les bras de l'un d'eux, Lucas, à cause d'un harnais saboté.
Débute alors une enquête qui, loin de la mener vers celui qui voulait la tuer, va l'entraîner au-delà du possible, vers des lieux impossibles. Elle rencontrera des nains, affrontera un chien de l'enfer et essayera même de capturer un dieu... Elle ira plus loin qu'aucun humain ne devrait aller et obtiendra bien plus qu'elle ne le croyait imaginable.

Un thriller pour un nouveau siècle

Hervé Jubert est un spécialiste des ambiances de fin des temps, de monde au bord du précipice. Il nous entraîne cette fois dans le tournant d'un siècle qui, dans la réalité, verra fleurir la technicité et la guerre comme jamais auparavant. L'auteur, ici, nous offre une raison - pour fantastique qu'elle soit - aux raisons qui ont amené la violence sur notre monde. Ainsi que le dit le résumé, "...l'issue décidera de la couleur du XXe siècle. Sera-t-il blanc comme la paix ou rouge du sang de la guerre ?". Et la vraie bataille se situe entre le peuple pacifiste et les financiers prêts à tout pour agrandir leur fortune...
La manière d'écrire, sous forme d'un feuilleton policier, correspond parfaitement à l'époque décrite. On y retrouve les accents des grands maîtres de la fin du XIXe et du début du XXe. Alternant action, sentiments et descriptions, il rend crédible et vivant l'univers qu'il nous fait parcourir dans les pas de son héroïne.

Visite guidée

Par contre, il est moins habile dans son utilisation systématique et exhaustive des attractions de l'exposition universelle. Par moment, il est loisible de sentir les ficelles utilisées pour nous amener vers tel ou tel pavillon non encore visité. Parcouru rapidement, ce livre ressemble d'une certaine manière à un catalogue, une liste des points d'intérêt de l'événement.
La dernière phrase en est démonstrative : "Ici s'achève notre série d'articles sur l'Exposition universelle de Paris". La Tour Eiffel, bien sûr, mais aussi le Vieux Paris, le tapis roulant, le restaurant du Transsibérien et les coulisses de cette énorme machinerie n'ont plus de secrets une fois la lecture achevée.

Une glissade onirique

Jubert démarre son histoire sur une base réaliste, sensée, cartésienne. La fée est soutenue par des sangles, la féerie mue par l'électricité et un mécanicien contrôle tout le spectacle. C'est ensuite, peu à peu, que l'auteur nous entreouvre les portes de la magie, d'un autre monde caché à nos yeux. Chaque élément de l'exposition cache, comme derrière le miroir, un autre monde, une autre signification, parfois à facettes, qui nous emporte et rend encore plus féerique ce gigantesque et magnifique événement universel.

Jubert réussit donc le tour de force de nous présenter comme fantastique et magique une exposition dédiée à la technologie la plus froide et plus sérieuse qui soit. Un livre intéressant, à plusieurs lectures.