L'écriture de la SF
Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m, Nathalie
- Eric
- Administrateur - Site Admin
- Messages : 5185
- Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
- Localisation : Paris
Re: Techniques de narration
Pour moi c'est essentiellement dans les techniques d'exposition d'univers dont on ne détient pas les clefs. Ce que Ecken démontre dans son texte. D'une manière ou d'une autre, elles sont excluantes dans l'immense majorité des cas, parce qu'elles alourdissent l'intrigue. Là où Banks est fort, c'est quand il parvient à en faire un élément moteur de son intrigue. Comme par exemple dans Une Forme de guerre, quand il utilise cette numérotation croisée en inversé (chapitres de 1 à 13 qui se croisent avec les chapitres de XIII à I), où il n'explique pas grand chose, mais où tout prend forme quand on glâne les infos qui nous manquent à la fin d'une des intrigues pour nourrir le début de l'autre, et inversement. C'est complexe à mettre en place, mais très fluide à la lecture.Marc Alotton a écrit : Où vois-tu les différences sur les techniques de narration ? Se mettre dans la peau d'un équivalent alien, dans celle d'un dieu de niveau 6, de multiplier les narrateurs, de faire des "flash forth", etc., tout ça, ça existe dans la littérature (pas toujours bonne d'ailleurs) qui ne se reconnaît pas comme de la littérature SF.
P.S : Moi, mon Everest de l'illisible, c'est Ulysse de Joyce. Trois tentatives, et trois échecs patents. Pour moi, il y a des mots, imprimés sur une page. Ils se suivent dans une continuité syntaxique généralement vaguement familière. Ils finissent bien par former des phrases qui, au bout du compte forment des paragraphes, qui se succèdent les uns aux autres. A priori ça ressemble à un roman, mais au bout de 150 pages, je ne sais toujours pas de quoi ça parle, de qui on parle, où on est, qui fait quoi. Arrivé là, je laisse tomber.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.
Ce qui est une technique archi-classique d'insertion de l'information dans un texte de SF.Florent a écrit :Exemple : dans les premières phrases de NEUROMANCIEN, il sort une vanne et précise que c'est une vanne typique de la Coburn, et ne laisse entendre que bien plus loin ce qu'est la Coburn.
La suite est en ligne.
Oui, sauf que Gibson il ne t'informe pas, il t'embrouille. C'est très subtil en SF, le fait de distiller des informations (enfin ça doit être très subtil). Par exemple, si dans le futur les voitures se nomment des schplurtzs, et que j'écris "le schplurtz s'arrêta à côté de moi" on ne comprend pas.
MAIS
Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz. Gibson, lui, il s'en fout que tu suives ou pas.
MAIS
Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz. Gibson, lui, il s'en fout que tu suives ou pas.
« J’ai un projet, devenir fou. »
Charles Bukowski
Charles Bukowski
- Goldeneyes
- Messages : 274
- Enregistré le : jeu. nov. 01, 2007 10:48 am
Re: Techniques de narration
...D'autant plus que tu en prends pour un bon millier de pages... Ce qui ne l'empêche pas d'être considéré comme un classique de la littérature du XXème. Je ne l'ai pas lu perso, mais on me la vivement conseillé. Faudra vraiment que je me fasse mon opinion.Eric a écrit :P.S : Moi, mon Everest de l'illisible, c'est Ulysse de Joyce. Trois tentatives, et trois échecs patents. Pour moi, il y a des mots, imprimés sur une page. Ils se suivent dans une continuité syntaxique généralement vaguement familière. Ils finissent bien par former des phrases qui, au bout du compte forment des paragraphes, qui se succèdent les uns aux autres. A priori ça ressemble à un roman, mais au bout de 150 pages, je ne sais toujours pas de quoi ça parle, de qui on parle, où on est, qui fait quoi. Arrivé là, je laisse tomber.
Pour en revenir à Gibson, et aux écrivains de SF étrangers en général, le filtre de la traduction a évidemment une incidence sur l'appréciation d'un "style". Il faudrait que je remette le nez dans les romans de Gibson, mais vraiment, de mémoire, si Neuromancien m'avait un peu paru opaque stylistiquement, le reste, Code Zéro en particulier, était passé comme une lettre à la poste...
Non. Il te plonge dans un univers. Les informations suivront... ou pas. Chez Gibson, comme chez beaucoup d'auteurs, généralement, elles suivent (cf. Bouse Bleuâtre). Mais, chez Gibson, et dans le cas présent, c'est finalement de peu d'importance : l'obscurité des termes plus ou moins argotiques employés par Gibson contribue à la poésie (si si) de son écriture, et en même temps à son réalisme (pas d'explications quand elles ne sont pas indispensables).Florent a écrit :Oui, sauf que Gibson il ne t'informe pas, il t'embrouille. C'est très subtil en SF, le fait de distiller des informations (enfin ça doit être très subtil). Par exemple, si dans le futur les voitures se nomment des schplurtzs, et que j'écris "le schplurtz s'arrêta à côté de moi" on ne comprend pas.
MAIS
Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz. Gibson, lui, il s'en fout que tu suives ou pas.
L'argot simili-russe de Burgess dans Orange mécanique (et à la limite la novlangue d'Orwell dans 1984) fonctionne un peu comme ça : on peut être tenté de se référer chaque fois au lexique dans un premier temps... puis on se laisse emporter, et, d'une manière ou d'une autre, on "comprend". Parce que ce langage est naturel aux personnages.
Heu... maintenant que j'y pense, faudrait que je lise l'article avant de poster ici... J'y vours, j'y vole.
Mais déjà, je rejoins Eric sur Ulysse ; faudra que je fasse une deuxième tentative un de ces quatre...
Hop : Cédric FERRAND, Wastburg
- Eons
- Messages : 6338
- Enregistré le : sam. févr. 17, 2007 6:49 pm
- Localisation : Le cœur de Flandre
- Contact :
C'est dans des cas semblables que le traducteur a intérêt à faire gaffe...Florent a écrit :Par exemple, si dans le futur les voitures se nomment des schplurtzs, et que j'écris "le schplurtz s'arrêta à côté de moi" on ne comprend pas.
MAIS
Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz.
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr
Pas faux. Mais :Florent a écrit :Par exemple, si dans le futur les voitures se nomment des schplurtzs, et que j'écris "le schplurtz s'arrêta à côté de moi" on ne comprend pas.
MAIS
Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz.
"Le Schplurtz se gara à côté de moi et, baissant la broughz droite, me hurla d'aller me faire hytuii. Je l'ignorai."
On peut étendre loin comme ça.
- orcusnf
- Messages : 2406
- Enregistré le : mer. mai 24, 2006 8:55 pm
- Localisation : Stuttgart
- Contact :
En fait, tu pars dans une mauvaise direction. Si un schplurtz est une voiture, l'auteur écrira la voiture...sauf si le schplurtz a une particularité, et encore ... ( d'ailleurs, on ne comprends pas forcément que c'est une voiture, ça peut être un alien !)florent a écrit :Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz. Gibson, lui, il s'en fout que tu suives ou pas.
http://www.fantastinet.com l'actualité de la littérature de l'imaginaire
- Eons
- Messages : 6338
- Enregistré le : sam. févr. 17, 2007 6:49 pm
- Localisation : Le cœur de Flandre
- Contact :
Même dans notre réalité terre-à-terre, on peut trouver dans un texte bien des noms différents pour désigner une voiture, à commencer par la marque ou le modèle, car il est supposé que le lecteur sache de quoi il s'agit.
« Il gara sa Twingo à côté de moi. »
Et le jour où un constructeur baptisera « Schplurtz » un nouveau modèle de sa gamme...
« Il gara sa Twingo à côté de moi. »
Et le jour où un constructeur baptisera « Schplurtz » un nouveau modèle de sa gamme...
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr
- Fred Combo
- Messages : 785
- Enregistré le : ven. févr. 10, 2006 9:16 am
Je reviens sur le shplurtz parce qu'à mon avis renommer des objets connus en donnant des pistes pour qu'il soit reconnu comme tel n'a pas vraiment d'intérêt en SF. Un nouveau nom implique un objet différent et si le shplutz s'arrête à côté de toi au lieu de se garer, ça devrait être parce que, pour une raison ou une autre en rapport avec l'univers du récit, le shplutz est fondamentalement incapable de se garer, il ne peut que s'arrêter.Florent a écrit :Oui, sauf que Gibson il ne t'informe pas, il t'embrouille. C'est très subtil en SF, le fait de distiller des informations (enfin ça doit être très subtil). Par exemple, si dans le futur les voitures se nomment des schplurtzs, et que j'écris "le schplurtz s'arrêta à côté de moi" on ne comprend pas.
MAIS
Si j'écris "Les schplurtz SE GARA à côté de moi" alors là l'air de rien, tout le monde assimile le fait que c'est une voiture, retient cette info, et ça évite que le lecteur soit largué chaque fois qu'il est question d'un shplurtz. Gibson, lui, il s'en fout que tu suives ou pas.
La fantasy, par exemple, est bourrée d'animaux qui sont utilisés et se comportent exactement comme des chevaux, mais qui portent un autre nom. C'est une des raisons qui font que je n'aime pas beaucoup la fantasy...
Par contre l'une utilisation d'une novlangue, comme le fait Jack Womack dans "Terraplane" ou "l'Elvissée" est remarquable car cela contribue à créer l'atmosphère et à persuader le lecteur que l'histoire qu'il est en train de lire ne se passe pas dans la rue à côté de chez lui, mais dans un autre univers.
Si tu ne fais pas une histoire de ta vie, un jour tu seras dans l'histoire de quelqu'un d'autre.
Sir Terry Pratchett
Sir Terry Pratchett
Moi j'aurais dit des chiens. Remarque, je choisis l'option de droite.Fred Combo a écrit : La fantasy, par exemple, est bourrée d'animaux qui sont utilisés et se comportent exactement comme des chevaux, mais qui portent un autre nom. C'est une des raisons qui font que je n'aime pas beaucoup la fantasy...
.
- Eric
- Administrateur - Site Admin
- Messages : 5185
- Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
- Localisation : Paris
Dans son hilarant Workshop Lexicon, Bruce Sterling recense tous les défaut rencontrés dans les ateliers d'écritures, et ce syndrôme du cheval est parfaitement analysé par James Blish, sous le nom de "Call a Rabbit a Smeerp."
Généralement corrélatif de la "Just-Like Fallacy story".A cheap technique for false exoticism, in which common elements of the real world are re-named for a fantastic milieu without any real alteration in their basic nature or behavior. "Smeerps" are especially common in fantasy worlds, where people often ride exotic steeds that look and act just like horses.
SF story which thinly adapts the trappings of a standard pulp adventure setting. The spaceship is "just like" an Atlantic steamer, down to the Scottish engineer in the hold. A colony planet is "just like" Arizona except for two moons in the sky. Space Westerns and futuristic hard-boiled detective stories have been especially common versions.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.
Personnellement, je ne trouve rien de plus ringard, dans la SF, que les nouveaux mots. A la rigueur, comme disait je ne sais plus qui, autant citer une marque. Par ex, quand Gibson parle d'un ordinateur, il parle d'un IBM je crois, pas d'un Cybertron à impulsions magnétiques. Les nouveaux mots, ça devrait être réservé aux choses qui n'existent pas encore.
« J’ai un projet, devenir fou. »
Charles Bukowski
Charles Bukowski