lael a écrit :
Pour la Horde :
-La fin m'a quelque peu laissée sur ma faim. Est il possible d'avoir quelques explications ? Je pense notamment à une boite contenant des symboles, ou une écriture je ne sais plus, trouvée par Sev. Que représentent ils / t-elle ?
-j'aime le fait que ce récit vole au vent sans se fixer dans un genre particulier. Pour moi ce n'est ni particulièrement de la Fantasy, ni particulièrement de la SF etc. Cette planète pourrait être la Terre du futur, ou un autre monde... Et peut on dire que toute la théorie du vent soit de la magie ? J'aime penser que comme les fantômes et autres phénomènes paranormaux, ça reste dans le domaine du possible, plutôt que de rester dans le domaine cloisonné de la magie, fictive par essence (du moins je le vois comme ça).
Bref, classez vous la Horde dans un genre particulier ? Est ce que ça se passe pour vous une autre planète, une Terre future etc ? Avez vous choisit sciemment de ne pas donner ce contexte ?
Pour la Zone : ne trouvez vous pas que votre texte résonne avec le contexte terroriste ?
Je reste marqué par le dilemme de la Volte, de savoir si peindre des 'dents' suffisent pour marquer les esprits, où s'ils faut mettre de vrais lames. A quel moment la lutte bascule t'elle dans l'extrémisme ? A quel moment dois t'on dire stop ? Au final on revient toujours à l'éternel dilemme : la fin justifie t-elle les moyens ?
Je pense qu'il n'y a pas de réponse universelle, mais qu'il est important de poser le questionnement, comme vous le faites. Et vous ?
Enfin, dans tout vos écrits, y'a t'il un passage plus particulier que vous avez eu plus de mal à écrire ? ou au contraire qui s'est écrit facilement et que vous avez peut retravaillé?
des passages que vous préférez, ou que vous n'aimez pas ?
Salut toi,
Déjà tu as tout faux car tu poses trop de questions et tu va aller au piquet direct, ou pire, dans une mine de l'extrême-aval.
Alors sur la Horde : Ce que trouve Sov, ce sont les messages envoyées par les enfants de l'extrême-aval (Aberlaas), par cerf-volant, au peuple des hauteurs, au peuple qu'ils fantasment habitant en haut de cette falaise qui les bloque et qu'ils n'ont jamais pu grimper car toute personne qui tente l'ascension finit soit écrasée par la violence du vent soit projetée en l'air très haut et retombe sur l'alpage de l'extrême-amont, morte. Ce passage de la boîte est un clin d'œil aux sondes spatiales qu'on envoie remplies de messages pour les extra-terrestres. J'ai toujours trouvé ça un peu cocasse, alors j'ai fait la même chose.
Sur le contexte et le genre, j'ai sciemment choisi de ne pas situer ce monde ni dans l'espace ni dans le temps. C'est du médiéval-futurisme si l'on veut, c'est surtout de la SF (Science Floue) et je crois que le résultat relève de l'imaginaire au sens large : c'est fantastique par moments, fantasy à d'autres, SF au début (les chrones) mais vous imaginez bien que je me fous du genre duquel ça ressort comme tous les écrivains d'ailleurs : vous écrivez ce qui vous semble nécessaire, point.
Ceci dit, je revendique une vraie appartenance SF en ceci que je ne pose jamais une théorie ou une technologie, dans mes univers, sans qu'elles aient une base crédible ou potentiellement réalisable. Par exemple la parole agissante de Te Jerkka est clairement issue des ondes sonores, pas de la magie. Simplement ses ondes sont travaillées, sculptées, et libèrent des fréquences très puissantes, ce qui est possible. Le vif lui-même, noeud de vent bouclé, n'est pas absurde si l'on considère que l'air circule en permanence dans nos corps et alimente toutes nos cellules. Ce mouvement, cette circulation de l'oxygène par exemple, c'est une forme de vif. Et tout comme les ondes radios flottent dans l'air et peuvent être captées n'importe où dans le rayon d'émission, les vifs pourraient subsister si l'on considère qu'un corps produit un train d'ondes personnel puissant. Donc à mes yeux, aucune magie. J'ai besoin que ce soit possible, au moins en théorie.
Sur le terrorisme, je pense que la limite reste le respect de la vie humaine : ne pas tuer, amputer, blesser. Pour le reste, nous sommes une civilisation incroyablement douce au regard du passé et de certains pays actuels. Ce qu'on appelle "terrorisme" chez nous est dérisoire.
La fin ne peut justifier les moyens, à mes yeux, parce que la fin, ce sont précisément les moyens : agir de telle sorte que la réponse soit dans la façon dont on agit, pas dans l'objectif déclaré. Si vous militez pour une société humaine, chaleureuse, vous devez incarner dans vos actes cette chaleur, cette humanité. Maintenant se pose la question : et si en face, le pouvoir réprime, blesse, enferme, ampute des vies ou plus subtilement les rogne et les attriste, casse les forces de vie partout où elles pourraient se déployer ? dans ce cas, l'action violente a un sens si elle consiste à libérer les forces qu'on opprime, à dégager des espaces de vie. Et il peut y avoir des moments où l'on doit agir en parfaite contradiction avec ses valeurs, pour un temps et une situation très définie, afin de libérer la vie qui est menacée, un peu plus tard.
Pour être très concret, il y a dans Fureur et Mystère de René Char, qu'il a écrit en pleine résistance dans le Maquis de Provence, une journée où les nazis envahissent un village et font exécuter un ami de René Char. René Char regarde la scène à travers des persiennes, il est armé, il a la possibilité de sauver son ami mais il sait parfaitement que s'il tire et le sauve, tout le village va y passer. Et il ne fait rien, et sauve le village, pas son ami. Une autre fois, il comprend qu'il y a un traître dans son escadron d'une vingtaine de résistant et on comprend, il ne le dit pas, qu'il prend la décision de l'abattre pour éviter que tout son escadron soit capturé et exécuté. C'est une décision stratégique extrêmement courageuse et exceptionnelle de la part d'un poète, en outre. Donc il tue, mais il tue pour sauver vingt vies. Il arbitre, il prend ses responsabilités. C'est ce que tout militant, tout activiste doit faire. Et se contenter de dire "moi, je ne serais jamais violent car ce ne sont pas mes valeurs, je veux être fidèle à moi-même", c'est une hypocrisie absolue si vous savez que X personnes vont mourir, ou être torturées, ou plus modestement être licenciées ou exploitées et qu'au nom d'une vision court-termiste et facile, vous refusez d'agir pour "respecter vos valeurs". Alors oui, le sujet est complexe et la zone tente de le poser en quelques situations-clés.
Sur les passages difficiles ou pas, autant être clair : tout est difficile, tout me demande énormément d'énergie et de concentration. Je réécris et corrige énormément chaque paragraphe, des centaines de retouches, reprises, inversion, changements de mots, etc. C'est un col à vélo, tout le temps, avec parfois un faux-plat où vous vous dites "woua, j'avance bien". Mais au final, grâce à ce travail, j'aime tout, en tout cas, je respecte et n'aie honte de rien de ce que j'ai écrit. Alors ensuite, avec le recul, quand j'ai repris la zone, évidemment, j'ai des préférences, par exemple le cube ou sur la Horde, j'aime beaucoup Norska et Krafla, j'aime beaucoup la folie de la Flaque de Lapsane, j'aime le combat d'Erg et Silène, j'aime tous les passages d'Aoi et j'apprécie moins Pietro. Mais c'est anecdotique. Et pour Alticcio et le combat avec le stylite, c'est un chapitre qui a été sans angoisse pour moi, assez reposant en fait, l'un des plus faciles du livre. Parmi tout ça, ce qui a été le plus difficile du difficile ? Dans la zone, la synthèse sur Foucault (cours de Capt) et les chapitres de transition, je ne suis pas bon à ça. Dans la Horde, la mort de Callirhoé et son annonce aux parents, la rencontre avec les parents, Golgoth et son père, tout ce qui exige de se sortir les tripes et le passé, sans pitié.