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JWacquez
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Message par JWacquez » ven. juil. 28, 2017 7:27 pm

Bonjour à tous,

Je m'appelle julien wacquez, je suis doctorant en sociologie, je travaille sur la façon dont on comprend les affinités entre science et science-fiction, et je suis également directeur éditorial de la revue numérique Angle Mort et de son pendant anglo-saxon Blind Spot.

Je parlerai donc du point de vue de mon expérience Angle Mort / Blind Spot. Le but initial de ces revues était triple :

-Proposer un support numérique et professionnel pour les publications de nouvelles de science-fiction françaises.
-Identifier des auteurs encore peu ou pas connus en France et proposer des premières traductions
-Contre-balancer, au moins un petit peu, les échanges entre science-fiction française et anglo-saxonne, en traduisant des textes français pour les rendre accessibles au public anglais/américain (voire international).

Évidemment, ces tâches sont coûteuses. Si l'on souhaite payer les auteurs pour leurs écritures, payer les traducteurs pour leur travail...Une structure sans financements comme l'association Angle Mort / Blind Spot ne peut pas s'en sortir.

Faire une revue qui tienne sur le marché américain pour rendre présente la science-fiction française là-bas, demande également beaucoup d'efforts de communication, de création d'un public, son entretien, et d'avoir le budget pour payer les traductions (que les éditeurs américains ne paieront pas autrement). C'est un travail à part entière, même pour une revue numérique.

J'ai pas mal discuté avec Neil Clarke, par exemple, de Clarkesworld Magazine. Sa revue existe depuis 2005 (soit 12 ans). Il compte aujourd'hui 2500 abonnés. Bifrost, par comparaison, un magazine papier français qui existe depuis 20 ans, dispose de quoi ? 900 à 1000 abonnés ? (un bifrostien pour confirmer ?). Ce qui signifie que le marché de lecteurs américains de SF existe, mais il n'est pas non plus beaucoup plus important que le marché français. Neil Clarke a un autre travail à côté de celui d'éditeur pour vivre.

Il existe très peu d'institutions publiques aux USA qui pourraient financer une revue comme Blind Spot.

Nous avions reçu une aide au lancement de la part de l'ambassade de France aux USA, d'une hauteur de 1000 USD, au nom de la valorisation de la culture française aux USA. à peine de quoi payer les traductions. Sachant que les traductions du français vers l'américain coûtent en moyenne 0.15 cent le mot. Ce qui revient sensiblement plus cher que les traductions en sens inverse, de l'américain vers le français, payés disons 12 euros le feuillet.

L'enjeu, pour les USA, consiste alors a identifier des fondations susceptibles de financer un tel projet. Ou le crowdfunding. La plupart des revues américaines (clarkesworld, lightspeed, Apex, Uncanny...) pratiquent le crowdfunding avec Patreon. Patreon est particulier dans le sens où les backers donnent quelques dollars tous les mois. C'est une sorte de formule d'abonnement.

Il y a également l'Europe qui possède quelques programmes.

En France, il y a plusieurs possibilités de financements institutionnels, les régions, le CNL, les ministères, peut-être des associations à faire avec des établissements comme des écoles, des bibliothèques, des musées, des centres de cultures scientifiques et technologiques...

Personnellement, je commence seulement à faire ce travail d'exploration des organismes financeurs. Il faut aussi apprendre à s'adresser à ces organismes de la bonne façon pour leur présenter des projets éditoriaux qu'ils peuvent évaluer et, potentiellement, financer. Ce qui implique de faire un travail de traduction, un passage d'un langage éditorial/littéraire à un langage administratif pour pouvoir convaincre ces gens.

Ma proposition serait donc, au cours des "états généraux", mais déjà via ce forum, de pouvoir faire un atelier où chacun présente ses expériences avec ces différents organismes. Déjà pour savoir, parmi les éditeurs de genre en France:

- Qui a recours à quelles types d'aides ?
- De quels organismes proviennent ces aides ?
- Comment s'adresser à ces organismes pour leur présenter un projet éditorial et une demande de financement que les membres de ces organismes jugeront sérieux ?
- Comment rechercher d'autres organismes de financement ?

Et, le cas échéant :

- Comment avoir recours à un crowdfunding ? Comment se prépare un crowdfunding ?

J'imagine que chaque éditeur présent ici utilise des stratégies qui lui sont propres, mais il y a aussi des formes de savoirs et de savoirs-faire implicites au monde des financements culturels qu'il me semble bon de pouvoir partager.

Julien Wacquez.

Elijaah Lebaron
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Message par Elijaah Lebaron » sam. juil. 29, 2017 1:57 pm

Bonjour Julien

Tout d'abord bravo pour pour l'initiative "Angle mort", "Blind spot" qui me parait être une démarche très intelligente. Les auteurs Français ont toujours souffert de la faiblesse du marché francophone face à l'eldorado anglophone. Essayer de changer cette fatalité pour une poignée d'auteur est la meilleure idée que j'ai vu passer depuis longtemps.

Par contre je suis étonné quand vous dites que le marché US est équivalent à celui de langue française. En pourcentage, ce ne serait pas étonnant, mais en nombre... Le marché US et associé est sans commune mesure avec celui de notre bonne vieille francophonie...

En fait le marché de la revue de SF n'est-il pas un modèle sur le déclin face à une offre gratuite et pléthorique sur internet ?

J'ai longtemps été un lecteur de "Galaxies". A l'époque pour faire connaissance avec de nouveaux auteurs ce type de revue était incontournable. Mais aujourd'hui les auteurs devenus indépendant peuvent se faire connaître individuellement ou peuvent se rassembler entre pairs pour une initiative d'édition collective. Les plateformes d'écriture vous proposent le pire et le meilleur, classant leur offre par thèmes littéraires. La découverte qui était la chasse gardée des revues littéraires se fait aujourd'hui en toute indépendance transformant ainsi chaque lecteur en directeur d'édition faisant la "curation"(quel affreux néologisme) de ces découvertes sur leur blogs.

Dans ce cadre il doit-être difficile pour les revues littéraires de faire fonctionner leur "business-model", bien que la qualité du travail d'édition devrait normalement faire la différence.

Par contre, je suis sûr que mettre en place une collection de romans francophones "French SCI FI" pourrait être bien plus intéressante car s'adressant à un public plus large habitué à sortir sa monnaie pour lire. Je pense que nous avons des spécificités culturelles et intellectuelles qui peuvent renouveler un genre devenu bien balisé aux US (ce n'est pas par hasard si les auteurs anglais sont ceux qui redonnent un nouveau souffle au marché ces dernières années).

Je sais Julien, que vous attendiez une réponse faite par des éditeurs chevronnés, plutôt que par un écrivain débutant au potentiel d'expérience limité. Néanmoins, je devais vous féliciter pour votre excellente initiative, même si elle est de toute évidence difficile à pérenniser.

BRAVO !

JWacquez
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Message par JWacquez » ven. août 04, 2017 3:11 pm

Elijaah, merci beaucoup pour ton message.

Concernant le marché américain, ce que je dis c'est que, proportionnellement, si on compare la population américaine à la population française, et si on compare la quantité de textes de SF publiés d'un pays à l'autre, on serait en droit de penser qu'une revue récompensée à plusieurs reprises par plusieurs Awards aurait un public beaucoup plus large que celui qu'elle a actuellement. Après, on pourrait toujours relativiser l'information en se disant que Clarkesworld Magazine est une revue qui n'a qu'une dizaine d'année, et qu'il serait intéressant d'avoir les chiffres de ventes moyens des revues historiques (Analog, Asimov's, F&SF) - qui sont sans doute très différents, au regard de la distribution de ces revues et de leur prix de vente (elles sont disponibles dans presque n'importe quel kiosque).

En tout cas, ça nous donne une bonne idée de ce à quoi il faut s'attendre si on maintient les efforts fournis pour une nouvelle revue comme Blind Spot. Même si on parvient à mobiliser une communauté d'éditeurs de SF français derrière cette revue, et que l'on parvient à obtenir une bonne couverture médiatique (avec du community managing, crowdfunding américains, etc.), ce ne sera pas une revue qui rapportera beaucoup d'argent.

cmogentale
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Message par cmogentale » mar. sept. 19, 2017 10:01 pm

Bonjour,
J'ai peu d'expérience dans le crowfunding mais de ce que j'ai vu, le succès de ces opérations repose beaucoup sur les relais de médias importants ou sur le réseau personnel des personnes impliquées. J'aimerais beaucoup connaitre le taux de réussite de funding des projets de manière générale si on ne peut pas avoir les chiffres précis pour le secteur éditorial, dans lequel il me semble que beaucoup de jeunes auteurs se lancent par échec ou simplement contournement du monde de l'édition.
Pardonnez moi de ne pas faire avancer beaucoup le sujet, mais j'ai trouvé votre approche très judicieuse, et je ne connaissais pas l'existence de tels revues comme Angle mort, merci!

jerome
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Message par jerome » jeu. sept. 28, 2017 7:44 pm

cmogentale a écrit :Bonjour,
J'ai peu d'expérience dans le crowfunding mais de ce que j'ai vu, le succès de ces opérations repose beaucoup sur les relais de médias importants ou sur le réseau personnel des personnes impliquées. J'aimerais beaucoup connaitre le taux de réussite de funding des projets de manière générale si on ne peut pas avoir les chiffres précis pour le secteur éditorial, dans lequel il me semble que beaucoup de jeunes auteurs se lancent par échec ou simplement contournement du monde de l'édition.
Pardonnez moi de ne pas faire avancer beaucoup le sujet, mais j'ai trouvé votre approche très judicieuse, et je ne connaissais pas l'existence de tels revues comme Angle mort, merci!
Je peux essayer de demander à Ulule. J'ai un contact là bas... Mais pas pour les autres plateformes.

Sybille
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Message par Sybille » dim. oct. 01, 2017 2:17 pm

Je ne peux pas répondre sur les demandes d'aides, mais, aux Vagabonds du Rêve, nous utilisons le financement participatif pour notre collection de Jeux de Rôle. (Ce ne serait pas intéressant pour la Littérature, nous sommes biclassés.)

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