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Interview 2018 : Vincent Mondiot et Raphaël Lafarge pour Les Mondes-Miroirs
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Interview 2018 : Vincent Mondiot et Raphaël Lafarge pour Les Mondes-Miroirs

ActuSF : Pourriez-vous vous présenter pour les lecteurs ?

Vincent : Vincent Mondiot, 34 ans, produit quasi-pur de banlieue parisienne, réceptionniste dans un hôtel la nuit et écrivain le jour ! Jusqu’ici j’ai surtout écrit des romans à destination des adolescents. Le dernier en date, Nightwork, est sorti l’année dernière aux éditions Actes Sud. Les Mondes-miroirs est pour moi un retour à la culture de l’imaginaire qui m’a accompagné pendant une large partie de ma vie, et à laquelle je suis fier et heureux de participer, à ma modeste échelle !

Raphaël : Moi c’est Raphaël, on m’appelle aussi Oasis ! J’ai vu le jour à Paris, j’y ai grandi et vécu pendant plus de trois décennies avant de partir pour le Grand Est. Artiste anarchoqueer, tous les types d’expression artistique m’attirent. Je dessine, je réalise des jeux vidéo indé, je tourne des court métrages… Depuis 2012, je crée divers récits dans le monde weird fantasy/SF du Tétracosme, dont Pantagrame, un hybride webcomic/jeu vidéo.

 

ActuSF : Pourriez-vous présenter votre roman ?

Vincent : Les Mondes-miroirs s’intéresse aux trajectoires d’Elsy et Élodianne, deux amies d’enfance qui se sont éloignées l’une de l’autre. Elsy menait une carrière de petite criminelle dans les quartiers pauvres de la capitale tandis qu’Élodianne devenait une magicienne travaillant pour le gouvernement. Les jeunes femmes vont cependant se retrouver autour d’une série d’attaques menées contre la ville par des créatures mystérieuses. Elles devront travailler ensemble pour comprendre de quoi il en retourne, et mettre fin aux agissements d’un magicien terroriste.

Cette histoire parle beaucoup d’ambition, de femmes fortes et de souvenirs d’enfance. Et puis il y a plein de monstres partout, aussi.

L’un des éléments importants du roman, qui lui a même donné son titre, se trouve dans les mondes-miroirs, la magie pratiquée par Élodianne. Une magie qui ouvre des portails vers une version alternative du monde, vide et silencieuse, permettant de se déplacer en parallèle à la réalité. C’est un élément central de l’intrigue, tout comme les Arches, un gigantesque monument à l’origine mystérieuse qui forme un dôme au-dessus du pays.

 

 

 

 

ActuSF : Parlez-moi de l’écriture à quatre mains ? Quel a été l’intérêt, les avantages d’une telle démarche ? 

Vincent : Créer un univers à plusieurs, ça oblige mécaniquement à sortir de sa zone de confort créative, à aller dans des territoires qu’on ne connaît pas, qui ne nous appartiennent pas. Tout l’enjeu est alors de réussir à trouver une résonance avec les idées des autres, à comprendre comment les faire également siennes… Et vice-versa. Voir ses propres idées transformées, améliorées, fusionnées par d’autres artistes, c’est un processus qui permet d’obtenir au final un univers collectif, qui peut être bien meilleur que la somme de nos imaginaires séparés.

Matthieu Leveder, l’illustrateur dont plusieurs planches sont visibles dans le roman, a également beaucoup apporté à la toile des Mondes-miroirs. Ses designs et son style graphique ont servi de base à plusieurs aspects de notre histoire, et il est autant à l’origine de ce projet que Raphaël ou moi-même.

Raphaël : Vincent et moi possédons des univers artistiques radicalement différents. Nous partageons des références, des envies, un même goût pour un certain naturalisme brut, mais dans le ton comme dans la forme, nous divergeons. Et c’est précisément cette différence qui nous stimulait dès le début, l’envie de créer un parfum singulier. Les Mondes-miroirs constitue un univers que ni Vincent ni moi n’aurions pu créer sans le concours de l’autre, une saveur unique.

Une grande qualité de l’écriture à quatre mains, c’est le recul qu’on peut avoir sur la prose de l’autre. On peut trancher dans le vif, ôter ou réécrire des phrases, des portions, des chapitres entiers, pour aboutir au meilleur résultat possible.

Il faut aussi rappeler, comme Vincent l’a déjà fait, que Matthieu est créateur de l’univers au même titre que nous deux, et que beaucoup de ses démons habitent l’oeuvre finale. Le concept originel des Mondes-miroirs vient d’une remarque de sa part, une remarque sur les reflets dans une glace.

 

ActuSF : Pourriez-vous m’en dire plus concernant vos influences pour ce roman ?

Vincent : Pour ma part, je dois confesser mes péchés : il se trouve que je ne suis pas un énorme lecteur de fantasy, mes goûts en matière d’imaginaire se tournant plus vers l’horreur ou la science-fiction. De fait, les influences que j’ai pu ramener dans Les Mondes-miroirs sont un peu périphériques au genre… L’esthétique des westerns m’a clairement imbibé, tout comme la culture contemporaine qui entoure les quartiers difficiles de nos grandes villes. Des échos très nets à nos « cités chaudes » se trouvent dans le roman.

D’un point de vue plus artistique, le travail du cinéaste Guillermo Del Toro m’a également beaucoup accompagné pendant l’écriture, ainsi que celui de l’écrivain Orson Scott Card, qui bien qu’étant un nauséabond réactionnaire, a écrit avec sa saga La Stratégie Ender une œuvre magistrale sur l’usage de la violence et ses conséquences. Un thème central dans notre roman également !

Raphaël : À l’inverse de Vincent, j’adore la fantasy ! Sans pour autant bouder la science-fiction, l’horreur (le style le plus facile m’est sans conteste l’épouvante) ou d’autres littératures. J’aime surtout la weird fantasy, j’aime être jeté dans des mondes que l’on comprend très mal, avec un ciel rempli de prismes miroitants, de flammes, de déités étranges la tête en bas, ou pas de ciel du tout...

Je ne saurais pas tout citer, mais Tanith Lee, Tamora Pierce et Mary Gentle ont été parmi mes inspirations les plus marquantes. Ces autrices ont sculpté ma vision d’un imaginaire baroque et apocalyptique.

Frank Herbert a été aussi une influence essentielle. Vous retrouverez l’esprit de Dune dans un personnage en particulier des Mondes-miroirs : la sinistre Latima. Araignée tapie au cœur de la toile des manipulations politiques, Latima serait parfaitement à l’aise dans les intrigues du Landsraad.

 

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