- le  

L'enfant du temps

Isaac Asimov ( Auteur), Robert Silverberg ( Auteur), Arnaud Mousnier-Lompré (Traducteur), Marc Simonetti (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2010  -  livre
voir l'oeuvre
Commenter

L'enfant du temps

L’enfant du temps (1992) est le fruit de la collaboration de deux grands auteurs de science-fiction, Isaac Asimov et Robert Silverberg. Ces derniers ont publié deux autres ouvrages à quatre mains, Le retour des ténèbres (1990), et Tout sauf un homme (1993), juste avant la disparition d’Isaac Asimov.

Tout comme Le retour des ténèbres (Nightfall), L’enfant du temps est à l’origine tiré d’une nouvelle de Isaac Asimov, parue en 1958, The Ugly Little Boy, réécrite avec Robert Silverberg pour en faire un roman - Child of Time pour le titre anglais, et toujours The Ugly Little Boy pour le titre américain. En 1977, une adaptation de 26 minutes de la nouvelle a été réalisée par Barry Morse (le Pr Bergman de Cosmos 1999 pour les aficionados) pour la télévision canadienne.

Un Néandertalien prisonnier du temps

Edith Fellowes, infirmière puéricultrice, est engagée par le groupe Stase Technologie pour une mission très particulière. Elle est chargée de l’éducation d’un petit Néandertalien de trois ans, ramené du passé grâce à un système technologique complexe, qui permet d’explorer le temps et d’y prélever des échantillons. Mais l’enfant ne peut sortir de la bulle de « stase » dont il est prisonnier le temps de cette expérience, et doit donc se contenter de cette existence confinée. Edith Fellowes va alors s’efforcer d’égayer au mieux sa captivité.

Saut temporel

Asimov et Silverberg explorent avec ce roman le principe du voyage dans le temps sous une forme inhabituelle, c’est-à-dire que le système inventé par Stase Technologie n'est pas conçu pour se rendre dans le passé ou dans le futur, mais uniquement dans le but de faire venir du passé un objet ou un individu témoin, afin de l’étudier et d’obtenir des informations sur la période historique en question. Le principe est intéressant, puisque pour une fois il ne s’agit pas d’aller à la rencontre du passé, mais d’amener le passé à se projeter dans le futur.

Avec cette version longue de la nouvelle originelle d’Asimov, les deux auteurs ont développé le scénario initial. Entre autres, le point de vue des membres de la tribu des Néandertaliens, avec une description de la vie quotidienne de ces hommes préhistoriques, et de la manière dont la disparition de « Visage de Feu Céleste », alias Timmie, est perçue par son clan. Cette alternance entre le récit du présent, celui d’Edith Fellowes qui retrace les progrès de Timmie, et les chapitres qui se déroulent dans notre lointain passé, il y a plus de quarante mille ans, permet au lecteur de ne pas se lasser.

Leçon d’humanité


L’enfant du temps s’attache avant tout au côté « humain » de l’aventure. Si l’on retrouve en partie les explications détaillées des principes en cours, auxquelles Isaac Asimov nous a habitué, notamment avec son cycle Fondation et sa science de la « psychohistoire », c’est uniquement le temps de poser les concepts : Edith Fellowes, la vieille fille au grand cœur mais novice en histoire, se voit expliquer rapidement l’époque des Néanderthaliens, et le système qui permet d’explorer le passé à la recherche de « matière » à rapporter. Une fois tout cela établi, place à la véritable problématique du récit, la rencontre avec « l’autre ». C’est celle d’une femme avec un enfant atypique qui lui tient lieu de fils, mais aussi celle de deux branches d’hominidés, les Néandertaliens et les Homos Sapiens.

Isaac Asimov et Robert Silverberg ont parfaitement réussi à développer l’empathie du lecteur, qui, à l’image de Mademoiselle Fellowes, se prend d’intérêt pour ce petit garçon perdu dans une époque étrangère. Le titre américain, The Ugly Little Boy, est plus révélateur que le titre anglais, Child of Time, car ce qui différencie le plus le petit Timmie des Homos Sapiens du XXIe siècle, c’est son physique plus que ses capacités : « Son front plat fuyait en arrière (…). L’arrière de son crâne saillait bizarrement, faisant paraître sa tête plus lourde qu’elle n’était, comme si elle penchait en avant, obligeant le corps à se voûter. De vigoureux bourrelets osseux pointaient sous la peau au-dessus de ses yeux. Sa grande bouche était plus proéminente que son large nez épaté ; il n’avait pour ainsi dire pas de menton, sa mâchoire s’incurvait doucement vers l’arrière. Il était petit pour son âge, presque nain en dépit de sa puissante carrure ; ses jambes trapues étaient arquées. (…) C’était un petit garçon très laid et Edith Fellowes l’aimait plus que tout au monde. ». Confiné dans sa bulle de « stase », à laquelle les individus du présent ont accès comme ils l’entendent, l’enfant ne peut en sortir, sous peine de répercussions, notamment énergétiques. « L’enfant-singe » comme l’appellent le public et les journalistes, amuse et intrigue les chercheurs, à l’instar de l’enfant sauvage décrit par François Truffaut dans le film éponyme. La question est la suivante : qui peut juger de l’humanité de Timmie ?

Une nouvelle qui a pris de l'ampleur

Les pages filent rapidement, et l’on est surpris que ce soit déjà la fin du roman, mais cette aventure aurait peut-être mérité d'être un peu plus palpitante. Le dénouement ouvert du récit, qui laisse le soin au lecteur d’imaginer les conséquences de cette incursion dans le passé, peut  par ailleurs faire regretter qu’une suite n’ait pas vu le jour. L’enfant du temps est quoiqu'il en soit un bel exemple du talent d’Isaac Asimov et de Robert Silverberg, de leur finesse et de leur sensibilité.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?