Le Prix Spécial de l'uchronie 2017 a été décerné aux Editions Publie.Net, et plus particulièrement à Philippe Éthuin, pour leur travail uchronique à travers leur collection ArchéoSF (Histoire de ce qui n’est pas arrivé de Joseph Méry, Le passé à vapeur anthologie présentée par Philippe Étuin, Les autres vies de Napoléon Bonaparte Uchronies & Histoires Secrètes, Une autre histoire du monde, 2500 ans d’uchronies présenté par Philippe Étuin).
Les Editions Publie.Net, et plus particulièrement leur collection ArchéoSF, viennent de recevoir le Prix ActuSF de l’Uchronie 2017. Pouvez-vous nous présentez ArchéoSF ? Pourquoi l’uchronie y a -t-elle une place de premier choix ? Par goût ?
ArchéoSF est une collection née en numérique en 2011 qui réédite des textes de SF ancienne (du XVIIIe siècle au début du XXe siècle). Elle propose depuis 2013 des livres au format papier. Elle est éditée par Publie.net qui soutient l’initiative depuis l’origine, elle est dirigée par Philippe Ethuin qui cherche, sélectionne, recueille les textes et rédige les préfaces ainsi que l'appareil critique. ArchéoSF bénéficie de couvertures réalisées par Roxane Lecomte (qui s’occupe aussi de la partie production numérique et papier) et de l'ensemble de l'équipe publie.net.
Le catalogue est composé de près de 50 titres en numérique et une dizaine au format papier. Il accueille des classiques, des redécouvertes, des textes oubliés et des anthologies.
L’étymologie du mot « archéologie » nous rappelle qu’il s’agit de la « science des origines ». Le projet d’ArchéoSF est de mettre à disposition des textes qui sont aux sources de notre science-fiction moderne.
L'uchronie est un des éléments importants du catalogue (mais ce n'est nullement limitatif).
Il y a certes une part de goût personnel de la part du directeur de la collection (et ce n'est pas seulement valable pour les œuvres uchroniques rééditées dans la collection ArchéoSF ) mais c'est aussi un genre qui connaît une vogue incontestable et multi-médiatique (littérature, cinéma, jeux vidéo, jeux de rôle…) et comme ArchéoSF souhaite proposer des textes sources de notre modernité, il est difficile de laisser de côté l'uchronie.
On la présente souvent comme un genre neuf mais les germes sont très anciens. Certains textes mentionnés dans les essais de référence sur le genre ne sont pas disponibles: c'était ainsi le cas de Histoire de ce qui n'est pas arrivé de Joseph Méry (jamais repris depuis 1859!), il nous a semblé indispensable de le rééditer afin de permettre aux lecteurs de le lire.
Avec l'anthologie Une Autre histoire du monde. 2500 ans d'uchronies, le projet était de donner à lire des textes uchroniques (dont quatre qui n'avaient jamais été mentionnés dans aucun ouvrage de référence sur l'uchronie) pour montrer les origines du genre.
Le genre uchronique émerge véritablement au XIXe siècle (c'est en 1857 que Charles Renouvier forge le mot « uchronie ») et permettre de lire les œuvres rassemblées dans Les Autres vies de Napoléon Bonaparte (720 pages, une anthologie de poids ! ) c'est aussi accéder à un corpus qui n'a cessé d'inspirer, de manière parfois souterraine, notre époque.
ArchéoSF entreprend le même travail sur l'anticipation ou le roman préhistorique notamment.
2) Selon vous, l’uchronie est un genre encore sous exploité en littérature, ou au contraire, bénéficie-t-elle d’un phénomène de mode ?
L'uchronie a émergé, s'est imposée et devient incontournable. Des auteurs comme Stephen King s'y essaient et de nombreuses séries télévisées jouent sur ce répertoire. Elle accède indéniablement à une forme de reconnaissance et le risque pourrait être celui de la saturation (comme pour certains pans de la Fantasy qui peuvent n'offrir que des redondances et des redites) . Elle connaît dans le même temps des transfigurations, des réutilisations qui l'éloignent de la science historique ou de la philosophie (disciplines par lesquelles elle est née et qui nourrissent une réflexion sur l'Histoire, les événements et les grandes figures historiques). L'uchronie peut simplement être ludique tout comme elle peut être érudite. Elle se mâtine aussi de rétrofuturisme (au sens large du terme) et/ou de fantasy/merveilleux et trouve dans le steampunk par exemple une forme déviante très féconde. Dans cette optique ArchéoSF a publié l'anthologie Le Passé à vapeur pour rappeler les origines lointaines du steampunk et finalement montrer que les anticipations du passé peuvent devenir des uchronies a posteriori .
L'uchronie va certaintement continuer à connaître des mutations pour ce qui concerne les littératures de l'imaginaire mais la forme plus historicisante, surtout en France et au Etats-Unis où l'histoire est un élément fort de la culture générale, perdurera. Elle apparaît aussi dans la littérature que l'on qualifie de mainstream et sans doute est-elle en train de s'affranchir de la science-fiction pour devenir un genre de plus en plus autonome, avec ses propres codes et références.
En même temps, on voit surgir des formes uchroniques parfois surprenantes hors de l'occident qui remettent en cause l'européo-centrisme et qui sont très fertiles.
Ce sont autant de signes d'un genre très vivant qui nous réservera bien des chefs d’œuvre car l'interrogation sur le temps est assurément l'une des grandes questions de l'humanité. Il restera peut-être un jour un seul point de divergence à explorer : et si Charles Renouvier n'avait pas inventé le mot « uchronie » ?
3) Quelles seront les prochains uchronies à venir chez Les Éditions Publie.Net ?
Il reste vraisemblablement peu de textes uchroniques anciens à redécouvrir. Sur son blog, Philippe Ethuin a publié des « fragments uchroniques » qui vont de Plutarque (et si Vercingétorix avait attendu que César soit empêtré dans la guerre contre Pompée) jusqu'au milieu du XXe siècle. Peut-être qu'une anthologie de ce type pourrait voir le jour.
Un second volume du Passé à vapeur est quant à lui en cours de constitution et rien n'exclut que des uchronies contemporaines soient accueillies dans les autres collections de publie.net !
Qu'en pensez-vous ?