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Interview de Jacques Baudou pour La Lisière de Bohème
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Interview de Jacques Baudou pour La Lisière de Bohème

Actusf : La Lisière de Bohême est votre premier roman, pourtant on ne saurait vous qualifier exactement de « jeune auteur », je suppose ?
Jacques Baudou :
Non, d’abord à cause de mon âge : j’ai 68 ans. Et ensuite parce que ce n’est pas ma première fiction publiée. Il y a de nombreuses années, j’ai vendu trois nouvelles à une petite revue de fantastique qui s’appelait L’Impossible. Elle a publié la première d’entre elles, une « short short », dans son dernier numéro. Depuis, j’ai fait paraître, sous mon nom ou sous pseudonyme, une petite poignée de nouvelles. 

Actusf : Pourquoi ce passage tardif au roman, après avoir tant fait dans les domaines de l'essai et de l'anthologie ?
Jacques Baudou : Ce n’est pas le premier roman que j’ai tenté d’écrire; c’est le premier que j’ai mené à bonne fin. Il a fallu pour cela que je sois à la retraite, avec du temps devant moi et la possibilité de m’immerger dans l’écriture sur une longue période et aucun projet  éditorial en cours. J’ai écrit plusieurs débuts de romans pendant des vacances, mais j’avais un métier très prenant — animateur culturel spécialisé dans l’audiovisuel (cinéma, télévision, etc.) — et le retour au travail a signifié irrémédiablement la fin de ces tentatives. Et puis après, j’ai été pris par la rédaction d’articles, d’essais et d’anthologies et l’édition de la revue de l’OULIPOPO Enigmatika.  

Actusf : Votre roman s'inscrit sous influence, ainsi que l'annonce le texte de 4e de couverture : Robert Holdstock, Alain-Fournier, André Dhôtel... dite nous-en plus sur ce processus d'influences littéraires ?
Jacques Baudou : Le Grand Meaulnes est le roman que j’ai lu le plus grand nombre de fois dans ma vie, en y trouvant à chaque fois des choses différentes. Le pays perdu est une idée qui me fascine. L’œuvre d’André Dhôtel, que j’ai beaucoup fréquentée, s’inscrit souvent dans des paysages proches du lieu que j’habite, en Champagne-Ardenne, et développe des thèmes dont je me sens très proche : comme la plupart de ses personnages, j’aime randonner dans ces lieux toujours mystérieux que sont les forêts. Et, dans ma carrière de critique des littératures de l’imaginaire (au Matin de Paris d’abord, au Monde ensuite), j’ai croisé deux œuvres qui sont devenues pour moi des livres-pairs aux côtés de Le Grand Meaulnes, Le Maître de pension, Rebecca, L’Ancre de miséricorde, L’Île mystérieuse et quelques autres  : le cycle de la Forêt des mythimages de Robert Holdstock. Mais la source principale d’inspiration de La Lisière de Bohême est la deuxième de ces œuvres : Le Pays du fou-rire de Jonathan Carroll. Dans cet extraordinaire roman, le réel est envahi par l’imaginaire, celui de l’auteur étudié par le narrateur. À ma manière, j’ai essayé de travailler sur cette même idée : l’invasion du réel par l’imaginaire. 

Actusf : De même, votre roman est semé d'exergue, en tête de chaque chapitre, quel rapport entretient votre texte avec ces citations ?
Jacques Baudou : Depuis longtemps, je consigne dans des petits carnets les phrases qui me séduisent dans mes lectures. J’ai donc puisé dans cette réserve des citations qui me paraissaient  faire écho à la thématique de mon roman, qui pouvaient l’éclairer, la commenter, parfois de façon assez sibylline. Ouvrir même une piste à la divagation du lecteur.  J’ai choisi, bien sûr, des auteurs qui pour une raison ou une autre m’ont marqué et cela va des lectures d’enfance (ce qui est le moins : Foncine, Bourliaguet) à beaucoup de mes auteurs de chevet. Il y a même une citation extraite d’un roman policier (une autre de mes passions).

Actusf : Physiquement, ce livre est un objet très beau, qui semble rappeler un peu les livres reliés des années 1950, non ?
Jacques Baudou : Oui, c’est un objet magnifique. C’est le choix de l’éditeur, André-François Ruaud, de réaliser une maquette en adéquation totale avec le texte. J’ai cette chance insigne de voir mon roman servi par un écrin fastueux — je devrais dire serti dans un écrin fastueux. Je lui en suis extrêmement reconnaissant. 

Actusf : Narrativement, une particularité de votre roman est de se construire beaucoup par le biais des dialogues, pourquoi un tel choix ?
Jacques Baudou : Cela s’est fait comme cela au moment de l’écriture et de l’assemblage des brins qui constituent l’intrigue tressée du roman. Je n’y ai pas beaucoup réfléchi alors, ça me semblait couler de source. A posteriori, peut-être s’agit-il de l’influence d’une émission de télévision des années 1960 qui a beaucoup compté pour moi : « Les conteurs » d’André Voisin. Étant dépourvu de cette qualité, j’admire ceux qui sont capables de capter l’attention par leur parole, par leur manière de conter oralement. Peut-être aussi ai-je cherché à ce que la lecture de mon roman évoque cet art du passé aujourd’hui disparu : la veillée. 

Actusf : Sur quoi travaillez-vous, maintenant ?
Jacques Baudou : J’ai fini un second roman qui s’intitule Au grenier des sortilèges et qui pourrait porter en sous-titre « Les mystères de Reims » : j’ai tenté de faire une fantasy urbaine sur la ville où j'ai habité et surtout travaillé. Je vais me mettre à la recherche d’un éditeur. Je travaille à la rédaction d’articles pour les revues Le Rocambole (sur les contes de la grande presse des années 30) et Papiers nickelés. Et sur un nouveau numéro de mon personalzine - "Le Bric-à-brac”.

Interview réalisée par André-François Ruaud pour Les Moutons électriques.

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