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ITW Sylvie Lainé
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ITW Sylvie Lainé

Actusf : Parle-nous un peu de ce recueil. Comment l'as-tu constitué ? Pourquoi
avoir choisi les nouvelles qui le composent ?

Sylvie Lainé : Quand on a parlé ensemble de sortir un recueil, j’ai mis à plat la totalité de ma production (environ une vingtaine de nouvelles) et j’ai cherché des fils conducteurs. Il y avait plein de manières de les assembler – mais je me suis souvenue de l’idée que j’avais eu à un certain moment d’écrire une nouvelle sur chacun des cinq sens. Et il y en a au moins un qui m’avait particulièrement inspiré : c’était la vue, le regard. Avec ce point de départ, il y a des textes qui sont sortis tout de suite : ils disaient chacun d’une manière différente que le regard que l’on pose sur l’autre le transforme, que c’est le regard qui change tout. C’est un recueil qui est plein d’yeux, de caméras, de reflets dans le miroir qui en disent plus que l’original, ou d’incarnations qui se matérialisent et vous parlent dans les yeux... Ca fait un ensemble très cohérent, je trouve.

Actusf : Te souviens-tu de la genèse de chacune des six nouvelles ? Comment te sont venues les idées ?
Sylvie Lainé : Bien sûr je me souviens très bien – ce sont des choses qu’on n’oublie pas, le fait d’écrire les histoires grave les instants dans la mémoire. Pour certaines d’entre elles, rien que d’y penser je sais sur quelle chaise j’étais assise, et quelle image j’avais en tête en écrivant la phrase. J’ai mis dans l’histoire tout ce que je pouvais partager, le plus intime et le plus sincère, toute l’émotion ou les sensations que portaient ces moments. Ce que je pourrais raconter sur les circonstances, après, serait bien anecdotique – ça intéresse qui de savoir que j’étais inquiète parce que ci ou ça, ou qu’il faisait froid, ou que je connaissais quelqu’un qui travaillait sur la reconnaissance des formes dans un labo de recherche ?

Actusf : Y'en a-t-il certaines qui t'évoquent des choses en particulier ? Peut-être
un signe de Setty qui a reçu un prix ?

Sylvie Lainé : Un signe de Setty est née d’une rencontre avec un type (à peine entrevu chez des copains un week-end) que j’avais ressenti comme un étranger absolu – je ne savais absolument pas comment établir un contact avec lui, il était incroyablement inconnu, et fascinant -  mais aussi de la passion d’Elisabeth Piotelat pour l’analyse des signaux astronomiques du projet SETI. Il y avait dans mon labo un thésard qui avait installé sur toutes nos machines le logiciel qui était censé nous faire participer à l’analyse collaborative des signaux. Dès qu’on arrêtait de taper sur son clavier ça démarrait tout seul, ça se mettait à essayer de détecter des séquences significatives dans ce que nous disaient les étoiles, et après on passait deux minutes à essayer de reprendre la main et on maudissait notre thésard, mais on n’a jamais désinstallé le logiciel. Même quand on a su qu’en fait le côté collaboratif ne fonctionnait pas du tout, et que tout ce qu’on moulinait ne servait à rien. Et puis une fois partie à écrire l’histoire, d’autres choses ont émergé. J’ai déversé plein de fragments et de substances vraies, comme ma passion pour la voile quand j’étais gamine, l’histoire de mon coéquipier pour les régates et du sous-marin nucléaire disparu. Et puis j’avais envie de réfléchir à la manière dont on pourrait jouer avec les mondes virtuels – pour l’instant on est encore bien loin encore de ce que j’avais imaginé…

Actusf : Quelle relation entretiens-tu avec Jean-Claude Dunyach ? Je crois que vous avez pas mal travaillé ensemble sur ces six textes... et comment trouves-tu
sa préface ?

Sylvie Lainé : Avec Jean-Claude, on a commencé à discuter épisodiquement par mail il y a une bonne dizaine d’années, puis un peu plus souvent quand j’ai soumis des textes à Galaxies, puisque c’est lui qui les lisait. Après il a été question du recueil du Prix Dorémieux (qui en fait n’est jamais paru puisque les éditions ISF se sont interrompues dans l’intervalle) et Jean-Claude ayant proposé d’être mon directeur littéraire, on s’est mis à discuter de plus en plus. Maintenant on est accros, le mail ne suffit plus, on est passés au chat, on cause de tout, tout le temps, de politique, de boulot, de littérature, d’enfants, on se fait des concours de jeux de mots épouvantables (j’ai fait de gros progrès) et on a des discussions très poussées sur l’écriture. Il faudra d’ailleurs qu’on fasse quelque chose de tout ça un jour.

On n’a pas vraiment travaillé ensemble sur mes textes, très peu, on a réfléchi ensemble aux manières de rentrer dans un personnage, de raconter ou ne pas raconter, d’expliciter ou d’évoquer… des tas de discussions magnifiques et très enrichissantes qui m’ont aidée à mettre beaucoup de choses au clair dans mes réflexions et m’ont fait me sentir beaucoup plus maîtresse de mon stylo que je ne l’étais auparavant. Mais les interventions de Jean-Claude sur mes textes ont été très minimes, ses suggestions de correction portaient habituellement sur quelques mots.

La préface qu’a écrit JC pour mon recueil m’a complètement stupéfaite – on avait tant discuté, des pages et des pages, et il ne m’avait jamais rien dit qui ressemble à ça ! Cela m’a paru très déconcertant, ça ne ressemblait pas à l’image que j’avais de moi comme écrivain, surtout après avoir écrit récemment Les yeux d’Elsa ou d’autres textes qui ne sont pas vraiment porteurs… de poésie légère et de douceur apaisante. J’ai relu le recueil après avoir lu sa préface, et j’ai compris le sens de ce qu’avait dit JC – c’est sans doute vrai pour ce recueil, ce rassemblement particulier. En tout cas ce que dit Jean-Claude est très beau et me touche, il m’a fait là un très beau cadeau.

Actusf : Un petit mot aussi sur la couverture parce que c'est une belle histoire avec
Gilles Francescano ? Comment l'as-tu connu et quel regard jettes-tu sur
cette illustration ?

Sylvie Lainé : J’aime beaucoup les tableaux de Gilles Francescano, depuis longtemps, j’ai beaucoup aimé certaines de ses couvertures (en particulier pour Ayerdhal), puis j’ai vu plusieurs expositions de Gilles qui a longtemps habité Lyon. A l’époque où l’on avait prévu le recueil chez ISF, j’avais déjà demandé que Gilles en fasse la couverture. J’en avais donc envie depuis longtemps. Gilles est revenu pour cette couverture à sa première manière, celle que je préfère, avec un premier dessin au fusain, puis le travail sur la couleur dans un second temps. C’est donc un vrai tableau, intense et vibrant, sensuel et lumineux, c’est la couleur vraie de Un rêve d’herbe,  et je trouve son illustration magnifique.

Actusf : C'est la première fois que tu fais un recueil. Quels sont les sentiments qui
t'animent (joie, fierté, impatience) ?

Sylvie Lainé : Si je te dis que ça me désole, tu vas me croire ? Bien sûr, c’est génial. Mais maintenant je me dis qu’il faut qu’il marche, parce que j’en ai bien deux ou trois autres à proposer à Actusf derrière, dans des tonalités différentes. J’espère donc que celui-ci va rencontrer plein de lecteurs.

Actusf : Qu'est-ce que tu aimerais que le lecteur y trouve ou en retienne ?
Sylvie Lainé : Ce que j’aimerais, c’est que certains gardent ces textes comme si les souvenirs imaginaires leurs appartenaient – que ce qu’ils racontent devienne une histoire privée entre le lecteur et sa mémoire, où je n’aie plus de place. Car ce recueil, ce sont des instants lumineux, pas des angoisses nocturnes ni des souffrances. Les éperluettes, c’est pour toutes les rencontres que l’on devrait y faire – les éperluettes raccrochent joliment des tas de choses, comme J & B, poivre & sel, Dumas père & fils, Gregor & Arnold…
 
Actusf : Sur quoi travailles-tu actuellement ?
Sylvie Lainé : J’ai des choses en cours, des envies aussi, et puis des textes qui sont écrits mais pas encore publiés. Mais j’espère que je vais bientôt retravailler sur un autre recueil, rassembler et reprendre des textes pour qu’ils se répondent, dans une autre tonalité…

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