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Océanique

Greg Egan (Auteur), Sylvie Denis (Traducteur), Francis Lustman (Traducteur), Nicolas Fructus (Illustrateur de couverture), Pierre K. Rey (Traducteur), Francis Valery (Traducteur), Dominique Martel (Anthologiste)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 16/02/2023  -  livre
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Retour sur l'excellent recueil de Greg Egan : Océanique

Voici la réédition du troisième volume de l’intégrale des nouvelles de Greg Egan, auteur d’Isolation, Diaspora ou La cité des permutants, paru en 2009 au Bélial et réédité avec une couverture énigmatique de Nicolas Fructus. Egan, auteur mystérieux, s’est fait connaître en livrant des histoires ancrées dans la Hard science et la physique quantique. Ce recueil montre aussi qu’il a plusieurs cordes à son arc.

Fictions quantiques

On peut citer dans cette veine Gardes-frontières où se livre partie de football quantique entre des humains qui vivent plusieurs milliers d’années… avec Les entiers sombres, on découvre la suite de Radieux où deux univers étaient entrés en contact. Ici, ils entrent en conflit dix ans après, un conflit qui sera réglé de façon étonnante. Poussière est une nouvelle qu’Egan a ensuite reprise pour écrire La Cité des Permutants. Egan nous plonge là dans un univers virtuel qui devient réel, vertigineux. Dans Oracle, Robert Stoney, mathématicien génial (et inspiré par Alan Turing), est en prison, en partie à cause de son homosexualité, obligé de travailler pour les services secrets anglais. Helen, une machine venue du futur, le libère et lui révèle des progrès scientifiques afin de changer la ligne temporelle où ils se retrouvent. Mais il y a bien d’autres lignes temporelles. Et Stoney devient presque une figure satanique aux yeux d’un de ses collègues croyants. Ici, sur une trame où Egan joue avec l’idée de multivers, notre auteur montre aussi qu’il sait écrire des histoires très fortes et même touchantes. Dans Singleton, un couple de chercheurs en mal d’enfant construit un ordinateur quantique et l’incarne dans une enveloppe physique. Du Egan pur, féru de ce type d’histoires. Bis repetita avec Les tapis de Wang où une communauté de clones numériques unis par une forme de conscience collective explore l’espace. Et l’un d’entre eux, Paolo, découvre une forme de vie microscopique sur la planète Orphée, les tapis, qui rappellent les théories du mathématicien du XXe siècle Wang.

Des histoires plus classiques, plus humanistes

Greg Egan s’intéresse aussi à d’autres formes de science-fiction. Dans Mortelles ritournelles, un homme manque de perdre la raison à cause de la musique commerciale. Après deux semaines de coma, il se réveille. Une opération sur certains nerfs auditifs l’a sauvé mais il ne peut plus apprécier la musique. L’histoire du Réserviste se base sur les greffes d'organes de clones cultivés à cet effet, au cortex atrophié, ce qui donne des êtres moins évolués qu'un mammifère afin de ne pas contrevenir aux lois éthiques ; ce sujet classique est doublé avec celui de la transplantation du cerveau et des difficultés d'appropriation d'un corps qui n'a jamais bougé, regardé, parlé. Fidélité est une fiction courte et glaçante: par amour pour sa femme Lisa, qui a mal vécu ses deux précédents mariages, un homme accepte de se faire poser un implant, Verrou, pour rester amoureux d’elle. Elle fait de même… Océanique nous emmène à la découverte d’une nouvelle humanité qui vit, modifiée, sur une autre planète, une partie de la population vivant immergée dans la religion. Mais un homme a des doutes de plus en plus croissants.

Et même des histoires engagées

Egan s’intéresse à l’homme et à la façon de faire société, on l’a vu avec Océanique. Dans Yeyuka, il nous immerge dans un futur proche ou le cancer a été éradiqué grâce à la pose d’un anneau conçu par Médigarde. Un chirurgien un peu désœuvré part pour une mission humanitaire en Afrique où une épidémie d’un virus nouveau, le Yeyuka, fait rage. L’épidémie pourrait être éradiqué mais l’hôpital n’a pas accès à la licence de Médigarde…  Dans Le continent perdu, un jeune homme originaire du Khurossan, pays ressemblant à l’Afghanistan, est projeté dans un monde où des militaires le traitent, comme d'autres, avec une cruelle indifférence et l’enferment dans un camp, jusqu’au moment où des activistes se battent pour le faire libérer.

Terminons avec Lama : il s’agit d’un implant permettant de formaliser toutes les émotions. La poète Grace Sharp en était pourvue et meurt d’une crise cardiaque. Le lama en est-il responsable ? Une détective enquête et va découvrir bien des choses. Si beaucoup de lecteurs connaissent très bien le penchant d’Egan à écrire des histoires inspirées du transhumanisme et de la physique quantique, ils connaissent moins finalement son penchant humaniste, évident quand on a en tête son roman Zendegi. Cette réédition d’Océanique montre en tout cas un auteur qui a, répétons-le, beaucoup de cordes à son arc. Et qu’on aime suivre.

 

Sylvain Bonnet

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