J'ai été très étonnée de ne pas trouver de fil sur ce livre (uniquement sur sa couverture...). Du coup, j'espère que je ne l'ai pas loupé dans les recherches.
Donc, j'ai lu cette Course au Paradis qui fait parler d'elle pour sa critique de l'écologisme ET du féminisme (si on en croit le bandeau). Ouaich... Je cherche encore où peut bien se cacher la critique du féminisme là-dedans (voire les problématiques féministes tout court)...
Nous sommes donc en présence ici d'un récit construit en deux temps. Premier temps: un groupe d'écolos activistes dirigé par le Docteur Barbara Rafferty décide de défendre les albatros d'une île sur laquelle les Français veulent procéder à des essais nucléaires (méchants français!). Cela dégénère et donne la seconde partie où les écolos décident d'occuper l'île et vont, toujours sous les ordres du Docteur, créer une petite communauté qui se révèlera bientôt vouloir préserver autre chose que les oiseaux...
Ce livre raconte la folie d'une femme misandre, voire misanthrope. On y critique un peu cet écologisme activiste qui va trop loin, mais là n'est pas vraiment le but, qui me semble plutôt être de parler de l'évolution de cette étrange communauté qui va pourrir de l'intérieur. Il est agréable à lire, l'écriture de Ballard m'a semblé étonnamment fluide, surtout quand on la compare au Monde englouti, l'histoire prenante mais un peu facile (les retournements de situations se devinent très facilement)(et très tôt, ce qui est un peu râlant quand l'auteur nous dévoile ce qui se passe réellement comme s'il s'agissait d'une révélation inattendue). Mais les personnages, encore une fois, m'ont sérieusement agacée, entre cette docteur à la folie interpellante mais dont la psychologie est tellement peu développée qu'il est difficile de croire à sa folie et son jeune "beau", adolescent de son état, qui a autant de jugeote qu'un ours qui hiberne et qui n'arrive pas à réfléchir seul.
Mais bon, malgré cela, le livre reste agréable à lire.
Cependant, ce qui m'a gênée n'est pas dans le livre mais dans ce qui est annoncé par le bandeau et repris jusqu'à plus soif dans les critiques plus "officielles": "Quand Ballard célèbre les noces sanglantes de l'écologie et du féminisme". Apparemment, La Course au Paradis serait aussi une critique du féminisme...
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Ah bon? Et où aborde-t-on le sujet du féminisme dans le livre? J'ai parcouru cette histoire un crayon à la main, vu que j'avais envie au départ de lire le livre pour voir ce qu'il en était de Ballard et du féminisme. J'ai noté tous les passages où l'on aborde la question des femmes, des hommes, de leur rapport, les piques, tous ces trucs. A part une boutade du personnage principale qui dit à un moment donné:Pas exactement. Dans le mariage, ce sont les femmes qui font le travail et les hommes qui se la coulent douce: on appelle ça aller au bureau., jamais il n'est fait directement ou indirectement référence au féminisme.
Oui, on a des personnages misandres. Plein, plein plein. Mais depuis quand la misandrie et le féminisme sont pareils? Je suis désolée, mais ici, les personnages misandres ne parlent pas d'une haine provoquée par une oppression des hommes, par leur comportement, par une quelconque préoccupation féministe même qui, je le rappelle, est un mouvement EGALITARISTE, par définition, vu qu'il réclame l'égalité de droits entre les hommes et les femmes, la valorisation du rôle de la femme dans la société et l'amélioration de ses conditions de vie. Point barre. Dès lors, quand des femmes n'aiment pas les hommes sans que leur haine ne soit provoquée par une des oppressions masculines (vu que l'auteur n'apporte aucune motivation à cette haine, si ce n'est éventuellement une explication biologique, donc complètement misandre, rien à voir avec une revendication féministe), pourquoi l'éditeur et les critiques rattachent d'office cette misandrie au féminisme?
Une personne avisée m'a dit que c'est parce que l'attitude de ces femmes ressemblent aux dérives de certaines féministes extrémistes. Là encore, je dis non. Certaines femmes ont tenu des propos misandres et ridicules. Elles se sont éventuellement rattachées au mouvement féministe pour essayer de donner du crédit aux stupidités qu'elles avançaient. Mais ce n'est pas pour autant que ça en fait des féministes, et que leurs actions deviennent une dérive de ce mouvement qui ne parle à aucun moment de la supériorité d'un sexe sur l'autre, au contraire vu que la base de son propos, c'est justement de réclamer l'égalité de traitement des deux sexes... Ce n'est pas parce qu'un jour, alors que je n'ai jamais lu de SF, je vais me mettre à tenir des propos sur les livres du genre, me proclamant spécialiste en SF, que ce que je vais dire aura du crédit et pourra être considéré comme étant un discours appartenant au monde de la SF. Dès lors, pourquoi s'empresse-t-on de si vite assimiler deux choses qui n'ont rien à voir comme le féminisme et la misandrie? N'est-ce pas le signe que le féminisme n'est plus perçu comme ce qu'il est réellement mais comme ceux qui ont essayé de le saper ont voulu nous le présenter?
Je dois dire connaître très peu de Français à savoir que le féminisme est un mouvement égalitariste, la plupart d'entre eux m'ayant déjà dit à un moment ou à un autre que, quand même, il y avait plein de féministes qui exagéraient et que le mouvement était devenu trop violent. Mais vous n'entendrez pas ce genre de réflexions en Belgique où l'on n'assimile pas les misandres aux féministes...
Dès lors, j'ai l'impression que les discours tenus par les critiques et autres autour de ce livre cristallisent bien le problème actuel du féminisme: il n'est plus considéré pour ce qu'il est mais pour ce que ses détracteurs le prétendent être. Et c'est ainsi que l'on perd peu à peu les quelques avancées que les générations précédentes ont réussi à obtenir...
Tout ça pour dire que j'essaie encore de trouver où, dans ce roman de Ballard, peut bien se trouver la critique du féminisme et où il est même question de féminisme, au départ... Ou alors, dès qu'une femme tiendra des propos mauvais voire misandres sur un homme, il s'agira d'une dérive du féminisme? Eh bien, on n'est pas sortis de l'auberge alors...
Ma critique plus détaillée (si si, elle est encore plus longue)
ici.
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Cachou