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Patrick, on est un peu surpris de te découvrir tout à coup l'auteur d'un roman de plus de 700.000 signes, qui plus est de SF. Tu nous avais plutôt habitués à des nouvelles relevant du fantastique. Que s'est-il passé ? J'imagine que cette écriture a pris un certain temps... En fait, j’ai commencé par écrire des nouvelles, après avoir lu Matheson principalement. Je n’imaginais pas à l’époque pouvoir accoucher… un jour d’un roman. Pourquoi ? Sans doute parce que les textes courts me correspondaient mieux. En général, la nouvelle se veut incisive, joue davantage sur des idées choc et sur la chute, mais elle ne nécessite pas un développement conséquent. D’autre part, je ne suis pas un acharné de l’écriture. C’est un exercice extrêmement difficile à mes yeux que d’écrire, ce qui demande un travail quotidien, une perpétuelle remise en question, une relecture assidue, critique, et, en ce qui concerne le roman, ça l’est peut-être davantage — enfin, à mes yeux. J’admire et j’envie les écrivains qui publient un ou deux ouvrages dans l’année… Pour répondre à ta question, je pense que si je n’ai autrefois écrit que des nouvelles, c’était simplement parce que je ne me sentais pas capable de me lancer dans l’écriture d’un pavé. Ce fut un véritable challenge pour moi que de m’atteler à l’écriture d’un roman aussi épais qu’Hydriss. Je l’ai abandonné une première fois, après une quarantaine de pages puis repris, puis abandonné à nouveau. À l’origine, ce n’était qu’une novella dont l’histoire se réduisait à donner corps à une ou deux idées. Mais je n’ai cessé d’ajouter de nouveaux ingrédients, et de nouvelles ouvertures se sont offertes, le plus souvent problématiques, de nouveaux personnages ont fait leur apparition, ce qui m’a donné l’envie d’étoffer le texte embryonnaire, et peu à peu j’y ai pris goût. J’ai eu l’impression alors de produire quelque chose de différent que par le passé, de vivre aux côtés de mes personnages, et c’est comme ça, tout bêtement, que j’ai écrit Hydriss. De quoi es-tu parti ? Je ne suis pas parti avec l’idée d’écrire un roman, mais je me suis rendu très vite compte que cela en prenait le chemin. Finalement, que l’on écrive des nouvelles, des textes très courts, des novellaes ou des romans, le plus souvent, on ne décide pas à l’avance, (en ce qui me concerne du moins) de la longueur du texte, du nombre de signes. Dans le cas d’Hydriss, la nécessité de développer l’intrigue, de créer un monde, s’est imposée à mesure que j’esquissais et rédigeais les premiers jets. Et j’avoue que cela n’a pas été simple ! Car dans les textes courts, en principe, je ne fais pas de plan, c’est l’idée qui me porte. Mais là, j’ai pris conscience du travail et de l’acharnement que requiert l’écriture d’un roman. Pour Hydriss, je suis parti de l’idée d’une conscience autonome, d’une extension de la mémoire, d’une entité non pas extra-terrestre, mais d’un artifice purement humain, finalement d’une sorte d’intelligence planétaire virtuelle invisible. C’est là, bien sûr, que tout a commencé... |