Jaworski et les peintres dans Gagner la Guerre

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Jean-Philippe Jaworski est l'invité du site Forge Songes. Il revient sur ses influences au niveau de la peinture dans son roman Gagner La Guerre.

"FS : Pour continuer à parler des sources, tu cites trois grands peintres ciudaliens contemporains du récit. Il s’agit du Macromuopo qui entretient des liens particuliers avec Benvenuto, de Fra Albinello, et du Pugapingi. Visiblement, ils sont issus de modèles historiques, ou du moins s’inscrivent-ils dans les courants artistiques et idéologiques d’une époque précise. Peux-tu nous en dire plus sur eux ?
Jean-Philippe Jaworski : Le Macromuopo est inspiré de plusieurs peintres : du Titien, d’abord, parce que c’est un portraitiste de princes, et parce qu’il incarne une forme d’achèvement dans l’art figuratif. De Rembrandt, surtout, parce qu’il en a le physique trapu et la sensualité ; parce qu’il a le goût pour l’autoportrait et les clairs obscurs ; parce que la description de l’intérieur de sa demeure (escalier en colimaçon, cuisine, atelier), est inspirée de toiles ou de dessins comme Le philosophe en méditation ou L’atelier de Rembrandt.

Fra Albinello possède un nom inspiré de Fra Angelico, mais son art en est très éloigné. Benvenuto le précise : Albinello est un peintre étranger, récemment arrivé à Ciudalia, et assez mystérieux. C’est le seul des trois peintres qu’on ne voit jamais apparaître dans le roman, même si son projet de fresque est sans doute celui qui cerne le mieux l’âme de la République. Physiquement, je vois Albinello comme Albrecht Dürer dans l’autoportrait splendide, quasiment christique, réalisé en 1500. Pour ce qui est de son style, il se rapprocherait plutôt de celui de Jan Van Eyck : la perspective urbaine présente dans sa fresque a été plus ou moins consciemment inspirée par La vierge du chancelier Rolin ; les petits carreaux des fenêtres qui revêtent une telle importance dans le projet pictural d’Albinello sont présents dans la plupart des toiles de Van Eyck ; les jeux sur la perspective, les personnages cachés m’ont été inspirés par le miroir à l’arrière-plan des Époux Arnolfini. Ceci dit, la construction symbolique de l’image a aussi été plus ou moins influencée par les scènes d’intérieur du Miracle de l’Hostie, de Paolo Uccello.

Quant au Pugapingi, son personnage est celui d’un rapin vieillissant et licencieux qui n’a pas de modèle historique ; en revanche, son art est très nettement inspiré de la peinture de Michel-Ange, et préfigure l’arrivée du maniérisme à Ciudalia."
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