Sand a écrit :C'est-à-dire qu'une hypothèse ne permet pas de trouver des preuves... Elle doit être testée et prouvée.
C'est peut-être jouer sur les mots. La formulation de l'hypothèse permet de savoir quel type de preuves on cherche.
Si on me dit : ton hypothèse n'est recevable que si tu apportes un document disant texto : "la métaphysique est bannie de la norme littéraire pour cause de ridicule ; la sf comprenant un certain nombre d'éléments métaphysiques, elle en est bannie aussi pour la même raison", non seulement on m'adresse un réquisit impossible mais on se trompe sur la nature du travail critique. Si un tel texte existait, on n'aurait pas à faire d'hypothèse. On n'aurait qu'à embaucher un détective privé.
C'est en ce sens que je dis que l'hypothèse permet de trouver les preuves (permet de savoir quel type de preuves il faut chercher).
On a eu la phase 1 : l'observation d'une corrélation
qui permet la phase 2 : la formulation d'une hypothèse sur un lien de cause à effet
qui appelle la phase 3 : la construction d'un test pour vérifier la validité de l'hypothèse
Là, le test idéal tel que je l'imagine, c'est d'écrire le même livre de SF, dans deux versions, une avec métaphysique et une sans métaphysique, de le publier dans deux Frances, et de comparer.
Je crois qu'il y a d'autres moyens de vérifier l'hypothèse qu'un tel effort. L'analyse des réactions de rejet, quand elles sont disponibles, finira bien par être significative de quelque chose ; elle l'est partiellement déjà et on n'a accumulé que très peu de matériel pour l'instant.
Mais pour rester dans le cadre de ton test idéal, il n'y a pas forcément besoin
d'écrire deux livres (c'est bien une idée de lecteur, ça). Toute la SF n'émet pas le maudit "brouillard métaphysique". Je crois que j'ai souligné ça il y a un certain temps déjà : les textes sf qui ont été légitimés me semblent plutôt moins métaphysiques que les autres, en général. (Je veux dire : moins riche en merveilles, en objets métaphysiques réifiés).
Evidemment, quand la légitimation porte sur des œuvres parues hors collection spécialisées, le débat est faussé : comment faire la part, dans le processus de légitimation, de l'absence de métaphysique et de l'absence de label ? Le procès en dissolution qu'on entend si souvent à propos de Ravage, ou de Malevil : "ce n'est pas de la science-fiction" signifie-t-il en fait (confusément) "il n'y a pas dans ces livres les trucs métaphysiques étranges de la sf" ou (tout simplement) : "ce n'est pas paru sous l'étiquette et je l'ai donc lu comme tout le reste de la littérature" ?
Voilà un problème très difficile à résoudre.
Une autre stratégie de vérification pourrait porter sur les livres parus sous le label et légitimés – car là, le problème de l'étiquette serait résolu d'entrée. On a plusieurs fois cité l'exemple des
Chroniques martiennes. Y en a-t-il d'autres ? Attention : je ne parle pas de succès commerciaux mais de succès critiques et même – fait décisif, éventuellement – de l'apparition de la formule familière "c'est vraiment bon, ce n'est pas de la sf, c'est de la littérature à part entière".
Si les textes qui ont fait l'objet de cette légitimation se révèlent, à l'analyse, plutôt moins métaphysiques que les autres (moins prodigue en objets métaphysiques réifiés), on pourra se dire que l'hypothèse est partiellement vérifiée.