Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mer. févr. 03, 2010 10:39 am

À ce stade de la confusion, peut-être ce livre apportera-t-il quelque lumière.

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Enfin, moi, ce que j'en dis…
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MF
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Message par MF » mer. févr. 03, 2010 10:41 am

Lem a écrit :
MF a écrit :Conduire quelqu'un à se séparer de son référentiel, de ce qui lui donne une identité y compris sociale, impose de lui apporter un référentiel de substitution.
Qui soit aussi, non, plus solide. Qui puisse prendre la place du précédent. En assurant cohérence, continuité : la compatibilité ascendante.
Allons… Il ne s'agit que d'apprendre à varier les points de vue pour lire un certain type d'œuvres. Rien de dramatique.
Qui parle de "drame" ?
Mais tu n'aurais donc pas l'ambition de réussir ?

Tu parles d'agir sur le prescripteur littéraire
Lem a écrit :Je pars de son référentiel – la métaphore – pour lui expliquer qu'il doit s'en séparer...
Tu prétends l'éduquer
Lem a écrit :Il ne s'agit que d'apprendre à varier les points de vue pour lire un certain type d'œuvres.
car tu sous-entends bien "Il ne s'agit que de lui apprendre à varier ses points de vue pour lire un certain type d'œuvres"

Et c'est là que tu vas commencer à te heurter au principe de réalité. La seule conviction sera-t-elle suffisante ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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MF
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Message par MF » mer. févr. 03, 2010 10:51 am

Lem a écrit :Et pour reconnecter avec la discussion sur le statut différentiel de la métaphore dans la littérature et la SF, un critique généraliste saura parfaitement quoi faire, dans un roman, d'une phrase comme "un téléscope est une machine à remonter le temps" ou "la littérature, c'est de la télépathie".
C'est sans doute parce que tu assimiles métaphore et analogie d'un coté (littéraire) et astronomie et cosmologie de l'autre (science).
En astronomie, un télescope est une machine à voir loin dans l'espace.
En cosmologie, un télescope est une machine à voir loin dans le temps.

En cosmologie, c'est du sens propre et pas figuré.

Et je doute qu'un critique généraliste ignorant de cette distinction sache quoi faire de la phrase en question.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mer. févr. 03, 2010 10:55 am

MF a écrit :En cosmologie, c'est du sens propre et pas figuré.
Merci, MF.
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Message par Lem » mer. févr. 03, 2010 11:04 am

MF a écrit :Qui parle de "drame" ?
Ta reformulation en terme de "référentiel source d'identité, y compris sociale" semblait suggérer un processus angoissant, presque traumatisant. Peut-être est-ce le cas, en effet ? Après tout, la SF a toujours suscité des réactions violentes. Je voulais juste rappeler de mon côté que le but est joyeux, qu'il s'agit d'élargir ce qu'on appelle ordinairement la littérature. Ce n'est pas facile mais nul ne sera mis en demeure de renoncer à son identité sociale pour y parvenir. Ce dont on parle, somme toute, c'est d'une modulation supplémentaire de la suspension de l'incrédulité.
Tu parles d'agir sur le prescripteur littéraire (…) car tu sous-entends bien "Il ne s'agit que de lui apprendre à varier ses points de vue pour lire un certain type d'œuvres"Et c'est là que tu vas commencer à te heurter au principe de réalité. La seule conviction sera-t-elle suffisante ?
Il s'agit bien d'agir sur le prescripteur. Je me heurterai, comme tous ceux qui ont essayé un jour de plaider pour la SF, au principe de réalité. Il faut de la conviction mais elle n'est pas suffisante ; j'y ajoute quelques cartouches historiques, philosophiques, théoriques, poétiques – bref : culturelles – qui n'ont pas été tirées jusqu'ici. On verra bien ce que ça donne. Comme je l'ai dit, sur ce sujet, je suis darwinien. A plusieurs égards, le moment semble assez propice mais je peux me tromper… Encore une fois, on verra.

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Message par MF » mer. févr. 03, 2010 11:30 am

Lem a écrit :A plusieurs égards, le moment semble assez propice mais je peux me tromper…
Je crois aussi que le moment est propice.
La confusion -temporaire- qui règne dans l'espace édition/diffusion peut aider.
Mais il me semble qu'il faut blinder les aspects scientifiques (même si tu ne les considères pas comme prééminents) car les prescripteurs scientifiques sont, amha, des alliés objectifs du moment.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Erion
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Message par Erion » mer. févr. 03, 2010 11:50 am

Mouais, je viens de finir "Vision aveugle" de Peter Watts, sans doute l'un des tous meilleurs romans SF de l'année, voire un peu au-delà. Je défie n'importe quel critique mainstream de dépasser les 30 ou 40 premières pages. Et même après, faut accepter de ne pas comprendre pas mal de notions qui passent sous le nez (parce que l'essentiel est ailleurs).
C'est un roman qui montre vraiment ce qu'est un "lecteur de SF aguerri". Et là, c'est pas les métaphores réifiées qui posent problème, mais bien ce qui n'est PAS métaphorique (puisqu'on parle de théories sur l'intelligence et la conscience, les ET sont pas le centre de l'histoire).
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Lem

Message par Lem » mer. févr. 03, 2010 11:55 am

MF a écrit :En cosmologie, c'est du sens propre et pas figuré.
Pas même. En cosmologie, une description objective du téléscope serait : dispositif permettant de récupérer de l'information sur des états anciens de l'espace-temps (car à moins que je ne confonde tout, je crois bien que les deux sont indissociables).
Tu ne peux pas faire comme si "machine à remonter le temps" n'avait pas de contenu préalable ni de charge poétique. Tout le monde sait que cette expression vient de la SF. Même dans le contexte cosmologique, sa fonction est métaphorique. Fais l'expérience de pensée ou pose la question autour de toi : "si je vous dis machine à remonter le temps, ça vous évoque quoi ?" Je pense qu'on te répondra à peu près unanimement "SF", éventuellement "Wells" et très peu "téléscope". Même chez les scientifiques.

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dracosolis
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Message par dracosolis » mer. févr. 03, 2010 12:04 pm

Roland C. Wagner a écrit :À ce stade de la confusion, peut-être ce livre apportera-t-il quelque lumière.

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Enfin, moi, ce que j'en dis…
ça c'est vache... 8)
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Message par Lem » mer. févr. 03, 2010 12:24 pm

Erion a écrit :"Vision aveugle"
Tiens ! Un quasi oxymore.
Je défie n'importe quel critique mainstream de dépasser les 30 ou 40 premières pages. Et même après, faut accepter de ne pas comprendre pas mal de notions qui passent sous le nez (parce que l'essentiel est ailleurs).
Probablement.
Mais est-ce si important ?
Personne n'espère transformer la population des critiques en spécialistes de la SF de pointe, Le but est d'établir la légitimité culturelle en général, et littéraire en particulier, de la science-fiction. L'analyse du statut de la métaphore n'est, comme je l'ai dit plus tôt à MF, qu'un point de départ ; un moyen de désarrimer l'horizon d'attente mainstream de ses conceptions habituelles pour lui permettre de lire comme c'est écrit. Ensuite, à chacun de se faire une opinion. "On est des grandes filles et des grands garçons."
Par ailleurs, je remarque sur le Watts des opinions contradictoires parmi les fans de pointe. Beaucoup ont aimé, mais pas tous. Ce n'est pas parce que c'est pointu que c'est forcément bon, ni même intéressant.
Enfin, sur la sophistication formelle, conceptuelle voire théorique : quiconque lit Danielewski (La maison des feuilles), Pynchon (Contre-jour), Vollmann (Central Europe), pour ne prendre que des exemples récents, sait que la Générale de Littérature possède l'équipement adéquat. Qu'elle apprenne à en élargir l'usage, tel est le but.

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Erion
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Message par Erion » mer. févr. 03, 2010 12:48 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :"Vision aveugle"
Tiens ! Un quasi oxymore.
Sauf que c'est un concept médical. Ce n'est pas une métaphore.
Personne n'espère transformer la population des critiques en spécialistes de la SF de pointe, Le but est d'établir la légitimité culturelle en général, et littéraire en particulier,
Sauf que si pour faire ça, faut éliminer du champs des critiques, les meilleures oeuvres de SF, je vois pas ce qu'on y gagne. Et non, ce n'est pas la même chose que Pynchon ou Danielewski. Le mécanisme qui est à l'oeuvre n'a rien à voir. Dans le Watts, ce qu'on ne comprend pas (les termes techniques) n'est tout simplement pas important, mais c'est ce qui crée l'effet de réel, en revanche, ce qu'on doit comprendre est bien développé et bien expliqué.
C'est un mécanisme très classique (et qu'on trouve dans les romans de Egan), et qui n'appartient pas au registre de la littérature générale. Si Pynchon est obscur, c'est pas pour créer un effet de réel, pour RENFORCER le réel, c'est autre chose. Chez Watts, comme chez Egan, ces éléments sont pas là, juste pour faire joli (et si on veut approfondir, on peut se rendre compte qu'ils ne sont pas au hasard, ils correspondent à quelque chose), mais pour un lecteur de SF qui n'a pas une culture scientifique étendue, beaucoup de choses passent à la trappe.
C'est une chose courante en SF, le lecteur expert sait faire le tri dans le flot d'informations, alors que ce n'est pas du tout courant en littérature générale (Pynchon ou Danielewski sont des exceptions, pas la règle).
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Message par Lem » mer. févr. 03, 2010 12:54 pm

Erion a écrit :C'est une chose courante en SF, le lecteur expert sait faire le tri…
Erion, je sais tout ça, je t'assure.
Sauf que si pour faire ça, faut éliminer du champs des critiques, les meilleures oeuvres de SF, je vois pas ce qu'on y gagne.
Que puis-je dire à part l'insupportable "j'enregistre que tu n'y crois pas, ce n'est pas grave" ?

Giangi
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Message par Giangi » mer. févr. 03, 2010 12:57 pm

Lem a écrit :Tu ne peux pas faire comme si "machine à remonter le temps" n'avait pas de contenu préalable ni de charge poétique. Tout le monde sait que cette expression vient de la SF.
Je ne fais pas comme si : évidemment qu'il y a là contenu préalable et charge poétique, ainsi qu'évocation de la SF, mais qu'est-ce que ça change ?
Lem a écrit :Même dans le contexte cosmologique, sa fonction est métaphorique.
Non, même si elle n'est pas définitoire (on ne trouve effectivement pas ce sens dans le dictionnaire, ce qui ne veut pas dire grand chose) elle est parfaitement fonctionnelle, et pas au sens figuré, encore moins au sens métaphorique.
Un télescope permet réellement de voir ce qu'était le Soleil il y a 8 minutes et Proxima du Centaure il y a 4 ans.
Lem a écrit :Fais l'expérience de pensée ou pose la question autour de toi : "si je vous dis machine à remonter le temps, ça vous évoque quoi ?" Je pense qu'on te répondra à peu près unanimement "SF", éventuellement "Wells" et très peu "téléscope". Même chez les scientifiques.
Pas étonnant vu le niveau moyen de la culture scientifique... Et puis cela prouve bien que ça ne fonctionne même pas comme une métaphore...
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Erion
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Message par Erion » mer. févr. 03, 2010 1:17 pm

Lem a écrit : Que puis-je dire à part l'insupportable "j'enregistre que tu n'y crois pas, ce n'est pas grave" ?
Renoncer à vouloir la reconnaissance et la légitimité littéraire. Y'a 10 ans, dans la préface à Escales, tu avais déjà écrit que la reconnaissance et la légitimité étaient acquises et que ce n'était plus un problème. Et ha ben 10 ans plus tard, zou, le problème revient.

Le jour où dans un grand quotidien, on fera de grands papiers sur Van Vogt, E.E. Doc Smith, sur du space op avec des poulpes qui parlent et des robots, alors ok, la reconnaissance sera faite. Tout le reste, c'est de l'illusion (et pas comique).

Désolé de parler de ma boutique, encore une fois, mais pendant des années, quand les zélites parlaient manga, c'était pour parler de Miyazaki et Taniguchi ("tellement mieux que la merde commerciale déversée par les éditeurs français"). Outre que ça témoignait d'une grosse méconnaissance vis àvis de Taniguchi (dont l'oeuvre est très variée), c'était une manière d'exclure encore plus le manga, plutôt que le reconnaître. Jusqu'au jour où le spécialiste BD de Libé a fait un papier analysant la symbolique sexuelle dans... Fruits Basket (un classique du shôjo moderne). Les fans du manga ont gueulé, ont trouvé l'article ridicule, mais pour moi, c'était une vraie reconnaissance, parce qu'on traitait sérieusement des séries populaires, le coeur du genre, et pas les bordures.

Alors, mon avis dans tout ça, c'est que la reconnaissance, elle ne doit pas être recherchée (c'est mon tempérament bouddhiste zen, ça), il faut d'abord avoir des lecteurs, d'abord avoir du succès, et la reconnaissance des médias vient naturellement (le premier invité de Taddéi, ce fut Werber, et Loevenbruck a été interviewé par le même Taddéi y'a 4 ou 6 mois). C'est le boulot des attachés de presse, des éditeurs, mais au-delà, c'est peine perdue. Ou alors, c'est qu'on veut mettre en avant un certain type de SF, au détriment d'autres types de SF.
Tu as le droit de vouloir ne vendre auprès des prescripteurs qu'une partie de la production SF qui te plaît et t'intéresse, mais ne parle pas de vouloir défendre la SF dans sa globalité. Ce n'est pas honnête.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Lem » mer. févr. 03, 2010 1:23 pm

Giangi a écrit :évidemment qu'il y a là contenu préalable et charge poétique, ainsi qu'évocation de la SF, mais qu'est-ce que ça change ?
Si j'écris "Gilles de Rais était un tueur en série", c'est un fait.

Si j'écris "Gilles de Rais était un ogre", c'est une métaphore.

On peut répéter "non, un ogre, c'est bel et bien quelqu'un qui capture, tue, rôtit et dévore des enfants ; c'est ce que faisait Gilles de Rais donc c'était bien un ogre" mais la phrase reste métaphorique, non factuelle. Parce que la fonction du mot "ogre" est de mobiliser un certain imaginaire, d'orienter la perception, de créer par déplacement un effet de sens qui n'est pas compris dans l'expression factuelle "tueur en série".

C'est la même chose quand on écrit qu'un téléscope est une machine à remonter le temps. On quitte le factuel pour mobiliser des images, enrichir la perception, créer du sens. Par exemple, derrière l'idée de "remonter le temps", il y a l'image du temps comme voie-sur-laquelle-on-peut-circuler (voire du temps comme écoulement, comme fleuve). Cette image n'a pas grand-chose à voir avec la cosmologie. L'utiliser dans ce cadre, ce n'est pas rendre compte d'un fait mais attirer l'attention sur un aspect inattendu, étrange et, pour tout dire "science-fictif", du téléscope à l'ère de la cosmologie. Parce que "voir des états passés de l'univers", ce n'est pas la même chose que "remonter le temps".En termes clairs : c'est moins bandant. D'où le recours à la charge poétique.

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