Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. févr. 04, 2010 8:26 pm

jeandive a écrit :
Lem a écrit :
GK a écrit :C'est dans Weird Tales que Lovecraft, Kuttner, Bradnury et bien d'autres ont publié.
C'est même là qu'Ed Hamilton a inventé le space-opera ! How weird….
euh , c'est pas un peu rapide comme affirmation ? Ce serait quoi la définition de "space opera" ? y a-t-il du proto-space opéra ? Comme dit sur un autre fil http://www.actusf.com/forum/viewtopic.php?t=8918 , nicholls parle de space opera pour " luftpirat und sein lenkbares luftschiff " ( 1908) , et n'y aurait-il pas ds les dime novels et les 1er pulps ( thrill , argosy etc ) des textes meritant le terme ?
Non, la remarque de Lem me semble très juste. C'est justement la spécificité des textes de Hamilton qui les a fait remarquer.
Le roman allemand, c'est, entre autre, un périple dans le système solaire, guère plus "space opera" que les aventures d'un savant russe de Le Faure & Graffigny (1888-1896). Avec un sorte de capitaine Nemo (anti-anglais) qui s'appelle Capitän Mors…
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MF
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Message par MF » jeu. févr. 04, 2010 8:52 pm

Lem a écrit :Le rêve partagé de notre époque, celui d’un autre monde qui soit le nôtre, peut en effet y devenir la matière même de la narration, via l’opération de concrétisation de la métaphore qui caractérise le genre: prise de drogue ou modifications neurologiques chez Egan...
Moi je veux bien que l'on rêve des mondes d'Egan ; mais je ne suis pas certain que cela soit partagé.

Quand à connaître la métaphore qui correspondrait à l'abstraction qu'est un mod ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » jeu. févr. 04, 2010 11:06 pm

MF a écrit :
Lem a écrit :Le rêve partagé de notre époque, celui d’un autre monde qui soit le nôtre, peut en effet y devenir la matière même de la narration, via l’opération de concrétisation de la métaphore qui caractérise le genre: prise de drogue ou modifications neurologiques chez Egan...
Moi je veux bien que l'on rêve des mondes d'Egan ; mais je ne suis pas certain que cela soit partagé.

Quand à connaître la métaphore qui correspondrait à l'abstraction qu'est un mod ?
Pour Greg Egan et les drogues, lire Stups & Fictions de François Rouiller, surtout le dernier chapitre.

Un livre indispensable à l'amateur.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » ven. févr. 05, 2010 1:16 am

Finalement, je retiens de ce fil que le plus grand admirateur de Serge Lehman et son lecteur le plus attentif, voire le plus attentionné, c'est Roland. C. Wagner.
Mon immortalité est provisoire.

Lem

Message par Lem » ven. févr. 05, 2010 2:21 am

Lensman a écrit :
Lem a écrit :Et ceci, extrait du sommaire du colloque "Peut-on encore rêver la SF aujourd'hui ?" prouve au minimum que l'affaire de la métaphore réifiée n'est pas une pure lehmania…
Hum… ça prouve peut-être simplement qu'elle t'a lu (ce qui est agréable)
Je n'y avais même pas pensé. Mais oui, pourquoi pas ? J'ai fait une conférence là-dessus à l'ENS il y a quelques années et AB y assistait.
De toute façon, cette idée circule depuis assez longtemps sous une forme ou sous une autre. Le premier avec qui j'en ai parlé, c'est Dardinier dans les années 90 (il avait une théorie sur "l'interprétation littérale" avec Niourk comme cas d'espèce, je me souviens vaguement). Et je sais qu'il y a un texte d'Orson Scott Card sur le même sujet ; j'essaierai de le retrouver si j'ai le temps.
Si d'autres y trouvent leur compte, ma foi, pourquoi pas, Et Il y a un côté poétique dans la litanie des formules qui peut avoir un certain charme…
Que demande le peuple ?
jeandive a écrit :
Lem a écrit :
GK a écrit : Weird Tales…
C'est même là qu'Ed Hamilton a inventé le space-opera !
y a-t-il du proto-space opéra ? Comme dit sur un autre fil…
D'après Bleiler à qui on peut faire confiance, "le premier vrai space-opera (…), un E. E. Doc Smith du XIXème siècle" est un roman anglais de Robert W. Cole, intitulé The struggle for empire. A story of the year 2236, paru à Londres en 1900. Tout semble y être (lire la longue fiche que EB lui consacre est carrément un supplice de Tantale ; quelqu'un sait où trouver ce bouquin ici ?). "Une des grandes occasions manquées de l'histoire de la SF, conclut EB. Si ce livre avait été aussi bien diffusé que La guerre des mondes (auquel il est supérieur conceptuellement bien que son exécution soit plus faible), la SF aurait pu se développer une génération plus tôt."
(1900 : mort de Nietzsche, invention de la psychanalyse et du space-op juste après celle de la 'pataphysique. On pouvait difficilement mieux finir le XIXème siècle.)
C'est justement la spécificité des textes de Hamilton qui les a fait remarquer.
Oui. Et d'ailleurs : Hamilton a été le premier auteur dans l'histoire à recevoir un "prix des fans de SF" en 1933. Pour sa nouvelle The Island of Unreason parue dans Wonder Stories. Ce prix, c'était en quelque sorte le proto-Hugo. Et vous savez comment il s'appelait ?
Le Jules-Verne Prize.

Lem

Message par Lem » ven. févr. 05, 2010 2:42 am

Addendum sur Cole trouvé sur le net (pour les ceusses qui n'ont pas le Bleiler) :
The Struggle for Empire
16 March 2009 in 1900s, Books, Periodicals, Space by Brett Holman

I’ve been reading a curious tome by Robert William Cole, called The Struggle for Empire. It’s curious because the empire of the title is the British Empire, or rather the Anglo-Saxon Empire, and the struggle takes place in interstellar space. And because it was published in 1900! It has a good claim to being the first space opera ever written.

The basic plot is as follows. It is the year 2236. The Anglo-Saxon Empire rules, not just the Earth, but the entire Solar System and many stars beyond. Its only rival is Kairet, a planet orbiting Sirius which has a vast empire of its own. The two empires have co-existed uneasily until now, but Sirian settlers on a distant planet called Iosia clash with the Anglo-Saxons who nominally control it. The Anglo-Saxon Empire sees its chance and declares war. It assembles a huge fleet of warships and dispatches it towards Sirius. But deep in interstellar space, it encounters an even bigger Sirian fleet. The Earth forces are shattered, and fall back on the Solar System. Neptune is besieged. A titanic battle at Jupiter leads to the destruction of two of its moons and the scorching of its sky. Anglo-Saxon warships entrenched on the Moon ambush the approaching Sirian fleet, causing severe losses, but cannot prevent the bombardment and destruction of the imperial capital, London. But now an English scientist unveils a new weapon which makes Sirian warships fall from the sky. This decisively alters the course of the war: the Sirian fleet is destroyed, and Earth forces penetrate to Kairet and destroy its capital. The Sirians agree to pay a huge indemnity, and their ships are prohibited from leaving their system. The interstellar war has lasted for five years, and the struggle for empire has turned decisively in favour of the Anglo-Saxons …

A world war early in the 20th century set Britain, Germany and the United States against France, Russia, Austria-Hungary, Turkey and Italy. It was a long and bloody war. Britain was ultimately victorious, ‘but not until some millions of her brave sons had perished on the field of battle’.1 Britain absorbed most of the colonies of its enemies. The French and Turkish ‘races’ dwindle or were absorbed; Russia shrinks to almost nothing. A Federal Union dominated by the Anglo-Saxon peoples (Britain, Germany and the United States) now rules the globe. This is suggestive of Joseph Chamberlain’s calls for an Anglo-Saxon alliance.

The conquest of space was effected by the development of anti-gravity (by means of ‘peculiarly constituted currents of electricity’ through wires wrapped around an object).2 The discovery of new forces — Dynogen, Pralion and Ednogen — provide limitless energy. And an engine which can act on the ether which pervades all space provides the means of propulsion. Pioneers rush to explore and settle the solar system, and now most planets are as populous as the Earth. Eventually bigger ‘interstellar ships’ are built, and the process begins again on an even grander scale:

Dim accounts had been handed down from generation to generation of a certain great man named Napoleon Bonaparte who once nearly conquered the world. Now there were thousands of Bonapartes endowed with colossal intellect, vast energy, and boundless ambition, each burning to wrest for himself a world from the great Unknown. Provinces and countries were not even thought of; they desired to rule over a planet, a system, a universe. There was present everywhere an intense fever for acquisition; men burned with desire to plunder in these new regions. Vast expeditions were fitted out and started off for the regions of space. Many of these were never heard of again, but some came back with wonderful tales of what they had seen and found.

Later it is explained that these expeditions sometimes fought and killed each other, but because their crimes took place in the deepness of space they were never brought to justice. I think Cole is evoking a parallel with the settlement of the American ‘wild west’; at least, I don’t think frontiers in the British Empire were ever that lawless, even in mythology.

Space warfare is very reminiscent of naval warfare, circa 1900. There are battleships, cruisers, destroyers and torpedo boats. Flags wave from their upper decks (at least when in a planetary atmosphere). All have rams, and the bigger ships have anti-torpedo netting. Cannon firing explosive shells seem to be the primary armament (the guns are airtight, though this seems to be more to prevent air escaping the ship than to enable combustion). But there are also new weapons, terrible new superscientific weapons. A force which can destroy the cohesion of matter. Ednogen waves which can kill any humans they touch. A means of interfering with the engines of enemy warships. There are new defences, too: ‘receivers that could annihilate these forces should they impinge upon then’.

The ether of space and a kind of matter that could be made to radiate in elliptical waves were the basis of these terrible forces that were about to be wielded by the two great races for the destruction of one another. However, since neither they nor the interstellar ships had yet been used in actual warfare, the leading authorities expressed considerable doubts as to what would really occur in the heat of a great engagement.

Which was also like contemporary naval warfare — there hadn’t been a great fleet action since 1866 (Lissa), the early days of ironclads.

Cole’s new weapons sometimes have unintended effects. Most spectacularly, the liberal use of Ednogen and other forces at the initial battle in interstellar space creates an enormous vacuum in the ether, which (stretching coincidence somewhat) travels through space to arrive at Jupiter at the same time a Sirian fleet is engaging a smaller Earth force (drawn up into a sphere for defensive purposes). But because of the vacuum, the propellers which normally move the ships through the ether spin uselessly: ‘Every ship lay helpless like a log, moving along under the impulse of the momentum it had already acquired’.6 But worse than that, the vacuum — for some unexplained reason — causes two nearby moons to expand and explode, annihilating both fleets and creating a fiery mass of vapour around Jupiter which kills thousands of civilian settlers. The whole book is like this, a strange mixture of classical, pre-relativistic physics and big-if-not-well-thought-through ideas. There’s no sound in space (presumably ether is too thin for soundwave propagation), and Cole is aware of the need for insulation to control heat. Earth has been terraformed by tilting its axis to make southern England pleasantly subtropical. Wireless telegraphy exists, but only has a range of about 300 million miles. Matter can be detected through the waves it sets up in ether. The speed of light is, of course, not a cosmic speed limit, so ships can just keep accelerating: after 85 days of travel the Anglo-Saxon fleet is a good chunk of the way to Sirius.

One of the big disappointments for me was the astronomy and the exobiology. There’s no sense whatsoever of the alien, the other. All of the planets are blandly Earth-like, where they are described at all. Even Jupiter and Neptune are just other places for humans to settle on, with air and trees and water. That’s somewhat excusable, since it wasn’t yet clear to astronomers just how un-terrestrial the gas giants are. But Cole missed an opportunity to inject some variety and colour into his account. The two moons destroyed at Jupiter aren’t even named; and it would have been interesting to see what the Anglo-Saxons made of Sirius’s white dwarf companion, discovered in 1862. Even more surprising is Cole’s lack of interest in extraterrestrials. As far as I can tell, they are all physically identical to humans. Nothing is described of Kairet’s culture or history or language, aside from a couple of words. Even some of the solar system’s planets have intelligent life on them, but all we are told of these is that ‘the natives were quite harmless’.7 This surprised me, given the huge success of H. G. Wells’ The War of the Worlds only a year or two previously, which featured quite alien aliens. I think the reason for this is that Cole is really interested in the struggle for empire in 1900 AD. The harmless natives and the fertile landscapes are simply part of the backdrop to the imperialist project and great power rivalries, and aren’t of any intrinsic interest.

That raises the question of whether Cole had any specific geopolitical parallels in mind. I don’t think so — aside from the obvious fact that the British Empire rules the stars as well as the sea, surely a cheery prospect for a late-Victorian imperialist. Kairet doesn’t seem like a good match for any of Britain’s rivals at the end of the nineteenth century: its fleet is too powerful to be France, its empire too extensive to be Germany, its methods too colonial to be Russia. In fact, the empire which it matches most closely is the British Empire itself. It’s a mirror image. The war between the Sirians and the Anglo-Saxons doesn’t quite begin like any of Britain’s recent troubles. A clash in some distant outpost of empire is kind of like Fashoda (1898), but that involved official expeditions. Trouble between settlers and outlanders is more like the war against the Boer Republics, which was then in its early days, but they weren’t great powers. I don’t think it’s really worthwhile looking too closely for close parallels: Cole is just taking the idea of generic imperial struggle to its ultimate conclusion. In fact, at some points he almost suggests that it’s not worth the bother — though admittedly that’s when it looks like the Anglo-Saxons are going to be crushed by the Sirians. It’s not quite ‘Recessional’.

I’ve been a bit critical of Coles’ powers of description, and it’s true that he’s no Shakespeare. But he’s better than many writers of his ilk, and can be quite evocative when it comes to space battles. I liked this description of the final defence of Earth:

Hither and thither the flashes and streams of fire darted across the sky, now overhead, now low down on the horizon, but never ceasing for a moment. Not a sound came from the battle area; its progress could only be ascertained by observing the movements of the lines of fire. Sometimes the ships were so crowded together in one spot that the sky was illuminated by a frightful glare; then they would spread out, darting their lights all over the heavens. Soon the refuse of battle began to fall down on to the earth: mangled bodies, burnt wrecks, and clouds of thin hazy smoke. When daylight arrived the ships were invisible, but the horrid rain still fell. Night came on, and the long luminous streaks made by the searchlights and the flashes of white and purple flame from the guns reappeared. Huge battleships came dashing along glowing like meteors, singly, in lines, in columns. These were met by other lines of light, and then the surrounding space scintillated like a fine display of fireworks, and in a few minutes the rain of battle came pouring down on to the terrified spectators.

And, on the subject of gore, note this description of damaged battleships which have returned to Earth for repairs:

Their outsides bore the ghastly traces of the terrible contest. The twisted metalwork was covered with blood, human bodies were lying about in the pierced compartments torn almost to ribbons, and arms, legs, and headless trunks were squashed between bent metal plates and rods, or rammed up between the machinery.

Nice!

I borrowed this book a couple of times while doing my thesis (in the facsimile edition put out by Routledge/Thoemmes Press in 1998, together with The War of the Wenuses and Edison’s Conquest of Mars) but didn’t read it because, well, I had work to do! I wish I had now, because it really does lie within the precursors to the knock-out blow literature I read for research. Not only is London destroyed from the air/space, as noted above, but its inhabitants evacuate the city beforehand and the government (or at least the War Bureaux) moves to a mineshaft for protection from bombardment. And when the Anglo-Saxons return the favour, there’s a hint of the knock-out blow: ‘But the [Sirian] people soon had enough of the slaughter and destruction, which they had no means whatever of preventing, for they had been taken totally unawares, and so the Government sent envoys demanding conditions of surrender’.10 At the very least it would have merited inclusion in a footnote.

Finally, who was Robert Williams Cole, and what impact did he have? The answer to the first question is nobody knows, and to the second, apparently none. None of the standard sources have any information on him, except that he did write three other novels in the following decade, including a more standard Germany-invades-Britain story called The Death Trap (1907). The name could well be a pseudonym. George Locke, in his notes for the Routledge/Thoemmes Press edition, suggests that the publisher of The Struggle for Empire was a vanity press, which anyway didn’t survive long. All I’ve been able to dig up on the internet is that it was mentioned in The Academy, A Weekly Review of Literature and Life of 31 March 1900 (p. 278) as one of the new books received (link). And according to an advertisement in the 5 May edition (p. 378) of the same periodical, the Birmingham Daily Gazette had this to say:

Mr. Cole possesses an unbounded and vigorous imagination, which carries his readers over all obstacles. His story is entertaining.

It’s a shame that he didn’t have enough readers to inspire imitators; it would have been interesting to read more early British space opera by other authors, and to see how they stacked up against some of their modern heirs.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. févr. 05, 2010 6:44 am

Gérard Klein a écrit :Finalement, je retiens de ce fil que le plus grand admirateur de Serge Lehman et son lecteur le plus attentif, voire le plus attentionné, c'est Roland. C. Wagner.
Ben s'il doit nous sortir une théorie révolutionnaire, autant qu'elle tienne debout.

Et puis, je me sens un peu responsable, vu que, sans moi, ce fil n'existerait pas.

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JDB
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Message par JDB » ven. févr. 05, 2010 8:45 am

Lem a écrit :[...]D'après Bleiler à qui on peut faire confiance, "le premier vrai space-opera (…), un E. E. Doc Smith du XIXème siècle" est un roman anglais de Robert W. Cole, intitulé The struggle for empire. A story of the year 2236, paru à Londres en 1900. Tout semble y être (lire la longue fiche que EB lui consacre est carrément un supplice de Tantale ; quelqu'un sait où trouver ce bouquin ici ?). .
A priori, ça semble dur : rien vu sur abebooks ni sur l'ebay anglais, pas d'édition en ligne (cf Internet Archive), deux-trois interviews insistant sur la rareté du bouquin...
Demander à Michel Meurger, peut-être ?
JDB

Lem

Message par Lem » ven. févr. 05, 2010 10:21 am

JDB a écrit :A priori, ça semble dur…
Oui, j'ai vu. Mais le papier anglais posté ci-dessus évoque
the facsimile edition put out by Routledge/Thoemmes Press in 1998, together with The War of the Wenuses and Edison’s Conquest of Mars)
Un des honorables correspondants britanniques de Notre Club pourrait l'avoir. Stableford, par exemple.
A l'occasion.

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Message par Fabien Lyraud » ven. févr. 05, 2010 11:07 am

Et si la SF était plutôt un oxymore réifié ?
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh


Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com

Lem

Message par Lem » ven. févr. 05, 2010 12:05 pm

Une bribe significative d'Orson Scott Card sur le sujet, extraite si mes souvenirs sont bons d'un essai sur l'écriture SF (il doit y avoir plus mais je ne le retrouve pas pour l'instant) :
C’est l’une des grandes différences entre les lecteurs de SF et les autres : quand ils sont confrontés à une image linguistique inhabituelle, les deux groupes se demandent ce que l’auteur essaie de dire. Mais les lecteurs de SF s’attendent à ce que le terme soit interprété de façon littérale, qu’il désigne une partie concrète du monde où se déroule l’histoire. Les lecteurs non-SF, eux, perçoivent le terme comme une pure métaphore, l’expression d’une attitude nouvelle ou d’une redescription d’un élément connu du monde connu. Quand un auteur de SF écrit : “Elle marchait à pas lourds, mécaniques, vers la porte”, il est fort possible que le personnage possède des jambes artificielles, alors que pour l’auteur de littérature générale, ce sera une façon de caractériser sa façon de marcher, rien de plus.

JDB
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Message par JDB » ven. févr. 05, 2010 12:53 pm

Lem a écrit :
JDB a écrit :A priori, ça semble dur…
Oui, j'ai vu. Mais le papier anglais posté ci-dessus évoque
the facsimile edition put out by Routledge/Thoemmes Press in 1998, together with The War of the Wenuses and Edison’s Conquest of Mars)
Un des honorables correspondants britanniques de Notre Club pourrait l'avoir. Stableford, par exemple.
A l'occasion.
Précieuses, ces informations complémentaires !
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Et 100 livres chez amazon.co.uk.
Si ça te tente...
JDB

Lem

Message par Lem » ven. févr. 05, 2010 2:16 pm

Roland C. Wagner a écrit :s'il doit nous sortir une théorie révolutionnaire, autant qu'elle tienne debout.
Bah, tu sais… C'est moins une théorie qu'une tentative de réappropriation. Ça ne tiendra jamais debout comme un vrai discours objectif. Ce sera toujours "un truc de littéraire" comme dit Oncle.

En attendant la conclusion de GK, je colle ici un texte qui date de l'année dernière et que peu de gens ont lu, voire personne. C'est la postface que Bilal m'a demandée pour la réédition de la trilogie Nikopol en omnibus n&b, chez Casterman. On y trouve un peu tout ce dont on a parlé ici. Métaphysique, religion, BD, histoire de la SF française, "retour des humanoïdes" pour faire le lien avec la préface, etc. Ça donnera une idée du cadre interprétatif dans lequel je me place désormais et de la façon dont on peut faire le lien avec le mainstream par des voies inattendues. Pas le moindre reptile siliconé, j'en ai peur – mais est-ce une trahison pour autant ?
(Evidemment, il vaut mieux avoir lu La foire aux immortels.)
L’EMPIRE UCHRONIQUE DE JEAN-FERDINAND CHOUBLANC

Il est d’usage d’appeler MONSTRE l’accord inaccoutumé d’éléments dissonants : le Centaure, la Chimère se définissent ainsi, pour qui ne comprend. J’appelle monstre toute originale inépuisable beauté. (Alfred Jarry)

Dans La foire aux immortels, il y a une énigme que le style d’Enki Bilal, cet art de l’épanchement et du collage, exprime sous forme plastique. L’énigme gouverne le récit d’un bout à l’autre et elle se manifeste dès le début, dans la scène où Anubis « et sa basse-cour » jouent au monopoly :

« Avenue Matignon, j’achète.
– 22 000 francs.
– J’ai les trois rouges. Je vais construire.
– 15 000 la maison… »


L’énigme concerne la nature du monde où se déroule l’histoire. A première vue, il s’agit d’une dystopie située dans un futur proche. Comme dans V pour Vendetta, d’Alan Moore et David Lloyd (publié quelques années après La Foire), un groupe néofasciste s’est emparé du pouvoir à la suite d’une double guerre nucléaire. Paris est devenu « une cité politiquement autonome » dont l’urbanisme résume l’idéologie. Au centre, un petit arrondissement qui « abrite une société favorisée, une armée régulière imposante et la classe dirigeante ». Autour, un bourbier informe « qui s’étire à perte de vue et est devenu, depuis la mise en service d’un énorme astroport, le carrefour d’aventuriers et d’extraterrestres de tout poil. La milice gouvernementale assure le contrôle et la sécurité de cet univers de dégénérescence, de misère et de crasse ». L’homme fort du régime est Jean-Ferdinand Choublanc, « gouverneur en place » que des élections truquées s’apprêtent à reconduire avec l’appui de son frère, le pape Théodule Ier.
Le récit transmet quelques échos du monde extérieur. On devine une Europe atomisée – aux deux sens du terme –, criblée d’autres cités autonomes, intriguantes « villes du nord et de l’est, riches mais militairement vulnérables » parmi lesquelles Bratislava où règnent « les tchécosoviets » (à son réveil sur le quai abandonné de la station Alésia, Nikopol se souvient qu’il a été expédié dans l’espace pour avoir refusé de se battre contre « la coalition sino-soviétique »). Si on ajoute à cette suite de données déjà consistante les références mussoliniennes, textuelles et graphiques, et les trois revues de presse qui jalonnent le récit, on ne peut qu’être frappé par le soin avec lequel Bilal a conçu son arrière-plan politique. Peut-être est-ce le leg de sa collaboration avec Christin ? Histoire d’un coup d’Etat ambigü, au terme duquel Paris « fragile mais libre s’apprête à voguer à vue dans des eaux bien troubles », La foire aux immortels semble prolonger et amplifier l’antifascisme sans espoir des Phalanges de l’ordre noir.
L’énigme se formule ainsi :
a. Pourquoi prendre le risque d’introduire dans ce dispositif apparemment sans faille un élément aussi hétérogène que des dieux extraterrestres joueurs de monopoly ? (Imaginez Horus dans 1984.)
b. Comment se fait-il qu’une telle introduction, loin d’affaiblir la cohérence de ce monde, la renforce, lui donne autant de présence et de profondeur ?

La question des dieux est, depuis Nietzsche, réputée « grosse comme le poing ». Mieux vaut donc l’aborder de biais, en examinant une autre étrangeté du récit : l’humour. Il est remarquable que Bilal, après avoir construit son isolat néofasciste avec tant de minutie, le ridiculise en lui donnant des chefs, des cadres et des officiers nommés Jean-Ferdinand Choublanc, Aurélien Burnoldz-Mortier, Pierre-Hubert Burburtz, Arthur Deslors, Jules Bourdonnier – sans oublier l’improbable général Vertegoutte et le pape Théodule. (Imaginez que le vrai nom de big brother soit William Waterproof-Johnson.)
Cette fantaisie est l’équivalent onomastique de la partie de monopoly et produit le même résultat : au lieu de saper la crédibilité du récit, paradoxalement, elle l’accroît. Mais elle est plus facile à expliquer car l’humour qui la sous-tend n’est pas une création bilalienne ; c’est une tradition dont Jean-Pierre Dionnet a donné la formule dans le livre de Poussin et Marmonnier sur Métal Hurlant. « Nikita Mandryka avait trouvé Métal, j’ai trouvé les Humanoïdes Associés. Il y avait un roman de Jack Williamson qui s’appelle Les humanoïdes et que j’avais beaucoup aimé. Je trouvais ce titre magnifique. J’ai toujours adoré les trucs un peu courtelinesques, c’est à dire un peu plats. »
Enflammer l’imaginaire en empruntant un terme à la sphère du métaphysique ou du stellaire – et simultanément l’éteindre en l’immergeant dans le prosaïque : telle est la formule énoncée par Dionnet. Les humanoïdes/associés. Métro Châtelet direction/Cassiopée. La foire aux/immortels. On y voit d’autant plus clair que cette formule est de mise dans beaucoup de bandes de science-fiction publiées entre 1975 et 1985. On l’entend chez Tardi, dans le cycle Brindavoine-Blanc-Sec dont les noms n’auraient pas déparé le casting choublanquiste. On la perçoit derrière le personnage du Major Grubert de Mœbius, qui ressemble à un administrateur colonial de la troisième république doté de super-pouvoirs. On la devine sous la plume de Pierre Christin dans Métro Châtelet où « Monsieur Albert » gère une apocalypse spatio-temporelle avec la pondération d’un fonctionnaire des douanes amateur de profiterolles. On la discerne même dans la SF littéraire de l’époque (Serge Brussolo : Portrait du diable en chapeau melon), et le cinéma de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, en particulier Delicatessen ; Caro a fait ses premières armes à Métal.
Avec le temps, l’humour humanoïde a perdu sa férocité mais il n’a pas disparu. Elevé au rang de figure poétique, il est devenu l’une des sources du steampunk (le « punk-à-vapeur »), cette variété de l’uchronie qui cherche à retrouver l’émerveillement des origines en transposant les thèmes et les objets de la science-fiction moderne dans l’Europe de la fin du XIXème siècle. Des œuvres comme Bouvard, Pécuchet et les savants fous de René Réouven, le cycle des Cités Obscures de Peeters et Schuiten ou même La ligue des gentlemen extraordinaires s’y rattachent plus ou moins directement. Coïncidence intéressante, le roman fondateur du steampunk, publié en 1983 par l’écrivain américain Tim Powers, s’intitule Les voies d’Anubis.

« Je suis peut-être indiscret mais ce problème de la pyramide, c’est quoi au juste ?
– Ce que tu me demandes là, Nikopol, touche à des valeurs universelles que le vocabulaire terrestre ne saurait définir. »


Le monde créé par Bilal serait donc moins une dystopie qu’une évolution cauchemardesque de l’univers humano – une parodie qui aurait mal tourné ? L’hypothèse est d’autant plus séduisante que cet univers existait bien avant la divulgation de sa formule esthétique par Dionnet. En remontant, de proche en proche, la piste des œuvres où il se manifeste, il est même possible de découvrir son point d’origine, quelque part dans le dernier tiers du XIXème siècle (à l’époque où Courteline écrivait Les gaîtés de l’escadron, effectivement). Parmi les œuvres en question, on trouve, dans l’ordre chronologique inverse et sans souci d’exhaustivité :
• presque toutes les bandes de Jean-Claude Forest, ce génie un peu trop oublié, en particulier Mystérieuse matin midi et soir.
• La veine poético-absurde de Hara-Kiri dont Gébé et Topor sont les principaux représentants.
• la science-fiction surréalisante des années 50-60.
• Raymond Queneau et Boris Vian.
• presque tous les livres de Jacques Spitz, le principal auteur de SF de l’entre-deux-guerres, lui-même compagnon de route du surréalisme.
• et le « roman néo-scientifique » d’Alfred Jarry Les gestes et opinions du docteur Faustroll (1898) dont l’humour à la fois dérisoire et grandiose est le prototype de celui des humanos : « La ’pataphysique sera surtout la science du particulier, quoiqu’on dise qu’il n’y a de science que du général. Elle étudiera les lois qui régissent les exceptions et expliquera l’univers supplémentaire à celui-ci ; ou moins ambitieusement décrira un univers que l’on peut voir et que, peut-être, l’on doit voir à la place du traditionnel. » Cet humour culmine dans le Commentaire pour servir à la construction pratique de la machine à explorer le temps qui tient lieu d’épilogue au roman.
Fait intéressant : la bibliothèque du docteur Faustroll comporte vingt-sept Livres Pairs dont le premier est Baudelaire et le dernier Jules Verne. C’est une cartographie anticipée de l’univers bilalien.
Fait encore plus intéressant : dans un article de 1903 intitulé De quelques romans scientifiques, Jarry dévoile ses sources en vantant les mérites d’Ignis, obscur roman de Didier de Chousy dont le sujet est la captation industrielle du feu central de la Terre. « Ce qui est tout à fait remarquable dans Ignis, et qui prouve une fois de plus que les écrivains scientifiques sont des précurseurs, c’est le tableau de la révolte des machines devenues intelligentes, des hommes-vapeurs, des atmophytes – l’automobile n’était pas inventée – avec, pour chef d’émeute, dans ce monde contemporain, le vieux Kaïn. Dans le livre de M. Chousy, l’humour, qui malgré son orthographe anglaise est peut-être une qualité française, n’est point exclu par la technique : “Et voici d’autres machines femelles plus grossières encore, vomissant des propos monstrueux, des coassements obscènes de toutes les ordures que peut contenir la panse d’une balayeuse mécanique en état d’ivresse”. »

Le livre de Chousy date de 1883. C’est un pastiche de Jules Verne qui projette ses effets à l’échelle cosmique, comme Wells le fera plus tard de ses propres créations. C’est la première parodie de l’histoire de la SF et son allégresse a déjà quelque chose de nostalgique. Comme si, à peine inventés, les futurs promis par la technoscience étaient kitch. Mais l’époque est aussi celle où le philosophe français Charles Renouvier invente le regret des passés non advenus dans L’Uchronie (l’utopie dans l’histoire), esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être (1876). Cet essai sur les « mille ans de progrès » que l’Empire romain aurait pu connaître s’il avait refusé la conversion au christianisme répond à un roman de Louis Geoffroy paru trente-huit ans plus tôt et dont l’ambition est dans le titre : Napoléon et la conquête du monde, histoire de la monarchie universelle.
Délire technologique et nostalgie impériale. Combinées, ces deux tendances définissent le programme de la science-fiction moderne jusqu’en 1950 au moins. Parodiées, elles engendrent un univers fictionnel qui irrigue toute la contre-culture française du XXème siècle avant de recevoir son appellation humanoïde. Mythifiées, elles sont au cœur du steampunk qui, dans sa quête de l’innocence perdue, réinvente l’imaginaire européen d’avant la chute : second empire d’opérette, peuplé de soldats en grandes tenues, de machines folles et d’aventuriers obsédés par la procédure – Kafka n’est pas si loin. La foire aux immortels, avec ses robots déglingués et ses Vertegoutte, se déroule probablement dans cet empire dévasté, non par l’apocalypse nucléaire, mais par deux guerres mondiales conventionnelles largement suffisantes pour en extirper tout espoir. La légèreté a disparu, il ne reste que les uniformes.

« Joignons-nous à ce cortège d’enterrement guignolesque, Nikopol. On trouvera bien de quoi te vêtir sur l’un de ces tristes mortels.
– De mieux en mieux : le supermarché où je faisais mes courses est devenu un cimetierre. »


Reste à justifier les dieux et l’aisance avec laquelle ils se meuvent dans cet univers.
La première association qui vient à l’esprit, c’est le thème de la nostalgie impériale : Napoléon III est-il – encore aujourd’hui – autre chose qu’un symbole atténué de Bonaparte, le dernier empereur européen dont la légende commence justement en Egypte ? Ce rapprochement semble d’autant plus approprié que, dans La foire, la scène où Choublanc va chercher la bénédiction de son frère avant d’aller réclamer l’immortalité à Anubis évoque furieusement le Sacre napoléonien peint par Jacques-Louis David : même pape parisien, même cathédrale Notre-Dame, mêmes angelots dans les coins. Le morphotype mussolinien de Choublanc ne serait dans cette perspective qu’une façon de désigner la Corse, c’est à dire l’Italie.
Mais il y a plus, bien plus… Car si tout empereur est, par essence et définition, un descendant des Césars, on trouve dans La foire un épisode qui présente une indiscutable tonalité « romaine » : la rencontre entre les Flèches Noires parisiennes et les Boulets Rouges de Bratislava, pur combat de gladiateurs. Or, Nikopol est lui-même un héros à l’antique. Son prénom, Alcide, dérive d’un terme grec qui signifie « le fort » ou « confiant dans sa force » ; Hercule se le serait attribué pour souligner sa parenté avec Persée. Son nom évoque Nikopolis, « la cité de victoire » fondée par Auguste en 31 avant JC pour célébrer le triomphe d’Actium. Son retour d’exil se produit à Alésia. Un dieu le dote d’un talon de fer qui symbolise son invicibilité. Il accomplit un voyage initiatique qui passe par l’Odéon, le Mont Parnasse, l’Elysée et que le chœur (les pages de presse) scande en trois actes d’une parfaite régularité. Il a un fils qui est un double de lui-même, ce qui est une façon de sous-entendre qu’il a épousé sa mère : dans une ville en proie aux épidémies et aux mutations – c’est à dire à « la peste » – ça fait de lui un Œdipe (il est aveuglé à plusieurs reprises et devient fou à la fin). La peste est l’une des manifestations classiques de la colère d’Apollon, dieu que certaines traditions assimilent à Horus… Faut-il en dire davantage ?

« La maladie et les mutations rongent les quartiers annexes de cette ville… Les corps sains se font rares. Celui que j’ai quitté pour le tien appartenait à un illuminé qui croyait en un dieu unique. Son cerveau devenait incontrôlable. Ton arrivée a été providentielle, Nikopol, crois-moi. »

Voici donc une reconstitution possible de ce qui s’est passé le jour où Enki Bilal a conçu La foire aux immortels. Après quatre Légendes d’Aujourd’hui réalisées sur scénario de Pierre Christin, l’auteur du Bol Maudit et d’Exterminateur 17 a éprouvé le besoin de revenir à la science-fiction et d’écrire lui-même : deux images différentes d’un même désir. Spontanément, il a situé son histoire dans un futur dystopique consistant qui lui permettait de prolonger les lignes politiques élaborées avec Christin. (J’avais seize ans quand j’ai lu La foire aux immortels pour la première fois et je me souviens nettement l’avoir perçue comme une sorte de Légende d’Aujourd’hui « bis »). Mais il voulait aussi profiter de sa nouvelle autonomie pour produire une science-fiction plus franche, plus brutale, plus lovecraftienne en somme : pleine de surhommes et de dieux. Afin de concilier ces deux esthétiques antagonistes dans un décor que la SF a toujours eu du mal à investir – Paris –, Bilal a renoncé au naturalisme des Légendes d’Aujourd’hui pour se placer dans la sphère humanoïde, ce qui impliquait l’emploi d’un certain type de marqueurs : Choublanc, Burburtz, Vertegoutte. Cette ironie ne représente pas une agression contre le genre mais, au contraire, la clé de son déploiement, un gage de liberté créative. Elle n’a d’ailleurs rien de spécifiquement humanoïde puisqu’elle est aussi vieille que la SF elle-même. Elle est la contre-mesure élaborée par la culture française pour rester en contact avec tous les passés/présents/futurs non advenus et dont, pourtant, elle ne peut se passer.
Le monde créé à cette occasion est une Europe semée de cités-états plus ou moins indépendantes qui s’affrontent de façon ritualisée et entre lesquelles circulent des coureurs de pistes, des chercheurs d’aventure. Ces cités-états ont chacunes leurs dieux et dans le cas de Paris, il est tout à fait normal qu’ils soient égyptiens (on trouvait déjà, sur les rives de la Seine, des autels à Isis – la mère d’Horus – il y a deux mille ans, au point qu’une étymologie fantaisiste sur l’origine de la ville s’en est inspirée : Paris, c’est la ville des par-Isis. Et ne nous sommes-nous pas donnés, en 1981, un chef dont l’image favorite était le sphinx et qui s’est fait construire une pyramide ?) Ces cités-états sont dotées d’institutions propres mais on devine, on pressent plutôt, une force centrale invisible capable de changer la donne sur un caprice, autrement dit un empereur (Choublanc n’est que le « gouverneur en place », il est donc révocable et l’âpreté de ses négociations avec Anubis suggère que cette place n’est pas sûre).
Il est tentant de voir dans ce monde l’émergence ou la résurgence d’une Europe légendaire, sorte de palimpseste où se superposent la Grèce hellénistique, l’Imperium préchrétien et l’Empire napoléonien – trois idéalisations auxquelles la France n’a manifestement pas renoncé. Quant à Nikopol, il incarne la figure classique du héros revenu d’entre les morts et doté d’attributs surnaturels pour chasser « le mauvais roi » (celui qui essaie de tromper les dieux au lieu de les honorer). Son destin rappelle qu’en Europe, la passion du pouvoir est tragique. Mais ce monde est aussi celui de l’aventure, de l’émerveillement et de la jubilation esthétique : les dieux y marchent toujours parmi les hommes. Car l’état d’esprit requis pour créer une grande histoire de science-fiction (ou pour la lire) est le même que celui dans lequel les Anciens baignaient quand ils hallucinaient leur mythologie. Telle est la vraie nature du jeu auquel s’adonnent Anubis et les siens, et la raison de son étrange aptitude à symboliser le conflit central du récit : c’est une partie de monopoly/théisme
.

Lem

Message par Lem » ven. févr. 05, 2010 3:33 pm

Retrouvé le texte de Card. Il est extrait de How to write sience fiction and fantasy (1990) :
Literalism

The protocols of abeyance and implication, wich give you great deal of power, also removes one of the tools that mainstream writers rely on most heavely : metaphor. Especially at the beginning of a speculative story, all strange statements are taken literally, (in Octavia Butler’s Wild Seed, the « seed village » isn’t a metaphor, it’s what the village actually is.
I think of a story by Tom Maddox that appeared some years ago in Omni. In the first or the second paragraph, he had passengers taken from their airplane on what he called a « reptile bus ». I was teaching an sf literature course at the time, and my students were pretty evenly devided between those who had been reading sf for years and those who had never read it before that semester.
The majority of the experienced sf readers reported the same experience I had. At least for a moment, and often for quite a way into the story, we thought that Maddox wanted us to think that reptiles were somehow being used for airport transportation. We pictured a triceratops with a howdah, perhaps, or an allosaur towing a rickshaw. It was an absurd sort of technology, and it would have strained credulity – but many sf stories use such bizarre ideas and make them work. Maddox might have been establishing a world in wich bio-engineers had created many new species of very useful but stupid dinosaurs.
Those who had never read sf, however, were untroubled by such distractions. They knew at once that « reptile bus » was a metaphor – that it was a regular gaz-buring bus with several sections so it snaked across the tarmac in a reptile-like way.
This is one of the key differences between the sf audience and any other. When confronted with a strange juxtaposition of familiar words, both groups say « what does the author mean by this ? » But the sf audience expects the term to be literal, to have a real extension within the world of the story, while the mainstream audience expects the term to be metaphoric, to express an attitude toward or give a new understanding of something that is part of the known world. (…)
This doesn’t mean that you, as an sf writer, are forbidden to use metaphor. It does mean that early in a story, when the rules of your created world are not fully explained, you have to avoid metaphor that might be confusing to experienced sf readers. Later, when the rules are firmly set, your readers will know that terms that imply things that are not possible in your world shoul be taken metaphorically.
Do recall the difference between metaphor, simile, and analogy. Similes and analogies, wich explicitly state that one thing is like another thing, are still available ; it’s only metaphor, wich state that one thing is another thing, that are forbidden. « You could treat Howard Merkle like dirt and he’d still come fawning back to you, just like a whipped dog », a simile, is perfectly clear and usable in speculative fiction, whereas the metaphor « Howard Merkle was a dog, always eager to please no matter how you treated him » is problematical early in a speculative fiction story, because it could be take literally
.

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Erion
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Message par Erion » ven. févr. 05, 2010 3:36 pm

Purée, c'est illisible ces pavés en énorme. Faut arrêter Serge. Ca explose les yeux, c'est tout ce que tu fais. Si on veut grossir les caractères, on utilise la fonction zoom du navigateur.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

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