Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » lun. janv. 11, 2010 1:30 pm

Lem a écrit : Mais la question n'est pas celle-là. La question – en tout cas telle que j'ai essayée de la poser dans la préface et ici – est : si la SF est conforme à la représentation empirique que nous en avons (la fiction de la science), pourquoi montre-t-elle un tel goût pour l'inhumain/le métaphysique alors qu'elle est censée être la voix d'une conception du monde censée s'être libérée de ces aberrations ?
Mais de quelles aberrations parles-tu? celle auxquelles s'intéresse la science, comme le concept de temps, la nature de l'univers, etc? A chaque fois, Lem, tu donnes une liste pittoresque englobe-tout (le temps, les dieux, le surhomme...) (moi, j'ajoute le futur dans la liste) qui permet d'écumer large quant au corpus de la SF, mais dont on a du mal à bien percevoir la cohérence. Et que quand on te dit: mais tel sujet est un sujet scientifique, tu nous réponds: mais c'est un sujet métaphysique!
tu as un peu répondu à ma remarque sur "les dieux", mais fort peu. On met ça dans la mythologie.. OK, j'aurais du mal à ne pas être d'accord. Mais qu'est-ce que je peux faire de ça? La science, la mythologie, la religion, la métaphysique, la sociologie... tout ça, ça intervient, à tel ou tel niveau, dans la science-fiction... je n'en doute pas, mais au niveau de la finesse de la définition, on progresse peu.
On progresserait sans doute plus, si on prenait des éléments plus précis, des thématiques plus marquées.
Oncle Joe
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silramil
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Message par silramil » lun. janv. 11, 2010 1:31 pm

Le terme inhumain me paraît trop polysémique, honnêtement, vu déjà toutes les divergences d'interprétation. Ce n'est pas pour rien qu'un sujet de philo bateau est "comment un acte humain peut-il être inhumain?".

L'inhumain est un problème de valeur, un fait objectif ou une question de point de vue.

Objectivement, ce qui n'appartient pas à la machine biologique humaine est inhumain (= non humain). Des créatures humanoïdes qui n'appartiennent pas à l'espèce humaine sont inhumaines. Par ex, les Slans, ou les Hobbits.

Subjectivement, tout ce qui a un rapport avec les êtres humains, tout ce qui est pensable par l'homme, est humain. Rien de ce qui est humain n'est étranger / rien de ce qui est connaissable par l'homme est humain. L'inhumain, c'est l'impensable, l'incompréhensible.
Une machine est humaine, car conçue par l'homme, pour l'homme. Les ETs, les surhommes, sont parfois au-delà, ou contre l'homme. Ils cessent d'être inhumains quand ils sont assimilés. (edit, ou que les humains sont assimilés).

Axiologiquement, sur le plan des valeurs, l'inhumain est ce qui est contraire aux normes transcendantes telles qu'elles sont perçues par un individu donné. L'inhumain est le monstrueux, le hors-norme, ce qu'il faut rejeter ou réduire. Les hobbits sont humains, parce qu'ils se comportent d'une manière acceptable. Les orcs sont inhumains.

La relation dynamique à l'inhumain peut donc prendre des formes extrêmement variées selon les textes de SF. Toute tentative de nomenclature n'aboutirait à mon avis qu'à une dispersion.

De ce fait, quel sorte d'inhumain poserait problème dans la SF ? La présence d'élément inassimilables, incompréhensibles? La mise en scène du rejet ou de l'acceptation d'éléments inhumains?
A ce stade, je ne sais pas trop quoi penser.

En revanche, je ne vois pas de rapport entre métaphysique et inhumain. La métaphysique, ou le métaphysique, n'impliquent pas intrinsèquement des questions de valeur (c'est dans un second temps qu'on juge éventuellement, pour donner un sens), alors que l'inhumain concerne de façon presque inévitable des questions de valeur.
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Shalmaneser
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Message par Shalmaneser » lun. janv. 11, 2010 1:32 pm

Gérard Klein a écrit : Mais la plupart des gens n’aiment pas le non-humain, l’inhumain, et cela depuis des millénaires, pour une raison assez simple: on ne négocie pas avec l’inhumain. Vous pouvez toujours essayer de cajoler ou d’effrayer un poste en panne ou un ordinateur bloqué, ça ne marche pas. Donc, pour beaucoup, vaut mieux l’oublier. Je ne comprends pas. Ça fait peur.
Or la Littérature, hors science-fiction, c’est fondamentalement de la parole, un espace de négociation. Ça exclut cela avec quoi on ne peut pas négocier.
Cette idée de la littérature hors-SF comme espace de "négociation" est intéressante. "On ne négocie pas avec l'inhumain" : cet axiome serait si profondément ancré dans les consciences, sans doute depuis l'Antiquité grecque, que les distorsions que lui font subir la SF expliqueraient le déni. Au passage, nous sommes clairement ici sur le terrain de la métaphysique autant que de la théorie littéraire...
Pour autant, je me demande si la distinction entre la SF et une littérature de la parole, de la "négociation" comme attribut exclusif de l'humain, peut être aussi nette. Prenez la Culture, par exemple : la "négociation" avec l'inhumain y occupe une place importante, et on pourrait même considérer cette problématique comme essentielle à l'ensemble du cycle. Dans Trames, on peut distinguer quelques formes de l'inhumain venues du fond des âges avec lesquelles il est impossible de négocier (les Xinthiens et leurs adversaires ancestraux, par exemple), et une infinité de formes de vie qui prennent place, par la négociation elle-même, dans l'univers du roman.
On pourrait alors supposer que la SF, tout en recourant aux procédés langagiers de la fiction, parmi lesquels la négociation figure en bonne place, y ajouterait une dimension métaphysique qui bousculerait une tradition littéraire très ancienne, cantonnée à l'humain...
Lensman a écrit : Nous ne sommes pas obligés d'être d'accord avec Gérard (ciel!). Mais savoir pourquoi il parle en passant d'"impossible définition de la science-fiction" nous intéresse de toute façon, pour la discussion...
Tout porte à croire, en effet, qu'une définition positive et objective de la SF, comme de tout autre "genre" littéraire, est impossible, et que chaque auteur la réinvente pour les besoins de son oeuvre... Mais comme tu l'as dit - et c'est peut-être ce qu'entendait aussi MF en parlant de "définition dynamique", on peut distinguer des éléments communs à tous ces récits. Dans ce cadre précis, l'hypothèse M me semble tout à fait valable, y compris à la lecture du dernier développement de GK.

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Lensman
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Message par Lensman » lun. janv. 11, 2010 1:38 pm

Shalmaneser a écrit : Tout porte à croire, en effet, qu'une définition positive et objective de la SF, comme de tout autre "genre" littéraire, est impossible, et que chaque auteur la réinvente pour les besoins de son oeuvre... Mais comme tu l'as dit - et c'est peut-être ce qu'entendait aussi MF en parlant de "définition dynamique", on peut distinguer des éléments communs à tous ces récits. Dans ce cadre précis, l'hypothèse M me semble tout à fait valable, y compris à la lecture du dernier développement de GK.
Peut-être alors faudrait-il reformuler l'hypothèse métaphysique, en tenant compte du fait que la métaphysique n'est plus le bon terme, s'il l'a jamais été, pour désigner ce dont Lem a l'air de parler.
Tu fais partie des gens que j'envie: la facilité avec laquelle tu as compris la notion d'"inhumain" avancée par Gérard, alors que mon pauvre esprit embrouillé essaie de comprendre ce que cela veut dire au niveau de l'objet technologique (en quoi un objet technologique est-il "inhumain"?) , m'impressionne...

Oncle Joe
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silramil
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Message par silramil » lun. janv. 11, 2010 1:39 pm

Shalmaneser a écrit : On pourrait alors supposer que la SF, tout en recourant aux procédés langagiers de la fiction, parmi lesquels la négociation figure en bonne place, y ajouterait une dimension métaphysique qui bousculerait une tradition littéraire très ancienne, cantonnée à l'humain...
Hum.
Ce point précis me semble intenable. La littérature ne s'est jamais cantonnée à l'humain, au sens où elle s'interdirait de faire intervenir des choses qui sortent de la réalité quotidienne...
C'est ce qu'on appelle actuellement "littérature générale" (mainstream) qui a tendance à se replier sur un fonctionnement réalisto-centriste, en oubliant volontairement toutes les possibilités de la littérature.
La SF, de ce point de vue, n'est qu'un des lieux où se manifestent actuellement certains potentiels de la fiction. Et comme une des lignes directrices de la SF consiste à matérialiser ses objets et à prétendre fabriquer des mondes concrets, elle ne réalise pas non plus toutes les possibilités de la littérature (elle échange la liberté du langage contre des effets de matérialité).

Lem

Message par Lem » lun. janv. 11, 2010 1:45 pm

Le_navire a écrit :Lem : allons bon on a une nouvelle définition de la métaphysique ? L'inhumain ?
On a une chose étrange et compliquée pour laquelle on cherche le bon terme. Je ne mélange pas. Je compare la portée des termes. Tu préfères le lexique de GK au mien, pas de problème.
Ce n'est pas la métaphysique qui est l'inhumain, c'est le rejet de l'inhumain qui est métaphysique. La métphysique n'est-elle pas, fondamentalement, née du besoin de l'homme à se reconnaitre comme seul maître de la création après dieu ?
La métaphysique (en tant que discipline intellectuelle) est née du désir de remonter aux principes premiers de toutes choses, c'est à dire à l'Etre. Et comme on ne peut accéder à ces principes premiers qu'en pensée, elle repose sur l'équation Etre = pensée. Plus tard, le christianisme a enveloppé l'équation dans un troisième terme : Etre suprême = pensée la plus haute = Dieu mais sa naissance se détache sur fond de polythéisme grec.
Et quand cette croyance viscérale, même chez des athées, se voit tout à coup battue en brèche par l'inhumain, n'est-ce pas là que commence le déni ?
Sous réserve que j'ai bien compris ta proposition, oui, il me semble qu'on peut. Dans un monde où tout est jugé "humain, trop humain" et où la figure de l'Autre est simplement celle d'un autre humain, le sentiment qu'une extériorité radicale reste possible suscite certainement des réactions violentes et/ou des éclats de rire (la peur et le rire ont la même origine) et peut déboucher sur le déni. M'accorderas-tu que ce n'est vraiment pas très loin de ma propre hypothèse ?

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Lensman
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Message par Lensman » lun. janv. 11, 2010 1:51 pm

silramil a écrit :Le terme inhumain me paraît trop polysémique, honnêtement, vu déjà toutes les divergences d'interprétation. Ce n'est pas pour rien qu'un sujet de philo bateau est "comment un acte humain peut-il être inhumain?".
Sujet bateau, à tel point que crois que personne (vous de détromperez peut-être) n'imagine une seconde que le terme "inhumain" peut ici, dans le sujet de philo, qualifier un objet technologique… (bon... symboliquement peut-être, un marteau, un faucille, une hache, un faisceau, un compas... ou moins symboliquement, une chambre à gaz...). Mais j'admets que ce n'est pas très drôle.
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MF
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Message par MF » lun. janv. 11, 2010 1:53 pm

silramil a écrit :Une machine est humaine, car conçue par l'homme, pour l'homme.
Mouarf !
J'ai cité hier Varley avec le cycle de Gaïa. Je pourrais tout aussi bien te faire une liste de nouvelles de SF (Brown, Padgett, Sheckley, Dick, Van Vogt, Asimov... la liste serait longue) où le héros (homme ou humanité) est confronté à une machine qui n'est pas conçue par l'homme et encore moins pour l'homme.

Tu sais, ces trucs étranges dont ceux sur lesquels il y a une pancarte : "Ne pas appuyer sur le bouton rouge".
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Transhumain
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Message par Transhumain » lun. janv. 11, 2010 1:56 pm

Roland C. Wagner a écrit :Mais cette formulation me semble plus exacte :
on peut donc supposer que ce n’est pas la « variable cachée » qui susciterait déni et rejet, mais le fait que la science-fiction apporte des réponses qui ne sont pas métaphysiques aux « problèmes classiques de la destination, du propre de l’homme, de l’immortalité et de la nature du réel ».
Je suis d'accord avec ça, à un gros détail près : je ne parlerais pas forcément de "réponses". Quand Baxter, dans Temps, nous plonge jusqu'à la fin de l'univers, il ne fait que repousser la brèche métaphysique. Et ce mouvement est selon moi l'essence du sense of wonder. L'hypothèse i de Gérard Klein est très séduisante, mais les objections, ou interrogations de Serge et d'Oncle Joe sont à considérer. Ce n'est pas tant à mon sens l'inhumain, qui est cause du déni, que l'inhumain en tant qu'objet métaphysique : une simple machine ne suscite ni effroi, ni émerveillement, ni déni. En revanche, une machine intelligente, qui remet en cause notre conception du vivant, de la conscience, des spécificités de l'humanité, en est capable, sous certaines conditions, si elle suscite de nouvelles questions.
Lem a écrit :La question – en tout cas telle que j'ai essayée de la poser dans la préface et ici – est : si la SF est conforme à la représentation empirique que nous en avons (la fiction de la science), pourquoi montre-t-elle un tel goût pour l'inhumain/le métaphysique alors qu'elle est censée être la voix d'une conception du monde censée s'être libérée de ces aberrations ?
L'inhumain et le métaphysique ne sont pas synonymes. Le métaphysique est, si l'on veut, inhumain, mais l'inhumain ne l'est pas forcément. L'inhumain, c'est l'objet même de la SF (cf. la citation de Roland ci-dessus). Le métaphysique, c'est l'optimum du Monde inverti : un point qu'on poursuit sans cesse, et l'écart entre lui et nous suscite certains effets, modifie nos perceptions, nous ouvre de nouvelles perspectives.
Autre chose : la SF est la littérature positiviste par excellence. Or la notion de Progrès contient elle-même une sérieuse dose de téléologie : s'il y a progrès - selon Bacon et ses continuateurs -, il y a amélioration, on tend vers un idéal, un but à atteindre. Par ailleurs, le but de la recherche pure est bien de comprendre l'univers, de s'approcher de son origine, de nos origines, et d'imaginer son évolution. Comment dès lors s'étonner que la science-fiction s'intéresse autant aux questions métaphysiques ?

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Lensman
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Message par Lensman » lun. janv. 11, 2010 1:57 pm

Lem a écrit :Ce n'est pas la métaphysique qui est l'inhumain, c'est le rejet de l'inhumain qui est métaphysique. La métphysique n'est-elle pas, fondamentalement, née du besoin de l'homme à se reconnaitre comme seul maître de la création après dieu ?
La métaphysique (en tant que discipline intellectuelle) est née du désir de remonter aux principes premiers de toutes choses, c'est à dire à l'Etre. Et comme on ne peut accéder à ces principes premiers qu'en pensée, elle repose sur l'équation Etre = pensée. Plus tard, le christianisme a enveloppé l'équation dans un troisième terme : Etre suprême = pensée la plus haute = Dieu mais sa naissance se détache sur fond de polythéisme grec.
[/quote]

Il est donc assez évident que ce type de concept ne va pas aider… ça voulait peut-être dire quelque chose de clair à une certaine époque, mais aujourd'hui, je ne vois pas ce qu'on peut faire de ce vocabulaire.
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le lun. janv. 11, 2010 1:58 pm, modifié 1 fois.

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Message par silramil » lun. janv. 11, 2010 1:58 pm

Lem a écrit :
Le_navire a écrit :Lem : allons bon on a une nouvelle définition de la métaphysique ? L'inhumain ?
On a une chose étrange et compliquée pour laquelle on cherche le bon terme. Je ne mélange pas. Je compare la portée des termes. Tu préfères le lexique de GK au mien, pas de problème.
Il me semble que ce n'est pas qu'un problème de terminologie. L'inhumain comme variable cachée n'est pas la même chose que le/la métaphysique comme variable cachée. L'inhumain désigne, manière connotée négativement, des choses sortant radicalement de l'humain. Le métaphysique renvoie, de manière neutre, à des objets dont la connaissance implique d'explorer les limites du savoir humain.
Inhumain est chargé émotionnellement.
Métaphysique est neutre.
Parce qu'ils ne renvoient pas aux même objets.
Ce n'est pas la métaphysique qui est l'inhumain, c'est le rejet de l'inhumain qui est métaphysique. La métphysique n'est-elle pas, fondamentalement, née du besoin de l'homme à se reconnaitre comme seul maître de la création après dieu ?
La métaphysique (en tant que discipline intellectuelle) est née du désir de remonter aux principes premiers de toutes choses, c'est à dire à l'Etre. Et comme on ne peut accéder à ces principes premiers qu'en pensée, elle repose sur l'équation Etre = pensée. Plus tard, le christianisme a enveloppé l'équation dans un troisième terme : Etre suprême = pensée la plus haute = Dieu mais sa naissance se détache sur fond de polythéisme grec. [/quote]

Il me semble que ce que MF veut dire, c'est que la démarche métaphysique vient d'un désir de dominer, au sens de surplomber, au sens de devenir la source du sens, le monde. Et donc, implictement, de se faire le voleur de feu, comme le philosophe qui sort de sa caverne pour contempler le soleil de l'Idéal.
Toucher au divin, pour devenir soi-même divin.

Il n'est pas forcément question de théologie chrétienne, vous êtes d'accord.
Et quand cette croyance viscérale, même chez des athées, se voit tout à coup battue en brèche par l'inhumain, n'est-ce pas là que commence le déni ?
Sous réserve que j'ai bien compris ta proposition, oui, il me semble qu'on peut. Dans un monde où tout est jugé "humain, trop humain" et où la figure de l'Autre est simplement celle d'un autre humain, le sentiment qu'une extériorité radicale reste possible suscite certainement des réactions violentes et/ou des éclats de rire (la peur et le rire ont la même origine) et peut déboucher sur le déni. M'accorderas-tu que ce n'est vraiment pas très loin de ma propre hypothèse ?[/quote]

ça me paraît assez différent.
Hypothèse M : la nature des objets étudiés provoque un rejet/déni, parce que les sujets métaphysiques sont discrédités.
Hypothèse I : l'inscription d'objets non humains, monstrueux, difficiles à comprendre, dans la SF provoque un rejet, parce que le hors-norme n'est pas acceptable dans notre société.

Lem

Message par Lem » lun. janv. 11, 2010 1:59 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit : Mais la question n'est pas celle-là. La question – en tout cas telle que j'ai essayée de la poser dans la préface et ici – est : si la SF est conforme à la représentation empirique que nous en avons (la fiction de la science), pourquoi montre-t-elle un tel goût pour l'inhumain/le métaphysique alors qu'elle est censée être la voix d'une conception du monde censée s'être libérée de ces aberrations ?
Mais de quelles aberrations parles-tu?
Quand Nietsche parle des "hallucinés de l'arrière-monde", il dit exactement ce qu'il a en tête.
Le monde dont nous devons nous occuper selon lui, le seul monde qui nous concerne vraiment, c'est le monde purgé de toutes les illusions (des hallucinations) que l'homme y a introduites pour pouvoir y vivre. Il y a une très belle phrase de lui où il dit en substance : "dans le rêve, l'homme des origines a cru deviner l'existence d'un second monde réel. Là est l'origine de toute métaphysique." Les dieux ou Dieu font partie de ces hallucinations dont il faut se délivrer mais aussi l'essentiel des "idoles" métaphysiques qui ont servi d'objets de substitution quand le sentiment religieux a commencé à se perdre : l'Idée platonicienne, la chose-en-soi, le moi… tout ce qui implique l'existence d'un monde caché, invérifiable, inaccessible à l'homme.

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Message par Lensman » lun. janv. 11, 2010 2:02 pm

silramil a écrit :[
Métaphysique est neutre.
Parce qu'ils ne renvoient pas aux même objets.
Je serais quand même curieux de savoir qui, sur ce fil, peut dire: "Je comprends en gros ce que recouvre le terme "métaphysique" au moment où les autres l'emploient."

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Message par silramil » lun. janv. 11, 2010 2:03 pm

MF a écrit :
silramil a écrit :Une machine est humaine, car conçue par l'homme, pour l'homme.
Mouarf !
J'ai cité hier Varley avec le cycle de Gaïa. Je pourrais tout aussi bien te faire une liste de nouvelles de SF (Brown, Padgett, Sheckley, Dick, Van Vogt, Asimov... la liste serait longue) où le héros (homme ou humanité) est confronté à une machine qui n'est pas conçue par l'homme et encore moins pour l'homme.

Tu sais, ces trucs étranges dont ceux sur lesquels il y a une pancarte : "Ne pas appuyer sur le bouton rouge".
Hum. Une machine conçue pour attirer la curiosité et détruire n'est pas compréhensible par l'homme?

En fait, il y a une source infinie de malentendus autour d'une chose très simple. Tout ce que l'esprit humain peut concevoir est humain, sinon maintenant, du moins dans le futur.
Seul l'inconcevable est inhumain. La SF est plutôt la littérature de la réduction de l'inhumain (négociation, comme dit plus haut notamment par Shalmaneser) que de l'affirmation de l'inhumain radical (ça c'est la fantasy et le fantastique).

Il arrive qu'une histoire joue sur une rupture, présente un inconnaissable (Solaris, pour ne prendre qu'un exemple). Cela ne signifie pas que ce soit absolument inconnaissable, juste que les héros ont échoué. D'autres réussiraient peut-être...

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Message par MF » lun. janv. 11, 2010 2:03 pm

Transhumain a écrit :Autre chose : la SF est la littérature positiviste par excellence. Or la notion de Progrès contient elle-même une sérieuse dose de téléologie : s'il y a progrès - selon Bacon et ses continuateurs -, il y a amélioration, on tend vers un idéal, un but à atteindre. Par ailleurs, le but de la recherche pure est bien de comprendre l'univers, de s'approcher de son origine, de nos origines, et d'imaginer son évolution. Comment dès lors s'étonner que la science-fiction s'intéresse autant aux questions métaphysiques ?
Si tu précises une partie de la SF, je suis d'accord.
Sinon, il va être difficile de faire coller une bonne partie de la SF "politique" et de grands pans du "apo/post-apo".
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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