Thomas Geha a écrit :Lem a écrit :... à forger une définition qui rende compte correctement du corpus, je pense (je crois, j'espère) que la plupart des malentendus qui brouillent sa réception finiraient par se dissiper.
Par contre, et Serge Lehman pourra sans doute me contredire s'il le souhaite, mais on pressent dans sa phrase comme un désir d'ôter à notre genre favori une partie de ce qui a fait sa réception auprès du grand public (les fameux "malentendus" dont, au final je ne vois pas ce qu'ils regroupent).
Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà écrit trop souvent : il de s'agit pas de retrancher mais d'ajouter. Il s'agit de créer une définition qui soit à la hauteur du genre afin que, devant un texte de SF, n'importe quel lecteur soit capable de se placer dans le "bon état d'esprit".
Nous, nous savons faire ça parce que nous avons beaucoup lu. Nous avons une définition intuitive, empirique de la SF qui fait que nous sommes prêts à tout en attaquant la première page d'un texte. Sous l'étiquette, on peut aussi bien trouver
Exhalaison de Ted Chiang que
Replay de Ken Grimwood. Nous ne sommes pas étonnés, encore moins scandalisés, de découvrir que le spectre est aussi élastique.
Mais manifestement, pour beaucoup de lecteurs, ce n'est pas le cas. Certains pensent que si le texte est solide scientifiquement, ce n'est pas de la SF mais du roman scientifique (c'est ce qu'avait écrit un critique de Libé à propos des
Racines du Mal de Dantec qui était selon lui "à la pointe des derniers développements de l'informatique"). Certains pensent que si le texte ne se passe pas dans le futur, ce n'est pas de la SF (comme Robert Merle l'a écrit en préface de
Un animal doué de raison où on le voit longuement s'interroger : "si ce livre n'est pas de la SF, alors qu'est-il ? De la politique-fiction ?, etc"). Certains pensent au contraire que si le livre n'est pas rigoureux sur le plan scientifique, alors il n'est pas de la science-fiction… Sans compter tout ceux pour qui le terme signifie simplement "un n'importe quoi délirant".
On peut accepter cette situation, voire la trouver amusante. Moi, je la trouve préjudiciable. On peut aussi, comme Oncle l'a fait souvent, dire : "les gens n'ont qu'à découvrir la SF au bon moment, au bon âge, sinon tant pis". Mais pour qui souhaite son développement ici, c'est quand même se tirer une balle dans le pied. Et on peut aussi être indifférent au fait que la SF perd la plupart de ses lecteurs quand ils deviennent adultes, en partie parce que les messages qu'ils reçoivent du bain culturel ambiant en font un truc pour ado. Mais pour les auteurs et les éditeurs, ça ressemble quand même à un suicide.
Je ne dis pas qu'une bonne définition règlera tout ça ; je dis juste qu'elle ne peut pas faire de mal.