Du sense of wonder à la SF métaphysique

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MF
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 3:05 pm

Lensman a écrit :Si c'est de la fiction, c'est de la fiction… un roman de science-fiction peut AUSSI être un manifeste barjo, ça arrive.
Ouais, mais j'ai un rayon spécialement dédié à ces livres.

Avec des portes blindés et des cadenas inviolables.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 3:08 pm

Lem a écrit :
C'est la même chose avec En remorquant Jehovah. Morrow réifie l'image. Dieu est mort, son cadavre flotte sur l'océan et il faut le remorquer jusqu'à la banquise pour éviter qu'il se décompose. Il y a évidemment une dimension allégorique ici mais tant que l'auteur construit son histoire sur les développements logiques de son image-source, il se tient sur la ligne de crète où l'Effet se produit à l'état pur et conduit au classement SF potentiel du texte.
C'est un exemple intéressant. Pour ma part, il ne m'est pas venu à l'idée de voir ce texte comme de la SF. Qu'y a-t-il de SF, là dedans?
Oncle Joe

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 3:10 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :Si c'est de la fiction, c'est de la fiction… un roman de science-fiction peut AUSSI être un manifeste barjo, ça arrive.
Ouais, mais j'ai un rayon spécialement dédié à ces livres.

Avec des portes blindés et des cadenas inviolables.
Sage précaution… mais je ne vois plus très bien où on voulait en venir…
Oncle Joe

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MF
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 3:17 pm

Lem a écrit :Dans mon énumération des réifications possibles de "tueurs de temps", celle des hommes capables d'arrêter le temps, de figer la scène est la première à susciter l'Effet, même si rien n'est expliqué, même si aucune rationalisation n'est donnée. La condition, c'est que le texte soit gouverné par les conséquences logiques de la réification : la consistance interne du développement est le critère qui permet de classer le texte en SF.
... classer le texte dans TA SF.
Je peux sans problème imaginer un roman racontant la saga d'un brave garçon avec épée magique affrontant des dieux monstrueux pour offrir aux hommes l'immortalité – mais si ces dieux se nomment explicitement "Temps", "Vieillesse" et "Entropie", le caractère allégorique repasse devant. On retourne carrément à la mythologie homérique, avec le même cahier des charges.

C'est la même chose avec En remorquant Jehovah. Morrow réifie l'image. Dieu est mort, son cadavre flotte sur l'océan et il faut le remorquer jusqu'à la banquise pour éviter qu'il se décompose. Il y a évidemment une dimension allégorique ici mais tant que l'auteur construit son histoire sur les développements logiques de son image-source, il se tient sur la ligne de crète où l'Effet se produit à l'état pur et conduit au classement SF potentiel du texte.
Paradoxalement, justifier l'image à l'aide de trucs superscientifiques serait une erreur.
Je crois qu'une des lignes de faille est précisément là.

Lis Pratchett. Tu y trouveras tout ce que tu décris depuis 3 pages. Y compris les justifications supescientifiques.

Sauf qu'il joue sur le nonsense plutôt que sur la réification de métaphore.
Une version anglosaxonne de l'usage des mots vs. une version francolatine.
Modifié en dernier par MF le jeu. janv. 21, 2010 3:17 pm, modifié 1 fois.
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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 3:17 pm

Lem a écrit : Si la réification est celle que tu décris – le temps est une personne, comme l'entropie –, l'effet n'est pas le même. Un registre explicatif est impliqué d'emblée et déplace l'horizon d'attente du lecteur : au lieu de négliger le caractère implausible de l'image-source pour se concentrer sur ses conséquences logiques, il est confronté à une version de la même image-source dont il ne peut ignorer l'impossibilité. C'est une façon pour l'auteur d'indiquer au lecteur quelle position cognitive il doit adopter : celle qui convient pour apprécier une fable, une allégorie. Et je me demande même si ce n'est pas incompatible avec la fantasy. Je peux sans problème imaginer un roman racontant la saga d'un brave garçon avec épée magique affrontant des dieux monstrueux pour offrir aux hommes l'immortalité – mais si ces dieux se nomment explicitement "Temps", "Vieillesse" et "Entropie", le caractère allégorique repasse devant. On retourne carrément à la mythologie homérique, avec le même cahier des charges.
Et elle est où la métaphore réifiée dans la Hard-Science ?
Et dans la trilogie martienne de Robinson, il est où le jeu sur le langage ?
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 3:19 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :En remorquant Jehovah.
C'est un exemple intéressant. Pour ma part, il ne m'est pas venu à l'idée de voir ce texte comme de la SF. Qu'y a-t-il de SF, là dedans?
La même chose que dans Le géant noyé. La même chose que dans Les six doigts du temps, C'est vraiment une bonne vie, Le don, La maison de rendez-vous, La bibliothèque de Babel, Replay, L'autre côté du rêve… Un "truc" difficile à définir qui fait que le texte est classable (de façon non-exclusive) dans la SF bien que la merveille ne soit pas rationalisée. On est à la limite du domaine, je suis d'accord. Mais n'est-ce pas là justement, sur la frontière, que l'effet SF s'observe pour ainsi dire à l'œil nu et qu'il y a le plus à apprendre sur lui ? Si ces textes peuvent être classés SF, c'est qu'ils partagent quelque chose avec ceux qui sont cœur de genre, pleins de techno et de futur. Conclusion logique : ce qu'ils partagent n'est pas la techno et le futur mais autre chose, que j'essaie de définir.

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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 3:23 pm

Lem a écrit :[Conclusion logique : ce qu'ils partagent n'est pas la techno et le futur mais autre chose, que j'essaie de définir.
Sauf que dans "le géant noyé", il y a précisément une commission scientifique, et une étude rationnelle. On est bel et bien dans les "images de la science", les eikon. Ce texte n'a de sens QUE dans le contexte technoscientifique.
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Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 3:25 pm

Erion a écrit :Et dans la trilogie martienne de Robinson, il est où le jeu sur le langage ?
Mars la rouge, la verte, la bleue – ça ne paraît pas suffisant comme image ? La hard science, c'est le fait d'en faire une image plausible scientifiquement (compatible avec l'état des connaissances scientifiques actuelles et maniaquement vérifiée dans le détail).

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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 3:26 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :En remorquant Jehovah.
C'est un exemple intéressant. Pour ma part, il ne m'est pas venu à l'idée de voir ce texte comme de la SF. Qu'y a-t-il de SF, là dedans?
La même chose que dans Le géant noyé. La même chose que dans Les six doigts du temps, C'est vraiment une bonne vie, Le don, La maison de rendez-vous, La bibliothèque de Babel, Replay, L'autre côté du rêve… Un "truc" difficile à définir qui fait que le texte est classable (de façon non-exclusive) dans la SF bien que la merveille ne soit pas rationalisée. On est à la limite du domaine, je suis d'accord. Mais n'est-ce pas là justement, sur la frontière, que l'effet SF s'observe pour ainsi dire à l'œil nu et qu'il y a le plus à apprendre sur lui ? Si ces textes peuvent être classés SF, c'est qu'ils partagent quelque chose avec ceux qui sont cœur de genre, pleins de techno et de futur. Conclusion logique : ce qu'ils partagent n'est pas la techno et le futur mais autre chose, que j'essaie de définir.
Mais vu la réponse de Joe, ces textes ne partagent pas avec le corpus SF de Joe.
Tu devrais donc obtenir, en sortie, ce qui caractérise TA SF.

C'est le problème. Je pense que tout le monde est d'accord sur le noyau, le cœur de genre.
C'est sur les marches du royaume, sur les bords que les avis et les positions divergent.
Donc, si tu cherches à définir la caractéristique commune des textes situés sur ta frontière, tu auras sans doute ce qui te caractérise en tant que lecteur de SF.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 3:28 pm

Pardon mais cette phrase me paraît tellement typique des extrémités auxquelles tu es conduit pour maintenir ta position que je ne résiste pas au plaisir d'utiliser un porte-voix pour l'enregistrer :
Erion a écrit :Le géant noyé de J. G. Ballard n'a de sens QUE dans le contexte technoscientifique.
(Relis le texte, franchement.)

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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 3:29 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :Et dans la trilogie martienne de Robinson, il est où le jeu sur le langage ?
Mars la rouge, la verte, la bleue – ça ne paraît pas suffisant comme image ? La hard science, c'est le fait d'en faire une image plausible scientifiquement (compatible avec l'état des connaissances scientifiques actuelles et maniaquement vérifiée dans le détail).
Ouais, "la Terre est bleue comme une orange"

Ou "la planète bleue"
Et Mars était désignée comme "la planète rouge" avant même qu'un seul auteur de SF s'empare du truc.

A ce train là, les journalistes et les poètes sont tous des auteurs de SF.
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » jeu. janv. 21, 2010 3:31 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :Et dans la trilogie martienne de Robinson, il est où le jeu sur le langage ?
Mars la rouge, la verte, la bleue – ça ne paraît pas suffisant comme image ?
C'est méga-léger, comme argument.
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silramil
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Message par silramil » jeu. janv. 21, 2010 3:35 pm

MF a écrit :
L'incertitude sur le résultat d'une décision n'est pas une caractéristique de l'indécidabilité. Au contraire.
Le lecteur ne prend aucune décision. Il n'affecte pas le texte.
S'il interprète ce roman comme de la SF, il a des raisons pour ça.
S'il l'interprète comme de la fantasy, il a aussi des raisons.
Mais aucune interprétation ne permet de décider du statut du monde fictionnel. Les informations fournies à l'intérieur ne permettent pas de clore le débat.

Essaie d'avoir un débat du même genre sur Terremer ou sur Mars la rouge. Tu auras du mal à convaincre tes interlocuteurs qu'une interprétation du premier comme science-fiction ou du second comme fantasy a le moindre intérêt. Dans ces cas-là, le statut est décidable, sans interprétation particulière.

Je ne conteste pas ton droit à l'interprétation, mais à la décision : on ne peut décider du statut exact de La Saison de la sorcière. On peut simplement avoir plusieurs regards à son sujet.
Dans la Saison de la Sorcière, ce n'est pas (amha) la notion d'informatique qui est importante mais la notion de réseau.
Et pour continuer sur ta lancée, lorsque Bobby (Comte Zéro) rencontre des Loa dans le cyberspace, est-ce que ça fait du cyberspace une simple projection du culte vaudou ?
Dans un cas, la magie fait partie du monde, et l'informatique permet de s'en servir. Ou bien, l'informatique permet de capter une certaine forme d'énergie, parfaitement explicable et rationnelle. Lequel des deux? Nous l'ignorons. Le statut exact du monde de la fiction reste indécidable.
(par ailleurs, savoir la réponse à cette question n'apporterait pas grand-chose au roman...)

Dans l'autre, le cyberspace est un univers virtuel évolutif où peuvent se développer des entités conscientes, lesquelles choisissent de se manifester sous la forme de Loas. Je ne vois pas beaucoup de marge pour l'indécision ici.

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 3:40 pm

MF a écrit :Tu devrais donc obtenir, en sortie, ce qui caractérise TA SF.
C'est le problème. Je pense que tout le monde est d'accord sur le noyau, le cœur de genre.
C'est sur les marches du royaume, sur les bords que les avis et les positions divergent.
Donc, si tu cherches à définir la caractéristique commune des textes situés sur ta frontière, tu auras sans doute ce qui te caractérise en tant que lecteur de SF.
Comme je l'ai dit bien des fois : aucun problème.
Je manifeste effectivement ici mes préjugés : je pensais que la plupart des fans considéraient que Les six doigts du temps, C'est vraiment une bonne vie, Le don, L'autre côté du rêve etc étaient de la SF (tous ces textes ont été publiés sous le label). Je pensais aussi qu'ils considéraient que La maison de rendez-vous, La bibliothèque de Babel, Replay, étaient des cas-limites mais pouvaient être classés dans la SF et avaient donc des choses à nous apprendre sur elle (un cas-limite n'est pas hors de l'ensemble ; cf Kein "La maison de rendez-vous, un roman de science-fiction ?", cf Sadoul sur Borgès dans son Histoire.)
Ce n'est apparemment pas le cas.
Ce n'est pas grave. Chacun se coordonne ou non, décide s'il se reconnait dans ma démarche ou non. C'est fait pour ça.

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 3:45 pm

Roland C. Wagner a écrit :C'est méga-léger, comme argument.
Oui. Mais on ne peut pas dire que vos contre-analyses soient en acier trempé, non plus. Je m'adapte.

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