Du sense of wonder à la SF métaphysique

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silramil
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Message par silramil » jeu. janv. 21, 2010 7:19 pm

Lem a écrit :
silramil a écrit :"le temps apparaît comme tel" ? qu'est-ce à dire? que montrer une scène où tout est immobile suffit à faire "apparaître le temps"?
Oui. C'est une image du temps. On montre ce qui se passe quand il n'est pas là. C'est une image négative, inversée mais elle fonctionne : elle donne à voir quelque chose qui est très difficile à représenter, provoque un choc esthétique et cognitif quand on le reçoit et permet, d'une certaine manière, de percevoir le temps autrement. Il y a quelque chose de très profond là-dedans et dans cette profondeur, il y a une vue sur le temps.
Soit. J'y réfléchis.
'il n'y a pas qu'un seul contexte pertinent pour ce type de réification (c'est-à-dire une matérialisation concrète, et non un jeu sur les mots comme dans les exemples de gangsters). La fantasy le fait, comme la SF. Et je pense qu'il y a des exemples possibles, sans jeu de mot, dans la littérature réaliste.

L'expression "son monde explosa", peut être une image figée : quelqu'un perd tout ce qu'il aimait en un instant. Mais cela peut devenir concret selon le contexte.
En SF, ça peut vouloir dire que quelqu'un vient de faire sauter une planète.
En fantasy, ça peut désigner l'oblitération intégrale d'un royaume magique.
En littérature réaliste, ça peut renvoyer à la démolition de la maison qu'un vieil homme a habitée toute sa vie et qu'il ne voulait pas quitter.
OK pour tout ça. Mais suis-moi bien, je vais essayer de te montrer le truc difficile :

J'écarte d'abord "Son monde explosa" en mode mainstream (ton dernier cas) qui est une pure métaphore, non réifiée. Quand on regarde "monde" dans un dictionnaire, on trouve d'abord "ensemble de tout ce qui existe", ensuite "Terre", etc…. Quand on pense "monde", dans la plupart des cas, on fait la même chose. Quand on dit "le monde" dans une conversation, on pense très rarement "ma maison". Il y a un sens propre et des sens plus ou moins figurés, métaphoriques. La maison comme monde, c'est une métaphore et elle est utilisée comme telle dans le roman réaliste : pour poétiser une situation humaine.
SI tu permets, ce qui est réifié n'est pas "maison = monde", mais "son monde explosa = sa maison fut dynamitée", c'est-à-dire le fait de prendre au pied de la lettre une expression figée et de lui redonner un sens concret.
J'admets que l'effet produit n'est pas le même ; il n'a jamais été dans mon intention de prétendre que la réification d'une métaphore dans un récit de SF produit le même effet que le même procédé dans un récit réaliste.
Je cherche à t'inciter à réexaminer le lien exclusif que tu me sembles faire entre "réification de métaphore" et "effet propre à la SF".
Cela dit, la suite de ton argumentation part dans une direction un peu différente.
Restent le monde magique de la fantasy et la planète de la sf. OK. Incontestablement, il y a d'un côté une réification dans un cadre magique, de l'autre la même chose dans un cadre scientifique. La métaphore réifiée n'est apparemment pas le privilège de la SF. Ai-je bien compris ton argument ?
C'est ce que j'entendais démontrer, sans préjuger de ce qu'on peut en déduire.
Le truc difficile est ici : il y a une réification antérieure à ces deux-là. Antérieure à la magie, antérieure à la science. Il y la réification "neutre" disons – celle qui consiste à matérialiser l'image sans expliquer comment ni pourquoi. Qui n'a besoin d'importer aucun système extérieur pour se justifier (la magie, la science) parce que ce qui la justifie, c'est la cohérence interne dans la façon dont elle décline les conséquences de la réification.
Je me permets de couper ici ta démonstration, avant d'en venir à ton exemple.

"Antérieur". Ce terme est particulier, mais il me plaît, je ne le conteste pas. Entendons-nous bien, cela implique que ce qui est fait en fantasy ou en SF peut être considéré comme une évolution (un raffinement? un progrès? ne relançons pas ce débat) par rapport à ce qui est fait dans la littérature qui ne se préoccupe pas de matérialiser un monde de fiction.

Parler comme tu le fais "d'importer un système extérieur pour se justifier" me laisse un peu perplexe, mais intuitivement, cela me convient.

J'accepte donc de bon gré les prémisses.
C'est ce que fait Borgès avec La bibliothèque de Babel : il ne dit évidemment (et heureusement) rien des échafaudages et des quantités de briques dont la Bibliothèque a eu besoin parce que ça la détruirait instantanément : elle est un monde clos, autonome, gouverné par la logique, c'est tout.
Tout à fait d'accord. C'est même parce qu'il ne dit rien des briques que je considère ce texte (par ailleurs fascinant) comme hors SF, même s'il utilise des procédés communs avec la littérature matérialiste (ah, les descriptions des rayons, des livres, des dispositions de signes sur les pages !). C'est un vertige logique, qui ne produit pas un monde, mais un mirage.
C'est la même chose avec mon exemple des tueurs de temps sur Saint-Germain : ils arrêtent le temps, ils le relancent, on n'explique rien, on se contente de regarder les conséquences de cet état de chose. Ce n'est pas plus scientifique que magique, c'est neutre.
Mouaif. tout dépend du texte exact, dans ce genre de cas (j'ai pas suivi, c'est un exemple tiré de quelque part?) Si c'est simplement burlesque, ou absurde, ou contemplatif, alors, OK, je le mets avec Borges. ça pourrait être aussi un texte ambigu, entre magie et science. Mais je ne vais pas pinailler, restons sur Borges pour la suite.
Or que constaté-je quand je lis ces textes "neutres" ? Que je ressens, que beaucoup de lecteurs et de critiques (mais peu ici, apparemment) ressentent l'effet SF. Certains diront peut-être que c'est du fantastique. D'autres diront (dans l'exemple de Saint-Germain), que c'est de la fantasy urbaine. Pourquoi pas ? Mais historiquement, la SF a toujours fait bon accueil/repéré/engendré ce genre de textes. C'est donc qu'elle a reconnu en eux un élément de sa propre nature.

Est-ce que tu comprends mieux ce que je cherche ? Avant toute immersion dans un système rhétorique ou esthétique, il y a une réification neutre et elle produit l'effet SF. On est aux limites du domaine ; il n'y a ni futur, ni science ; il n'y a que des images, des concepts, des idées, des faits de langue extraordinaires matérialisés par la littérature.
La démonstration me paraît limpide... mais ai-je vraiment saisi?
Il me faut reformuler, comme ça nous verrons si je t'ai bien compris.

Il existe un procédé (je simplifie) qui stimule l'imagination d'une manière particulière, suscitant un émerveillement fondé sur un vertige logique = le lecteur a l'impression de saisir une réalité ineffable, qui le déborde, mais qu'il ne tient pas pour pur fantasme ou jeu de mot.

Ce procédé, quoique indépendant de la science-fiction publiée, a trouvé dans cette espèce littéraire un terreau accueillant, à tel point qu'il peut être tenu pour un aspect essentiel de la SF. Selon tes termes, il "produit l'effet SF".

Par conséquent, limiter la réflexion sur la science-fiction au corpus publié sous étiquette, c'est s'interdire de voir ce qui fonde un de ses aspects essentiels, parce que l'effet SF vient, paradoxalement, d'un procédé qui ne fait pas partie intégrante du domaine.

Borges, dans cette réflexion, devient la pierre de touche de cet effet SF, l'exemple pur d'un effet SF sans SF, en quelque sorte.

A supposer que j'aie bien compris et reformulé, cela pose au moins un problème.
Le paradoxe d'un procédé antérieur à la SF, mais à ce point constitutif de l'effet SF que les oeuvres hors-SF qui l'emploient peuvent être annexés à la SF ne me paraît pouvoir être résolu que par le haut. Cela implique de renoncer à vouloir définir la SF par ce procédé, pour plutôt présenter la SF comme un des lieux où se manifeste (dans les meilleures conditions?) ce procédé habituellement confiné à des fantaisies ou des jeux logiques.

Il ne semble pas qu'on puisse, au contraire, lancer une vaste opération d'annexion de tous les textes suscitant cet effet. Je crois quand même que l'effet SF est spécifique à la SF publiée sous ce nom, et que ce qui y ressemble, en étant à l'extérieur, fonctionne différemment. Je ne dis pas ça par pur nominalisme, mais parce que cet aspect-là se combine à d'autres éléments et que l'alliage SF n'est pas réductible à l'un de ses composants.

Borges comme pierre de touche, oui. Mais la pierre de touche est différente du métal qu'elle sert à évaluer. (image foireuse, mais qui traduit bien ma pensée).

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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 7:22 pm

Lem a écrit : Mais je ne peux pas me contenter de cette définition. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent de Ted Chiang est un classique de la SF. Il a raflé les prix Locus, Nebula et Hugo en 2002. Et d'après ta définition, ce n'est pas de la science-fiction (le monde de la nouvelle n'a aucune chance potentielle d'arriver jamais dans notre univers rationnellement plausible).
Désolé – pour moi.
"classique" c'est pousser le bouchon un peu loin. Et Harry Potter a eu le Hugo en 2001. En quoi Harry Potter est un texte de SF ?

Cela dit, je dois avouer que dans le recueil "La tour de Babylone", c'est le seul texte que j'ai pas pu finir, tellement il m'a ennuyé. Pour moi, il n'y a pas eu d'émotion SF en lisant ce texte, alors que dans "Division par zéro", c'est beaucoup plus net.
Et Ted Chiang dit que l'inspiration de "L'Enfer quand Dieu n'est pas présent", c'est un film fantastique : la prophétie de Gregory Widen.
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Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 7:25 pm

MF a écrit :
Lem a écrit :Mais je ne peux pas me contenter de cette définition. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent de Ted Chiang est un classique de la SF. Il a raflé les prix Locus, Nebula et Hugo en 2002.
Ça n'en fait pas forcément une œuvre de science-fiction. Si ?
Sauf erreur de ma part, ces 3 prix récompensent, dans la catégorie "best novelette", tant des œuvres de Science-Fiction que de Fantasy.
Chiang a lui-même indiqué dans une interview que c'était de la "straight fantasy."
Bah. Le texte a été publié dans une antho de SF (Starlight 3). Il a reçu trois prix SF. Il a été publié en France dans une revue de SF. Je l'ai lu comme tel, ainsi que beaucoup de lecteurs apparemment, et ça ne m'a vraiment posé aucun problème. C'est l'ensemble large (mais pas plus large que les collections spécialisées et quelques outsiders) que j'ai toujours appelé la science-fiction. Un truc ouvert et curieux de tout, pas un bunker on il faut donner un échantillon d'adn à l'entrée. Si c'est publié comme tel, c'est que c'en est.

Mais si le texte de Chiang pose trop de problème, je change. Repense à Faire voile de Farmer et à tout ce qu'Oncle appelle la science-fiction-fiction ? Est-ce que ça a la moindre chance d'arriver dans notre univers rationnellement plausible ? Vous voulez vraiment une définition qui vous prive de trucs aussi géniaux ?

Giangi
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Message par Giangi » jeu. janv. 21, 2010 7:25 pm

Lem a écrit :
Giangi a écrit :Personnellement, il a assez longtemps que je me contente de ce qui n'est pas vraiment une définition, plutôt une sorte de bornage :
La SF, c'est des fictions dont la caractéristique est de se dérouler dans des portions de l'histoire collective de l'humanité, imaginaires, mais potentielles, et qui à ce titre font partie de notre univers rationnellement plausible. Il me semble que cela permet d'inclure les textes que tu cites ici et, je crois, de simplifier un peu le débat…
Je comprends l'envie de simplifier, pas de problème.
Et je n'oblige personne à se poser les questions que je me pose.
Mais je ne peux pas me contenter de cette définition. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent de Ted Chiang est un classique de la SF. Il a raflé les prix Locus, Nebula et Hugo en 2002. Et d'après ta définition, ce n'est pas de la science-fiction (le monde de la nouvelle n'a aucune chance potentielle d'arriver jamais dans notre univers rationnellement plausible).
Désolé – pour moi.
Pas lu, hélas. Mais l'autorité de ce critère institutionnel est-elle suffisante ? Harry Potter and the Goblet of Fire de Rowling a bien eu le Hugo en 2001. Est-ce de la SF pour autant ? Et le Locus, sauf pour les romans où il a deux catégories identifiées, n'est pas estampillé obligatoirement SF : la même année 2002 que tu cites, en catégorie "Collection" c'est Terremer d'UKLG qui l'a eu (Tales from Earthsea)... Est-ce de la SF ?
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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 7:26 pm

silramil a écrit : Il existe un procédé (je simplifie) qui stimule l'imagination d'une manière particulière, suscitant un émerveillement fondé sur un vertige logique = le lecteur a l'impression de saisir une réalité ineffable, qui le déborde, mais qu'il ne tient pas pour pur fantasme ou jeu de mot.

Ce procédé, quoique indépendant de la science-fiction publiée, a trouvé dans cette espèce littéraire un terreau accueillant, à tel point qu'il peut être tenu pour un aspect essentiel de la SF. Selon tes termes, il "produit l'effet SF".

Par conséquent, limiter la réflexion sur la science-fiction au corpus publié sous étiquette, c'est s'interdire de voir ce qui fonde un de ses aspects essentiels, parce que l'effet SF vient, paradoxalement, d'un procédé qui ne fait pas partie intégrante du domaine.

Borges, dans cette réflexion, devient la pierre de touche de cet effet SF, l'exemple pur d'un effet SF sans SF, en quelque sorte.

A supposer que j'aie bien compris et reformulé, cela pose au moins un problème.
Le paradoxe d'un procédé antérieur à la SF, mais à ce point constitutif de l'effet SF que les oeuvres hors-SF qui l'emploient peuvent être annexés à la SF ne me paraît pouvoir être résolu que par le haut. Cela implique de renoncer à vouloir définir la SF par ce procédé, pour plutôt présenter la SF comme un des lieux où se manifeste (dans les meilleures conditions?) ce procédé habituellement confiné à des fantaisies ou des jeux logiques.

Il ne semble pas qu'on puisse, au contraire, lancer une vaste opération d'annexion de tous les textes suscitant cet effet. Je crois quand même que l'effet SF est spécifique à la SF publiée sous ce nom, et que ce qui y ressemble, en étant à l'extérieur, fonctionne différemment. Je ne dis pas ça par pur nominalisme, mais parce que cet aspect-là se combine à d'autres éléments et que l'alliage SF n'est pas réductible à l'un de ses composants.

Borges comme pierre de touche, oui. Mais la pierre de touche est différente du métal qu'elle sert à évaluer. (image foireuse, mais qui traduit bien ma pensée).
Tu n'aurais pas un don de lecture de la pensée, avec en plus un don pour reformuler les dites pensées de manière plus limpides?

Oncle Joe

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silramil
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Message par silramil » jeu. janv. 21, 2010 7:30 pm

Gérard Klein a écrit :
Maupassant dans Le Horla fait très explicitement référence à une espèce qui remplacera l'humain et donc à une théorie de l'évolution plus Lamarckienne que Darwinienne. Je détaille ça dans une de mes préfaces, probablement à L'échelle de Darwin ou Les enfants de Darwin. Donc l'annexion par la sf est légitime. Maupassant a d'autre part écrit une nouvelle L'homme de Mars qui en relève également. Pas les textes sous la main, mais faciles à trouver.
Je trouve l'annexion abusive compte tenu de la très forte ambiguïté (journal d'un fou, etc.) et de la proximité avec des thèmes fantastiques. A mes yeux, c'est surtout un texte fantastique, dont l'inclusion dans une histoire des précurseurs de la SF ne me semble pas apporter grand-chose. Cela dit, j'admets volontiers que des éléments plaident en faveur de son intégration dans la proto-SF, en particulier sur cette question de l'évolution.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » jeu. janv. 21, 2010 7:33 pm

Lem a écrit :Repense à Faire voile de Farmer et à tout ce qu'Oncle appelle la science-fiction-fiction ? Est-ce que ça a la moindre chance d'arriver dans notre univers rationnellement plausible ? Vous voulez vraiment une définition qui vous prive de trucs aussi géniaux ?
Houlà, très très mauvais exemple que la science-fiction-fiction.

Joseph Altairac a écrit :Waldrop, en choisissant l'épisode de la théorie phlogistique comme base de "…the World as we know't", souligne l'ambiguïté dérangeante de ces périodes précédant une révolution scientifique fondamentale, un changement profond de paradigme qui bouleverse notre conception du monde.(…)

Avec "Sail on! Sail on!", c'est Farmer le démiurge qui se révèle : comment devenir un petit dieu ? (31) La postface à la nouvelle constitue en quelque sorte l'ébauche d'un manuel pour faiseur d'univers. Construire un univers-jouet est la réponse de Farmer au défi de la science-fiction-fiction : si une conception de l'univers s'avère fausse, pourquoi ne pas la rendre vraie artificiellement, pour les besoins de la cause ?

Dans "Ghost Lecturer", Ian Watson tourne les problèmes de cohérence inhérents à la science-fiction-fiction : plutôt qu'avec les concepts, c'est avec les mots et le langage qu'il préfère jongler, ce qui ne surprend guère de la part de l'auteur de The Embedding (L'Enchâssement). Le résultat, moins excitant pour l'esprit que les conjectures de Waldrop et de Farmer, qui jouent franchement le jeu de la science-fiction-fiction, s'avère en revanche très impressionnant d'un point de vue esthétique.

EDIT :


L'article complet :

Première partie
Deuxième partie
Troisième partie
Modifié en dernier par Roland C. Wagner le jeu. janv. 21, 2010 7:35 pm, modifié 1 fois.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 7:34 pm

Lem a écrit : Mais si le texte de Chiang pose trop de problème, je change. Repense à Faire voile de Farmer et à tout ce qu'Oncle appelle la science-fiction-fiction ? Est-ce que ça a la moindre chance d'arriver dans notre univers rationnellement plausible ? Vous voulez vraiment une définition qui vous prive de trucs aussi géniaux ?
Hm, voyons, Sail On, un texte sur une réalité alternative, avec des scientifiques et des philosophes, avec une radio dont la fréquence est mesurée en kilo-cherub (kc) et en continuous wingheit (cw), tout cela n'a aucun rapport avec les vrais termes de la radio dans notre monde réel. Aucun rapport.
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MF
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 7:36 pm

Lem a écrit :Il a reçu trois prix SF.
<RCW>
Non.
</RCW>
Il a reçu trois prix SFF.
Il a été publié en France dans une revue de SF. Je l'ai lu comme tel, ainsi que beaucoup de lecteurs apparemment, et ça ne m'a vraiment posé aucun problème.
Dans le même numéro que les razzies 2006. C'était un piège !
C'est l'ensemble large (mais pas plus large que les collections spécialisées et quelques outsiders) que j'ai toujours appelé la science-fiction. Un truc ouvert et curieux de tout, pas un bunker on il faut donner un échantillon d'adn à l'entrée. Si c'est publié comme tel, c'est que c'en est.
Et tu retombes sur la caractérisation à la mode Joe.
Mais si le texte de Chiang pose trop de problème, je change. Repense à Faire voile de Farmer et à tout ce qu'Oncle appelle la science-fiction-fiction ? Est-ce que ça a la moindre chance d'arriver dans notre univers rationnellement plausible ? Vous voulez vraiment une définition qui vous prive de trucs aussi géniaux ?
Ah, mais je ne cherche pas de définition. Comme ça, je ne me prive de rien.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 7:39 pm

Lem a écrit :
Mais si le texte de Chiang pose trop de problème, je change. Repense à Faire voile de Farmer et à tout ce qu'Oncle appelle la science-fiction-fiction ? Est-ce que ça a la moindre chance d'arriver dans notre univers rationnellement plausible ? Vous voulez vraiment une définition qui vous prive de trucs aussi géniaux ?
Moi, je ne veux PAS de définition, des caractérisations de courants et d'époques me vont très bien… Tu n'as pas répondu sur "Harry Potter": ça t'intéresse, une définition de la SF avec "Harry Potter" dedans?
Par ailleurs, comme tu sites mon vieil article sur la science-fiction-fiction (tu notes que je crée une catégorie, que je souligne l'aspect particulier de ces textes), tu verras que j'y accorde une certaine place au différents types de fonctionnement de textes. Et le commentaire de Farmer sur le sien est particulièrement passionnant. Ce ne sont pas les textes en eux-mêmes qui sont intéressants, c'est de réfléchir à ce qui fait qu'on va y adhérer (pas du tout, un peu, beaucoup) selon la manière dont l'auteur s'est positionné quant à la notion de paradigme scientifique. La réflexion qu'on porte dessus, pas l'esbaudissement devant un truc bizarre. Là, il y a bien un esprit de la SF, auquel on peut réfléchir.
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le jeu. janv. 21, 2010 7:46 pm, modifié 1 fois.

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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 7:45 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Mais prendre un immense corpus, avec, je ne sais pas "Ralph 124641+", "Ptah Hotep", "Révolte sur la lune", "En remorquant Jéovah" et dire: je vais trouver une définition qui fait tenir tout ça, notamment ces textes, cela ne me paraît pas avoir beaucoup de sens.
Aha ! C'est peut-être là que je fais preuve d'une fougue excessive (mais tu es bourré de dattes, tu ne vas pas me le reprocher). Car ces quatre textes ont indiscutablement un point commun : ils ont tous été publiés sous l'étiquette SF. Sadoul parle de tous sauf du Morrow dans son Histoire, mais c'est parce qu'il l'a écrite il y a trente-cinq ans. Si j'écrivais mon propre truc, je les citerais tous y compris le Morrow comme un intéressant cas-limite.
Et je poursuis : si ces quatre textes ont été publiés sous l'étiquette, c'est au minimum qu'ils ont été jugés SF par leurs éditeurs. Tu me diras : les éditeurs aiment bien jouer sur les marges, créer une tension entre le cœur de genre et des choses étranges, pas vraiment dedans. Pourquoi pas ? Mais ce faisant, les éditeurs ont aussi élargi la perception du genre, la position cognitive du lecteur : ils lui ont appris qu'en ouvrant un livre de SF, on pouvait tomber sur ce genre de choses (c'est ce que j'ai toujours considéré par exemple ; je n'ai jamais été déçu de ne pas trouver de sciences futures dans un texte de SF, je savais que j'aurais de toute façon l'Effet, d'une manière ou d'une autre). En publiant des trucs bizarres, pas vraiment dedans, sous l'étiquette, les éditeurs ont élargi le corpus et élargi la sensibilité de leurs lecteurs, poussé d'autres auteurs à se risquer dans les mêmes zones : bref ils ont élargi la SF. S'intéresser à celle-ci en 2010 implique de prendre tout ça en compte.

Tu dis souvent que la SF est un état d'esprit. Quand je parle de position cognitive, je dis à peu près la même chse. Tu dis souvent que la SF évolue. Je montre que s'intéresser aux marges et à la façon dont elles ont élargi le genre est une façon d'entériner ce processus. Je suis plus docile que tu ne crois.
N'oublie pas "Harry Pooter", prix Hugo…
Et "La fille du roi des elfes", de Dunsany, en PdF…
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 8:00 pm

silramil a écrit :La démonstration me paraît limpide... mais ai-je vraiment saisi?
Il me faut reformuler, comme ça nous verrons si je t'ai bien compris.
C'est bien quand c'est civilisé. Faisons ça.
Il existe un procédé (je simplifie) qui stimule l'imagination d'une manière particulière, suscitant un émerveillement fondé sur un vertige logique = le lecteur a l'impression de saisir une réalité ineffable, qui le déborde, mais qu'il ne tient pas pour pur fantasme ou jeu de mot.
En gros oui.
Ce procédé, quoique indépendant de la science-fiction publiée
Je ne dis rien là-dessus. Je ne sais pas si c'est ce que je pense – ni si c'est la bonne formulation. C'est un truc dont il faut qu'on reparle mais je l'enlève pour l'instant.
Ce procédé a trouvé dans la SF un terreau accueillant, à tel point qu'il peut être tenu pour un aspect essentiel de la SF. Selon tes termes, il "produit l'effet SF".
Disons ça.
Par conséquent, limiter la réflexion sur la science-fiction au corpus publié sous étiquette, c'est s'interdire de voir ce qui fonde un de ses aspects essentiels, parce que l'effet SF vient, paradoxalement, d'un procédé qui ne fait pas partie intégrante du domaine.
Je dirais plutôt à la place des italiques : qui peut s'observer ailleurs.
Borges, dans cette réflexion, devient la pierre de touche de cet effet SF, l'exemple pur d'un effet SF sans SF, en quelque sorte.
Tu es très près, oui.
Peut-on être encore plus précis ? Peut-être. "L'exemple d'une SF qui est pur effet" me paraît meilleur (l'effet SF sans la science, ok ; mais l'effet SF sans la SF ? S'il est là, c'est qu'elle y est aussi.)
A supposer que j'aie bien compris et reformulé, cela pose au moins un problème.
Le paradoxe d'un procédé antérieur à la SF…
Je crois que le problème vient de l'ambiguité du mot "antérieur".
Je ne l'utilise pas, pour parler de la réification "pure", comme d'un procédé antérieur dans le temps mais plutôt dans l'ordre de la complexité. Sans trop y réfléchir, je dirais ceci : la SF (donc l'effet) démarre pour moi avec Rosny et Wells. Dans les Xipéhuz, la réification utilise le lexique et le pouvoir de concrétisation de l'archéologie. Dans Time machine, celui de la physique. On est donc dans la SF cœur de genre. Il est très possible que l'Effet pur ne soit apparu (comme technique littéraire) qu'après. Je ne sais pas.
Pour re-transposer dans le domaine pictural, par exemple, certains abstraits ont théorisé leur peinture comme les retrouvailles avec des éléments graphiques "primordiaux". Ils ont dit : "sous la peinture d'une maison, ou d'un rivage, les objets représentés sont moins importants que la dynamique des horizontales et des verticales. Le pouvoir d'émotion est là." L'abstrait n'est pas antérieur au figuratif, évidemment. Pas dans le sens chronologique. Mais il utlise des figures "antérieures" à la figuration. Comprends-tu la nuance ?
…mais à ce point constitutif de l'effet SF que les oeuvres hors-SF qui l'emploient peuvent être annexés à la SF ne me paraît pouvoir être résolu que par le haut. Cela implique de renoncer à vouloir définir la SF par ce procédé, pour plutôt présenter la SF comme un des lieux où se manifeste (dans les meilleures conditions?) ce procédé habituellement confiné à des fantaisies ou des jeux logiques.
J'ai, moi, deux problèmes.
Je ne comprends pas le lien entre l'affaire de l'antériorité et le fait de devoir résoudre "par le haut".
Mais surtout (pour anticiper ton paragraphe suivant), je n'essaie pas du tout de me lancer "dans une vaste opération d'annexion de tous les textes" : je ne m'intéresse qu'à ce qui a été publié dans les collections labellisées qui ont toute la diversité nécessaire (et aux quelques outsiders influents, comme déjà dit).
Il ne semble pas qu'on puisse, au contraire, lancer une vaste opération d'annexion de tous les textes suscitant cet effet. Je crois quand même que l'effet SF est spécifique à la SF publiée sous ce nom, et que ce qui y ressemble, en étant à l'extérieur, fonctionne différemment. Je ne dis pas ça par pur nominalisme, mais parce que cet aspect-là se combine à d'autres éléments et que l'alliage SF n'est pas réductible à l'un de ses composants.
Disons que nos préjugés épistémologiques ne sont pas les mêmes. On ne sera donc jamais d'accord sur la nature de ce qu'on trouve. Tant pis.
Modifié en dernier par Lem le jeu. janv. 21, 2010 8:23 pm, modifié 1 fois.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 8:08 pm

Lem a écrit :
Il ne semble pas qu'on puisse, au contraire, lancer une vaste opération d'annexion de tous les textes suscitant cet effet. Je crois quand même que l'effet SF est spécifique à la SF publiée sous ce nom, et que ce qui y ressemble, en étant à l'extérieur, fonctionne différemment. Je ne dis pas ça par pur nominalisme, mais parce que cet aspect-là se combine à d'autres éléments et que l'alliage SF n'est pas réductible à l'un de ses composants.
Disons que nos préjugés épistémologiques ne sont pas les mêmes. On ne sera donc jamais d'accord sur la nature de ce qu'on trouve. Tant pis.
Autrement dit, notre immense discussion sert essentiellement à vérifier si nous avons, ou non, les mêmes préjugés épistémologiques? Remarquez, comme j'adore bavarder (hé hé), ça ne me dérange pas plus que cela...
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 8:19 pm

Lensman a écrit :Autrement dit, notre immense discussion sert essentiellement à vérifier si nous avons, ou non, les mêmes préjugés épistémologiques?
En fait oui. Saurons-nous aller jusqu'au bout et, une fois les désaccords constatés, clôturer ce fil bons amis ? Suspense…

(Et je ne vois pas l'intérêt de me relancer sur Harry Potter. Je n'ai jamais rien dit là-dessus. Je n'ai jamais écrit que tous les prix Hugo étaient SF. Et je suis sûr que vous faites tous parfaitement la différence entre la nouvelle de Chiang et le bouquin de Rowling. C'est votre truc "je fais semblant de ne pas comprendre" qui vous amuse tant, ok.)

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silramil
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Message par silramil » jeu. janv. 21, 2010 8:26 pm

Lem a écrit :[
Par conséquent, limiter la réflexion sur la science-fiction au corpus publié sous étiquette, c'est s'interdire de voir ce qui fonde un de ses aspects essentiels, parce que l'effet SF vient, paradoxalement, d'un procédé qui ne fait pas partie intégrante du domaine.
Je dirais plutôt à la place des italiques : qui peut s'observer ailleurs.
Soit.
Borges, dans cette réflexion, devient la pierre de touche de cet effet SF, l'exemple pur d'un effet SF sans SF, en quelque sorte.
Tu es très près, oui.
Peut-on être encore plus précis ? Peut-être. "L'exemple d'une SF qui est pur effet" me paraît meilleur (l'effet SF sans la science, ok ; mais l'effet SF sans la SF ? S'il est là, c'est qu'il y est aussi.)
Petit problème ici : cet effet n'est SF que par une valeur d'usage (parce que c'est là qu'il a été repéré) ; en réalité, il excède la SF, et pourrait avoir un autre nom ("effet merveille"?).
A supposer que j'aie bien compris et reformulé, cela pose au moins un problème.
Le paradoxe d'un procédé antérieur à la SF&#8230;
Je crois que le problème vient de l'ambiguité du mot "antérieur".
Je ne l'utilise pas, pour parler de la réification "pure", comme d'un procédé antérieur dans le temps mais plutôt dans l'ordre de la complexité. Sans trop y réfléchir, je dirais ceci : la SF (donc l'effet) démarre pour moi avec Rosny et Wells. Dans les Xipéhuz, la réification utilise le lexique et le pouvoir de concrétisation de l'archéologie. Dans Time machine, celui de la physique. On est donc dans la SF c&#339;ur de genre. Il est très possible que l'Effet pur ne soit apparu (comme technique littéraire) qu'après. Je ne sais pas.
Pour re-transposer dans le domaine pictural, par exemple, certains abstraits ont théorisé leur peinture comme les retrouvailles avec des éléments graphiques "primordiaux". Ils ont dit : "sous la peinture d'une maison, ou d'un rivage, les objets représentés sont moins importants que la dynamique des horizontales et des verticales. Le pouvoir d'émotion est là." L'abstrait n'est pas antérieur au figuratif, évidemment. Pas dans le sens chronologique. Mais il utlise des figures "antérieures" à la figuration. Comprends-tu la nuance ?
pas de souci, j'avais saisi que ce n'était pas nécessairement historique, mais il n'empêche que, comme dit plus haut, ça implique qu'on peut avoir cet effet sans les raffinements propres à la SF. ce qui pose le problème de ce qui est constitutif : l'effet à lui seul ne fait pas la SF.
Peut-être suis-je en train de jouer un peu sur les mots. Néanmoins, cela n'enlève rien à l'intérêt de rechercher et d'isoler spécifiquement ce procédé.
&#8230;mais à ce point constitutif de l'effet SF que les oeuvres hors-SF qui l'emploient peuvent être annexés à la SF ne me paraît pouvoir être résolu que par le haut. Cela implique de renoncer à vouloir définir la SF par ce procédé, pour plutôt présenter la SF comme un des lieux où se manifeste (dans les meilleures conditions?) ce procédé habituellement confiné à des fantaisies ou des jeux logiques.
J'ai, moi, deux problèmes.
Je ne comprends pas le lien entre l'affaire de l'antériorité et le fait de devoir résoudre "par le haut".
Je veux dire que si un procédé est commun à plusieurs types de texte, il est nécessaire de l'examiner à partir d'un corpus éclectique, comptant des textes de chaque type. de ce fait, il me paraît difficile de partir du corpus de SF pour examiner les oeuvres hors-SF, même marginales. Sinon, tu pars en ayant déjà défini ton point d'arrivée : cet effet est typiquement SF, et on l'observe dans d'autres textes, donc tous ces textes font partie d'une SF au sens large.
Il se peut que la SF, au contraire, soit un cas parmi d'autres.
Mais surtout (pour anticiper ton paragraphe suivant), je n'essaie pas du tout de me lancer "dans une vaste opération d'annexion de tous les textes" : je ne m'intéresse qu'à ce qui a été publié dans les collections labellisées qui ont toute la diversité nécessaire (et aux quelques outsiders influents, comme déjà dit).
Incorporer les outsiders fait partie de cette opération d'annexion. Je ne conteste pas les rapprochements éventuels, du moins par sur le principe. Mais il me semble qu'il est bien plus intéressant de chercher à organiser ces oeuvres dans un ensemble plus vaste, comprenant la littérature de science-fiction, que de chercher à faire de cette littérature l'ensemble lui-même. Il ne faut pas prendre la partie pour le tout, en somme.
Disons que nos préjugés épistémologiques ne sont pas les mêmes. On ne sera donc jamais d'accord sur la nature de ce qu'on trouve. Tant pis.
ça ne nous empêche pas de faire route dans une même direction.

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