Lensman a écrit :Lem a écrit :Lensman a écrit :grosso modo
Dans ce cas, quel sens le papier de GK peut-il avoir pour toi ? Rien que dans son incipit…
GK a écrit :Concernant le rapport hautement conflictuel entre l’humain et l’inhumain, commençons simplement par le commencement, il y a quelques dizaines voire centaines de milliers d’années…
… il mobilise un découpage du monde qui, apparemment, "ne veut rien dire" à tes yeux.
Quand je dis "ne veut rien dire", je te parle de MA position philosophique. Cela ne m'empêche pas d'essayer de comprendre ce que mon interlocuteur veut mettre dans ce qu'il dit. Le "découpage du monde", il peut être fait faute de mieux, compte tenu des difficultés considérables à discuter autrement.
Alors, en parlant de science par exemple (ou ailleurs), rien n'interdit de, comment dire?, "personnaliser", "désigner" le "non connu"; Mais il "n'existe" pas en lui-même, il est défini par une négation. C'est aussi une commodité de langage (du point de vue mathématique, ça ne marche pas très bien, à cause de problèmes compliqués, mais c'est assez "parlant").
Cela dit, je ne suis pas sûr du tout d'avoir bien cerné le concept d'"inhumain" dont parle Gérard, et j'attends sa distinction d'avec "altérité", qui va peut-être m'éclairer davantage…
C'est Dieu qui parle, tout de même… il vaut mieux faire attention, à tout hasard, comme disait un philosophe connu…
Oncle Joe
La distinction me semble pourtant claire. Je me répète:
"le terme d’altérité, proposé en substitution de ce que je nomme l’inhumain, me gène. Il affaiblit, amollit, l’hostilité indifférente de l’inhumain. L’altérité, pour moi du moins, suppose un autre, même si c’est le grand Autre (voire celui de Lacan,(encore?)), auquel on peut prêter de l’intention, y compris celle de discuter, de négocier, qu’on peut implorer, supplier, qui attend des sacrifices, etc. Il y a de cela certes dans les thèmes de l’extraterrestre et du robot. Mais dans sa radicalité, la science-fiction va beaucoup plus loin. Ainsi dans ce que pose Stanislas Lem à la fois dans Solaris et dans L’Invincible où il y a peut-être une intelligence autre mais avec laquelle la négociation n’a pas de sens, le dialogue est impossible. S’agit-il encore d’une altérité en dehors du fantasme d’une intelligibilité d’un inconnu?"
L'altérité suppose un autre ou un Autre. L'autre est déjà un comme soi, même s'il n'est pas soi. On lui prête un visage dirait Levinas.
L'inhumain, en sa face non-humain (voir mon premier post sur l'inhumain en tant que facteur du déni et/ou rejet de la science-fiction) n'est pas un autre. Le photon, ou l'électron, n'est pas un autre. Je peux lui prêter de la liberté (voir l'article passionnant déjà cité dans le Pour la science de décembre 2009, de JP Delahaye), je peux le mesurer à l'incertitude près, je peux le manipuler (dans une certaine mesure) mais je ne peux pas négocier, discuter avec lui.
C'est peut-être une question de langage mais pour moi elle est importante et il suffit de me lire attentivement pour comprendre la distinction que j'établis et qui n'est pas très originale.
Je redis qu'une raison importante du rejet/déni de la sf et, du reste, de la science qui est un plus gros morceau, est que la plupart des gens ne veulent pas avoir à faire avec du non-humain sauf si on leur promet/assure qu'il sera médiatisé par des spécialistes.
Le chercheur scientifique est quelqu'un qui s'aventure sur le terrain du non-humain. Cela ne signifie en aucune manière qu'il vise la théorie du tout (TOE). Même au 19° siècle, ça n'était que le point de vue de vulgarisateurs ou de philosophes (y a-t-il une différence, à considérer ceux qu'on voit sur les écrans de télévision?) et certainement pas celui de scientifiques sérieux. Le chercheur scientifique grignote le non-humain, parfois en prenant des risques intellectuels et physiques considérables. Cela ne veut pas dire qu'il prétend, ou a jamais prétendu, le dominer/maîtriser dans sa totalité.
L'écrivain de science-fiction, enfin celui qui m'intéresse, est le chantre de ce chercheur et de sa vérité (provisoire) (comme Homère fut celui du guerrier et de son honneur) non que le chercheur soit nécessairement son personnage principal. Mais d'une manière ou d'une autre, son champ, sa démarche, son but local, son objet.
Répondre à Lem serait trop long et trop lourd. Mais s'il me relit bien, les réponses qu'il attend sont déjà dans mes textes. Les autres au fond d'une bouteille de whisky japonais qui l'attend.
Sur un point, non l'animisme n'est nullement une théorie archaïque animale. S'il y a bien probablement une théorie de l'esprit chez les grands singes, il ne ne semble en aucune manière qu'ils en aient tiré une idéologie. L'animisme est une invention humaine qui a probablement mis bien des siècles ou des millénaires à se construire. Et elle est extraordinaire parce que supposant une négociation possible avec l'inhumain, elle invite à son exploration.
Oui, l'acceptation de ce qui dit non, du réel, est bien une condition de la pensée. La plupart des humains, du reste, ne pensent pas à proprement parler, parce qu'ils considèrent que toutes les réponses sont déjà dans l'humanière que ce soit sous la forme du courrier du cœur ou des romans de Gavalda ou de Werber, même si ces réponses ressassées, ils ne les connaissent pas encore toutes. D'où le succès des cartomanciennes et des "sujets supposés savoir", le psychanalyste, s'il n'est pas un charlatan, étant précisément celui qui sait ne pas savoir et qui transmet cette acceptation du non-savoir que d'aucuns nomment castration. Afin de permettre ensuite de découvrir l'autre et éventuellement le non-humain. Penser, c'est commencer par admettre qu'on ne sait pas et que personne ne sait. Provisoirement et dans un définitif quoique mouvant provisoirement.
Dieu (Moi mis à part) et le christianisme ne sont évidemment pas la réponse ultime à la question de l'inhumain. Celle du Bouddhisme et plus généralement de l'Extrême-Orient est autre et presque symétrique: elle ne nie pas l'inhumain, mais elle nie, ou du moins ôte toute importance à, l'humain impermanent face à l'inhumain. Ce qui ne va pas sans poser une sérieuse question quant à la place de la science au sens occidental dans cette perspective, et par extension, à celle de la science-fiction. Si la découverte indépassable est celle de l'impermanence, pourquoi se casser la tête à sonder l'inhumain?
Mon immortalité est provisoire.