Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » jeu. févr. 25, 2010 5:04 pm

Lensman a écrit :Ce qui est surtout flagrant, dans le texte (stupide) de Rinaldi, c'est qu'il considère que le vocabulaire scientifiquo-technologique (en tout cas, ce qu'il perçoit comme tel) n'a rien à faire dans la littérature.
Oui.
Mais alors, pourquoi ne pas faire la même déduction quand on trouve un critique qui se moque d'un texte plein de mots cosmiques pompeux en les qualifiant de "métaphysique-de-bazar" (c'est la même chose que "chimiste-en-goguette") ?
Ce qu'il pense de la science (s'il en pense quelque chose…), c'est plus difficile à dire.
Oui.
Mais alors, pourquoi ne pas faire preuve de la même prudence quand on tombe sur "métaphysique-de-bazar" au lieu de dire : "il aime la métaphysique, il n'aime pas le bazar") ?
Ce qui semble sûr, c'est que pour lui, il y a la science d'un côté, et l'art (littérature, ici) de l'autre.
Oui.
Mais alors, pourquoi ne pas déduire la même chose de ces critiques qui trouvent ridicule la présence de termes métaphysiques dans un texte littéraire ?
Pour moi, ça, c'est une vraie césure culturelle, une puissante ligne de partage qui ne nourrit pas nécessairement de liens avec ses positions philosophiques (s'il en a…)
Dans ce cas, pourquoi avoir spéculé sur les miennes ?

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. févr. 25, 2010 5:05 pm

silramil a écrit :
Lem a écrit :
bormandg a écrit :Tu interprètes Rinaldi avec un tel talent...
J'aime assez "Si ça se trouve, Rinaldi aime bien la bonne chimie."
On n'aura pas tout perdu.
Je n'ai pas saisi le débat, là.
L'interprétation de bormandg personnage de lem me paraît tout à fait judicieuse.
Autant le Rinaldi a l'air de détester la SF en général, autant il me paraît délicat de lui attribuer une détestation de la science en elle-même. C'est plutôt le discours technique de la science qui le perturbe, parce qu'il s'agit d'introduire des discours parasites là où, selon sa conception, il ne faudrait que de la peinture psychologique.
Si ça se trouve, il a beaucoup d'amis savants, qui n'aiment pas plus que lui le métissage de la science et de la fiction.
Je crois en effet qu'il a là une position caricaturale, certes, mais typique de notre système culturel "officiel": science d'un côté, arts de l'autre. Chacun à sa place.
Ecrire de la littérature avec des mots scientifiques, ce serait comme remplacer la farine par du ciment, en cuisine.

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silramil
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Message par silramil » jeu. févr. 25, 2010 5:09 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit : Ce qu'il pense de la science (s'il en pense quelque chose…), c'est plus difficile à dire.
Oui.
Mais alors, pourquoi ne pas faire preuve de la même prudence quand on tombe sur "métaphysique-de-bazar" au lieu de dire : "il aime la métaphysique, il n'aime pas le bazar") ?
Ben, si Rinaldi avait parlé de "science de bazar" pour parler de la science dans Houellebecq, on serait fondé à supposer qu'il oppose à cette science de bazar une autre science, respectable, elle.
Là, tout ce qu'on a, c'est une énumération des sujets scientifiques employés par H pour remplir son bouquin et bluffer son lecteur. (ce en quoi, je suis d'accord avec Rinaldi - difficile d'ailleurs de défendre la SF à partir d'un mauvais bouquin). Là, on est dans le flou.
Modifié en dernier par silramil le jeu. févr. 25, 2010 5:11 pm, modifié 1 fois.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » jeu. févr. 25, 2010 5:11 pm

bormandg a écrit :
GillesDumay a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :
Sand a écrit :expérience : tenter d'avoir une bourse d'écrivain en précisant explicitement que c'est pour écrire un livre de SF ou de fantasy.

(ça marche pas)
Je confirme, même si j'aurais tendance à penser que ça ne marche plus.
Les deux derniers dossiers CNL pour lesquels j'ai fait une "lettre d'éditeur", sont tous les deux passés.
Les projets d'écriture étaient SF et présentés en tant que tel.

GD
Merci de cette excellente nouvelle. Il y a peut-être une part de vrai dans l'affirmation lehmanienne de la possible "fin du déni". 8)
Sauf que plusieurs auteurs de science-fiction ont déjà obtenu des bourses du CNL sur des projets SF au début du siècle. J'ai moi-même eu droit à un peu de sous début 2002 sans projet précis, mais nib quatre ans plus tard alors que j'avais un projet en béton armé.

Sans indiscrétion, à quand remontent les dossiers en question, camarade directeur de collection ?
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Lensman
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Message par Lensman » jeu. févr. 25, 2010 5:11 pm

Lem a écrit :
Pour moi, ça, c'est une vraie césure culturelle, une puissante ligne de partage qui ne nourrit pas nécessairement de liens avec ses positions philosophiques (s'il en a…)
Dans ce cas, pourquoi avoir spéculé sur les miennes ?
Parce que, chez toi, c'est intéressant: tu ne rejettes pas ce type de vocabulaire, vu que tu es écrivain de SF! Les prises de position philosophiques des écrivains de SF (quand ils en ont…) m'intéressent.
Chez lui, c'est sans intérêt, car il rejette d'autorité la SF.
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Erion
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Message par Erion » jeu. févr. 25, 2010 5:13 pm

Lem a écrit : Au XIXème, cette pensée mêlée était encore certainement acceptable. Il suffit de lire Balzac ou Hugo. Elle a reculé sous l'effet du positivisme pur (non-religieux) et c'est en réaction à ce recul que s'est noué le travail de Bergson et l'adoration que lui ont vouée un certain nombre d'écrivains (dont Maurras, justement). Mais la première guerre mondiale a à peu près éteint cet élan. Et ne parlons pas de ce qui se passe à partir de 1950, qui est notre sujet. Le monde intellectuel dominé par Sartre ! Je suis sûr que tu vas y trouver une floraison de cultes rendus à l'Etre Scientifique Suprême et de visions eschatologiques.
C'est quoi dans "rapports ambigus et complexes" que tu as pas compris ?
Et tu as zappé le fait que Jean Jaurès avait participé aux banquets positivistes. C'est aussi une cause du déni, le fait que la gauche ait cru dans la science ? Ca expliquerait des choses pour la période gaullienne.

Tu balances le délire d'un gars sur la science et la religion en prétendant que c'est représentatif (de quoi, on se le demande). Je te réponds que ta manière de balancer l'argument du "rationalisme français" à tire-larigot pour pointer qu'il y aurait un mystère, est absurde.
Même à l'apogée de la Raison, on a eu le culte de l'Etre suprême, même Auguste Comte a viré religieux et mystique. Donc, ta citation ne prouve rien de rien. Il y a toujours ici et là des délires sur le sujet. Le "rationalisme français" n'est pas, et n'a jamais été un mur impénétrable opposé à toute mystique ou croyance.

Et quasiment toute la littérature futurologique est du même ordre. Tu prends Joël de Rosnay, Pierre Lévy, Negroponte, et tu as exactement les mêmes eschatologies, la même métaphysique de bazar.
Et l'étude, elle existe, c'est un livre de David Forest qui s'intitule "Le prophétisme communicationnel. La société de l'information et ses futurs" préfacé par Lucien Sfez.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par bormandg » jeu. févr. 25, 2010 5:20 pm

Lensman a écrit :
Je crois en effet qu'il a là une position caricaturale, certes, mais typique de notre système culturel "officiel": science d'un côté, arts de l'autre. Chacun à sa place.
Ecrire de la littérature avec des mots scientifiques, ce serait comme remplacer la farine par du ciment, en cuisine.

Oncle Joe
J'aurais mis des guillemets: Pour certains, "écrire de la littérature avec des mots scientifiques, ce serait comme remplacer la farine par du ciment, en cuisine".
Parce que pour d'autres, c'est rajouter un exhausseur de goût. Il arrive que cela ne gâche pas le plat. 8)
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Message par bormandg » jeu. févr. 25, 2010 5:25 pm

silramil a écrit :
Lem a écrit :
Lensman a écrit : Ce qu'il pense de la science (s'il en pense quelque chose…), c'est plus difficile à dire.
Oui.
Mais alors, pourquoi ne pas faire preuve de la même prudence quand on tombe sur "métaphysique-de-bazar" au lieu de dire : "il aime la métaphysique, il n'aime pas le bazar") ?
Ben, si Rinaldi avait parlé de "science de bazar" pour parler de la science dans Houellebecq, on serait fondé à supposer qu'il oppose à cette science de bazar une autre science, respectable, elle.
Là, tout ce qu'on a, c'est une énumération des sujets scientifiques employés par H pour remplir son bouquin et bluffer son lecteur. (ce en quoi, je suis d'accord avec Rinaldi - difficile d'ailleurs de défendre la SF à partir d'un mauvais bouquin). Là, on est dans le flou.
J'avais écrit à l'époque, à l'intention des lecteurs de Rinaldi, qu'il reproche à Houellebecq d'écrire de la mauvaise science-fiction, et qu'il reproche ensuite à la SF d'avoir les défauts reprochés, alors que les dits défauts prouvent que H n'a pas écrit de la vraie SF. Il ne jette pas le bébé SFavec l'eau du bain H, il condamne le bébé pour avoir été dans un bain H, et être à jamais contaminé.
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Message par Lem » jeu. févr. 25, 2010 5:26 pm

Erion a écrit :C'est quoi dans "rapports ambigus et complexes" que tu as pas compris ?
Et tu as zappé le fait que Jean Jaurès avait participé aux banquets positivistes. C'est aussi une cause du déni, le fait que la gauche ait cru dans la science ? Ca expliquerait des choses pour la période gaullienne.
On parle de la période 1950-1990.
Tu me réponds : "ça ne se passait pas comme ça entre 1789 et 1914".
En effet. Et après ?
Tu balances le délire d'un gars sur la science et la religion en prétendant que c'est représentatif (de quoi, on se le demande).
Il suffit de lire ce que j'ai écrit. Ça prouve que la catégorie "percept MR de la science spéculative" n'est pas vide. Et si elle n'est pas vide, on peut se demander dans quelle mesure une telle perception a contribué au déni de la SF entre 50 et 90. Le nombre de traces "métaphysique de bazar" qu'on trouve associées à la SF encore aujourd'hui suggère que NON n'est pas une réponse suffisante.
ta manière de balancer l'argument du "rationalisme français" à tire-larigot pour pointer qu'il y aurait un mystère, est absurde.
Même à l'apogée de la Raison, on a eu le culte de l'Etre suprême, même Auguste Comte a viré religieux et mystique. Donc, ta citation ne prouve rien de rien. Il y a toujours ici et là des délires sur le sujet. Le "rationalisme français" n'est pas, et n'a jamais été un mur impénétrable opposé à toute mystique ou croyance.
Entre 1950 et 1990, Erion.
Et quasiment toute la littérature futurologique est du même ordre. Tu prends Joël de Rosnay, Pierre Lévy, Negroponte, et tu as exactement les mêmes eschatologies, la même métaphysique de bazar.
Je ne sais pas. Je n'ai pas lu ces gars. Il faut que tu prouves, que tu cites.

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Message par MF » jeu. févr. 25, 2010 5:31 pm

Lem a écrit :Ça prouve que la catégorie "percept MR de la science spéculative" n'est pas vide.
C'est heureux, sinon, cela s'appellerait tout simplement la science.

La "science spéculative" ne serait-ce pas quelque chose du type à l'interface métaphysique+religieux, mais à discours scientifique ? Ou tu mets autre chose derrière ce concept ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Fabien Lyraud » jeu. févr. 25, 2010 5:34 pm

Tu veux expliquer le déni.
On se rend compte qu'aujourd'hui le nombre d'étudiants en science baisse. Il en va de même pour les lettres et sciences humaines. La seule filière qui progresse c'est droit et sciences économiques parce que elle est réputée former des individus directment employables. On se rend compte avec cet exemple que les individus privilégient l'utilitarisme a court terme et que les cultures aussi bien scientifiques qu'humanistes n'en font pas partie. Donc on comprendra :
- Le faible intérêt pour la hard science
- Le faible intérêt pour les spéculations basés sur les sciences humaines
Puisque le pays a fait le choix de privilégier le modèle du yuppy plutôt que celui du geek. Or les littératures de l'imaginaire sont des littératures de geek. Si la culture geek ne se développe voire même régresse par rapport aux années 80 ce que je pense, nos littératures régressent aussi.

On peut même être surpris du succès de la fantasy qui est souvent basé sur des concepts de sciences humaines, dans cette ambiance. Mais si l'on regarde bien à l'exceptio du nullisime et sinistre Terry Goodkind aucun auteur ne s'est jamais introduit dans le top 20 Electre. Même des auteurs comme Scott Lynch qui a pourtant eu un bon succès de librairie.
Donc la fantasy comme la SF sont des littératures qui n'intéressent qu'une minorité (même si les chiffres relativement élevés de la fantasy ont tendance à masquer les choses).
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh


Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com

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Message par Lensman » jeu. févr. 25, 2010 5:50 pm

Lem a écrit : Il suffit de lire ce que j'ai écrit. Ça prouve que la catégorie "percept MR de la science spéculative" n'est pas vide..
C'est peut-être ce qui serait bon de caractériser un peu plus clairement.
J'attends de savoir ce que c'est, avant de me demander si la société en éprouve un ressenti à peu près qualifiable (déjà) et (éventuellement) quantifiable.
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Message par Erion » jeu. févr. 25, 2010 5:59 pm

Lem a écrit : On parle de la période 1950-1990.
Tu me réponds : "ça ne se passait pas comme ça entre 1789 et 1914".
En effet. Et après ?
Et après, tu trouveras toujours des gus un peu bizarres. C'est TOI qui balances l'argument de la "rationalité française" sans rien argumenter. C'est ton concept ad hoc. Mais ca n'en fait pas un argument valide pour critiquer tes contradicteurs. Ta "rationalité française" est un mythe construit ici et là à des fins "politiques". Tu vas pas me faire croire que tu crois à cette illusion là. Pas quand on prétend avoir fais des études d'histoire.
Entre 1950 et 1990, Erion.
Norbert Wiener, c'est 1948. Premier terme qu'il utilise à propos de la communication et de l'information : entropie. Or, c'est une métaphore, une image.
Et quasiment toute la littérature futurologique est du même ordre. Tu prends Joël de Rosnay, Pierre Lévy, Negroponte, et tu as exactement les mêmes eschatologies, la même métaphysique de bazar.
Je ne sais pas. Je n'ai pas lu ces gars. Il faut que tu prouves, que tu cites.
Je t'ai cité un ouvrage qui reprend tout ça, lis-le. Mais il parle de "PROPHETISME". Toi qui adores simplifier les conversations en utilisant les titres, ben je te réponds que le titre suffit.
Mais tu peux aussi lire "Les ruines du futur" d'Yves Stourdzé, qui est à la fois un essai et une sorte de narration SF.
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Message par Lem » jeu. févr. 25, 2010 6:01 pm

Lensman a écrit :Parce que, chez toi, c'est intéressant: tu ne rejettes pas ce type de vocabulaire, vu que tu es écrivain de SF! Les prises de position philosophiques des écrivains de SF (quand ils en ont…) m'intéressent.
Ma position, si c'en est une, est plus esthétique que philosophique. Ou disons qu'elle ne distingue pas vraiment entre les deux. J'aime le jeu des concepts pour l'éblouissement qu'il procure. Et du coup, j'aime ce vocabulaire (y compris celui de la SF cinglée) parce qu'il est celui de l'éblouissement – même quand il ne manipule aucun concept, qu'il est juste un artifice, une poétique. C'est comme les couves de pulps, pour moi. On les a sans doute aimées parce qu'elles montraient concrètement des trucs de superscience réalisés mais aujourd'hui, je les aime pour elles-mêmes, comme art.

Cela dit, à travers tout ça, je fais une proposition M implicite à propos de la sensibilité (c'est à dire de la mienne, évidemment ; en supposant sans pouvoir le prouver qu'elle est généralisable).
En me simplifiant moi-même jusqu'à la caricature mais tant pis :
Je ne crois pas que la psyché puisse reposer sur (ou se satisfaire d') un seul pôle. Je pense que les anglo-saxons ont eu une intuition très profonde en distinguant Beau et Sublime alors que nous avons rangé les deux dans la même catégorie. Il y a un moment pour le diurne, le clair, le limité, le simple, le doux, l'ordonné. Et un autre pour le nocturne, l'obscur, l'infini, le tordu, le grotesque, le chaotique. Il faut les deux sinon, il manque quelque chose. Une partie du fonctonnement psychique n'est reflété nulle part, ne trouve nulle part où s'extérioriser. Je crois que sur ce point, la culture française s'est montrée naïvement rationaliste. Le pôle du Sublime n'a pas été perçu comme une nécessité mais une aberration, un reliquat à liquider pour accéder aux Lumières. "Le sommeil de la raison", etc. (C'est toute la dialectique romantisme vs Lumières qui va au moins jusqu'à Bergson, justement). Malheureusement, ce n'était pas un archaïsme, un reliquat, mais une nécessité – c'est du moins mon sentiment. Et comme elle ne pouvait s'exprimer nulle part de façon légitime – en particulier pas dans la littérature française, sauf exception étrange et toujours avec la distance de l'ironie, comme la pataphysique ou le surréalisme– elle a donc élu la fiction anglosax comme son refuge, dans le meilleur des cas. Et les trucs cinglés dans le pire.

Quant à ce que je crois, je n'en sais rien moi-même. Disons que je crois à ça : que j'ai besoin d'avoir cette activité psychique-là et que c'est pour ça que j'aime la SF comme jeu conceptuel et poétique, comme "activité obscure" pour équilibrer le clair.

C'est est trop schématique et/ou confus pour avoir grand sens ici mais je ne peux pas faire mieux dans un post.

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Message par Lensman » jeu. févr. 25, 2010 6:05 pm

Tiens, à propose de "rationalisme français", je ne sais pas s'il faut qualifier ce passage ainsi, mais de qui est-il, d'après vous?


" […] Et pourtant, tout cela qui est de l'inconnu, et peut-être de l'inconnaissable aboutit à ma pensée, qui est en fait, la seule chose vraiment connue de moi et connaissable.
Ces considérations et bien d'autres semblables, ont toujours pour nos le même attrait que du temps de Pascal. A vrai dire, elles nous paraissent toujours un peu vaines. Pour ma part, je ne puis le croire, comme semblait le croire Pascal que de pareilles réflexions nous rapprochent de dieu. Elles nous montrent bien plutôt la puérilité, l'anthropomorphisme naïf de l'idée de dieu. Avec les lunettes de la science, nous voyons mieux notre impuissance, et l'impossibilité de nous élever, même en imagination, au rôle de Tout-puissant. Mais le spectacle est fascinant et nous ne nous lassons pas de le regarder. Il s'élargit, d'ailleurs, s'amplifie et se diversifie sans cesse. Soyons assurés que bien des nouvelles perspectives, insoupçonnées de nous, viendront encore le varier et l'enrichir."

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