MF a écrit :Je comprends mieux. Tu définis la métaphysique ou le champ métaphysique, dans ton postulat, à partir d'une définition qui date de l'avant-dernier siècle.
Ce qui te conduis, par exemple, à exclure l'existentialisme de la métaphysique.
D'où une grande partie de nos incompréhensions.
Non.
Je définis la métaphysique et le champ métaphysique à partir de sa situation actuelle, telle qu'elle est évoquée dans à peu près tous les ouvrages généraux sur la philosophie, c'est à dire comme une discipline et un champ "clos". Les citations extraites du Littré ancien montrent que cette clôture était déjà enregistrée à la fin du XIXème siècle – alors qu'il n'a jamais été question de "fin de la philosophie".
pour ne citer que lui, Frédéric Nef, au début de son introduction à [i]Qu'est-ce que la métaphysique ?[/i] a écrit :Selon l'opinion philosophique actuelle et ordinaire, la métaphysique est une discipline purement historique. Comme l'épigraphie ou la mythologie, elle serait censée éclairer le passé, aider à expliquer des systèmes complexes de croyances – on n'apprend pas ces disciplines pour dresser des stèles et connaître ses lointains ancêtres parmi les dieux et les héros. L'homem cultivé pense que pour savoir ce qu'est la vie ou la matière on s'adresse aux savants, alors que c'est par exemple pour savoir ce que l'architecte d'une cathédrale avait dans la tête que l'on se plonge éventuellement dans la métaphysique médiévale. (…)
Je ne vais pas soutenir qu'il n'existe pas de différence importante ou même essentielle entre la métaphysique et les sciences. je vais essayer de montrer qu'il est tout aussi naïf et irréfléchi de considérer la métaphysique comme étant toute entière au passé, stérile, inutile et finalement dangereuse. Une vision purement scientiste de la métaphysique est certes un non-sens, mais une vision purement historiciste voire historiale de, ce qui revient en fin de compte au même, est aussi un non-sens.
Le savoir courant sur la métaphysique tient quelques affirmations lapidaires :
1) La métaphysique a une naissance irréductiblement liée à la prééminence de la logique et de la théologie.
2) La métaphysique est morte, achevée, dépassée.
3) (variante de 2) ce qui importe pour la pensée, c'est de dépasser la métaphysique ; la véritable pensée est post-métaphysique.
4) La métaphysique, alors même qu'on s'obstinerait à la pratiquer, est stérile. Il est loisible de pratiquer avec quelque profit l'analyse conceptuelle, la description phénoménologique, etc. alors que la métaphysique serait incapable de renouveler l'approche des grands problèmes philosophiques (comme l'identité, la vérité, la nature de la réalité…), sans parler d'une possibilité de résoudre certains de ces problèmes, résolution jugée en général hors de portée ou de propos. La science résoudrait des problèmes, mais ne penserait pas ; la pensée, plus ordinaire que la métaphysique, méditerait de grandes questions, mais ne les résoudrait pas.
Après quoi, Nef enchaîne sur la première partie de son traité : "La métaphysique n'est pas morte".
Telle est la représentation générale sur laquelle je m'appuie et qui est la pensée ordinaire sur M. Ce n'est pas une invention de ma part : c'est la pensée courante. C'est manifestement ce que mes contradicteurs ici n'ont pas pris la peine de vérifier, se contentant de répéter "la métaphysique est tout à fait légitime, où est le problème ?"
Le problème est qu'elle ne l'est plus depuis plus d'un siècle.
Sur l'existentialisme, j'ai déjà essayé de dissiper la confusion mais ça n'a apparemment servi à rien. Comme le matérialisme, l'existentialisme est une position métaphysique au sens où il pose une analyse générale du monde, un "principe premier" sur lequel il s'appuie.
Mais cette analyse générale et ce principe "premier ont pour conséquence immédiate
d'exclure l'existence d'un monde métaphysique.
Dans le cas du matérialisme : il 'y a que la matière, il n'y a rien d'autre à trouver.
Dans le cas de l'existentialisme : l'existence précède l'essence, il n'y a pas d'essence à trouver (il n'y a que des significations humaines projetées sur le substrat, lequel n'a aucune signification en lui-même).
C'est en ce sens que "j'exclus l'existentialisme de la métaphysique".
Toutefois, la difficulté me semble être de vouloir analyser la place du métaphysique dans la SF avec une définition dudit métaphysique établie à une période où la SF n'existait pas.
Tu sais maintenant ce qu'il en est.
On peut aussi décider de jeter un coup d'œil sur le moment de la percée de la SF car ce moment (fin du XIXème siècle) est aussi celui où la métaphysique commence à être perçue comme "close". En supposant, donc, que la clarification ci-dessus te convienne, je propose ces remarques à ton esprit méthodique :
– M a commencé à être perçue comme "close" à fin du XIXème siècle.
– la manifestation de cette clôture, c'est la réputation de M telle que la récapitule Frédéric Nef dans son traité et dont les dictionnaires de la fin du XIXème se font déjà l'écho.
– A la suite de cette clôture, le travail intellectuel, mais aussi créatif dans la mesure où celui-ci est perfusé par les enjeux philosphiques de son époque, a consisté à accepter cette clôture et à la surmnter, à organiser son dépassement (à la notable exception de Bergson) : l'existentialisme, comme la déconstruction, sont des réponses françaises typiques à ce défi. Pour l'essentiel, la littérature française du XXème siècle fut anti-métaphysique.
En parallèle…
– La SF s'est constituée au même réputé de la clôture M, à la fin du XIXème siècle.
– Tout le monde reconnaît la présence de M en son sein.
– Elle a subi un déni de la part du monde intellectuel et littéraire.
La conclusion est libre.