Discutable comme point de vue. D'autant que la troisième instance n'existe pas (on ne le dit jamais assez, la Cour de cassation n'est pas une juridiction de 3e instance : elle veille à la bonne application du droit, elle ne se prononce pas sur les faits)Don Lorenjy a écrit : Un ami avocat m'avait expliqué comment fonctionne parfois la justice sur ce genre de cas, pour que tout les intervenants y gagnent leur croûte :
- un premier jugement dans les règles mais bénéficiant au faible (= première source de cash pour les avocats)
- un jugement en appel aberrant mais bénéficiant au fort (deuxième facture)
- une troisième instance rétablissant la justice ou mieux, permettant de tout recommencer à zéro (pactole !)
Mais on est d'accord, ça coûte cher.
A noter aussi que les magistrats se contrefoutent qu'il y ait un ou deux procès, eux sont de toute façon payés pareil à la fin du mois. Et ils ne feraient sûrement pas intentionnellement ce genre de cadeaux aux avocats.
Je trouve l'opinion de ton ami assez limite, sur ce point.
Par contre, là où il a raison, c'est sur le fait que le "faible" a souvent raison en première instance et que le "fort" gagne en seconde instance... dans les cas où l'équité le dispute au droit.
Si l'équité va dans le sens du défendeur, mais pas forcément le droit, le juge de première instance va souvent aller dans son sens. Alors que le magistrat d'appel, souvent plus carriériste certes, mais aussi nettement plus à cheval sur le droit, n'appliquera que celui-ci, tant pis si ça peut paraître injuste.
ça se vérifie assez souvent (et c'est d'ailleurs assez chiant, parce qu'on ne sait jamais sur quel pied danser).
Mais il n'y a pas procédure abusive. C'est bien ça le problème.Don Lorenjy a écrit :Personne n'attaque Moulinsart pour procédure abusive ?
Si Bob Garcia s'était contenté de faire publier ses études sans aucune reproduction, il n'aurait offert aucune prise aux rapaces... enfin, ayant-droit.
Le problème vient des vignettes reproduites. Le TGI a tenté de faire passer ça dans les citations, mais la Cour d'Appel n'a pas suivi.
Concrètement, ça se défend : la reproduction d'images tirées d'une BD (pour des affiches, des ex libris ou autres) est soumise au paiement de droits ou à autorisation. Donc, logiquement, on ne peut pas reproduire ces images en s'en passant (les nombreux sites et blogs qui le font sont d'ailleurs, théoriquement, hors la loi).
Bob Garcia l'a fait quand même. Moulinsart a logiquement répondu par la voie judiciaire. Il n'y a pas, juridiquement, d'abus.
Et les juges ne se penchent que sur le cas particulier qui leur est soumis, pas sur la propension maladive qu'à cette société à traquer le plus petit "détournement" de leur beef steak.
ça vous paraît peut-être injuste, mais d'un point de vue légal, c'est tout à fait logique.
Comme le dit Florent plus haut : "Si le tribunal ne reconnait pas le droit à la courte citation graphique, c'est tout simplement parce qu'il n'existe en France que pour les citations littéraires, pas pour les images."
Dont acte.
Les juges peuvent interpréter les textes, c'est tout. Là, la Cour d'Appel a fait une interprétation restrictive. Ce qui, d'un point de vue objectif, et pour les artistes en général, est une bonne chose (puisque ça protège leur travail), bien que cela profite à Moulinsart (qui ne fait que gérer le tiroir-caisse façon kapo ou Picsou, on est bien d'accord là-dessus).
Et je ne pense pas qu'il s'agisse d'un pas vers la censure. Simplement, si les juges avaient cédé sur ce point, ça aurait pu ouvrir la porte à une exploitation des oeuvres sans autorisation de leurs auteurs, qui sont, en majorité, loin d'être aussi blindés de thunes que les ayant-droit de Hergé et qui méritent de voir leur travail protégé.
Quand un juge crée un précédent, il faut qu'il fasse gaffe à ce que ce qui paraît juste dans un cas particulier ne crée pas par la suite des injustices générales (pas sûre d'être bien claire).
Là où ça devient par contre totalement aberrant, c'est au niveau des dommages intérêts.
Normalement, quand on demande réparation, il faut démontrer le dommage et son étendue et la réparation est allouée en fonction.
Or, quel est le dommage causé à Moulinsart ? Vu la diffusion des ouvrages litigieux, on serait tenté de le penser nul ou presque. En tout cas, rien qui justifie 40.000 € de dommages intérêts. Là, c'est carrément n'importe quoi, complètement disproportionné. Un truc pareil n'aurait même pas du dépasser les 3 ou 4.000 €, et encore, ç'aurait été cher payé.
On va rappeler aux magistrats que l'équité est censée déterminer l'attribution des dommages intérêts, tant du côté demandeur que défendeur. Leur décision, de ce point de vue, est totalement aberrante et inéquitable.
Et bravo à Moulinsart, qui visiblement s'est empressé de faire transcrire l'hypothèque définitive et de déclencher dans la foulée la saisie immobilière sans chercher de solutions pour récupérer son fric, comme s'ils en avaient un besoin urgent. ça, s'est vraiment la grande classe. ça illustre parfaitement leur mentalité. C'est juste minable.
Sans compter que, selon la mise à prix et le montant final de l'adjudication, Garcia va perdre encore plus d'argent : en l'occurrence, la valeur réelle de sa maison.
Par contre, c'est un peu con de s'être précipités comme ça : apparemment, Garcia se pourvoit en cassation. Ce qui veut dire que l'arrêt n'est pas définitif. Si Moulinsart a inscrit une hypothèque en vertu de cet arrêt, elle est nulle.

Il faudra absolument la contester lors de l'audience d'orientation.
(question con au passage : c'est au civil ou au pénal ? Je demande parce que la contrefaçon étant un délit, il aurait pu être éventuellement condamné à payer en plus une amende, ce qui n'est pas le cas. Comme ce n'est pas précisé...)