le miroir de cassandre, de bernard werber

[Lem]

J'aime bien aussi, à la fin de l'entretien, "Mes livres sont en tête des ventes chaque fois alors que les médias n'en parlent pas. Heu, sauf vous."

Et ensuite, on retourne sur le page d'accueil du site de Celui et on regarde la liste des portraits et des interviews : LCI, Journal de France 3, Arrêt sur images, ITW dans Le Point, invité de Ruquier, ITW dans le JDD, invité de Drucker, Portrait dans Gala, Bonnes-feuilles dans Science & Avenir – sans oublier le coffret "L'éveilleur", entretiens Ina-Radio France… Quelque chose m'échappe. (Mais bon, en ce qui me concerne, c'est tout sauf un scoop.)

[Le_navire]

Tu as oublié Le Monde. Certes, en légèrement moqueur, mais tout de même. Le Monde.

[Roland C. Wagner]

Quelque chose m'échappe.

Quoi donc ?

[Lem]

Quoi donc ?

Que la presse ne fasse pas son boulot.
Qu'elle répercute systématiquement et sans faire le minimum de vérifications les plaintes de Celui, ses doléances et affirmations comme des informations fiables.
Voix off au début du reportage : "Celui est une star en Corée (vrai, apparemment) et en Amérique (faux)." A la fin de l'entretien plateau "les médias ne parlent pas de mes livres". Contre-vérité qui passe sans un hoquet de protestation. Et je me souviens (parce que je l'ai vue en direct, cette itw) que le lendemain, Celui a été invité sur une autre chaîne, genre LCI, où il a re-dit la même chose : "Personne ne parle de mes livres". Et à nouveau : journaliste muet. Il n'était pas si difficile d'interjeter : "pourtant, hier, sur France 3…"

Pour moi, le problème Celui, ce n'est pas son succès commercial ni la médiocrité (pour rester courtois) de ses livres, c'est cette hallucinante passivité de la presse qui régurgite imperturbablement ce qu'il dit (et aussi l'argu promo de son éditeur) comme si c'était vrai, sans jamais le soumettre une seule fois à contre-enquête en vingt ans.

Sur son site, il y a (ou avait) un blurb de Boris Cyrulnik qui dit en substance : "ce qui est bien, chez Celui, c'est que tout y est vrai sur le plan scientifique". Réputation usurupée mais qui se perpétue impunément, année après année, depuis le début des années 90.

Il ya deux ans, S&Avenir avait publié les bonnes feuilles de L'Encyclopédie du savoir machin révisée. L'embarras de la chef de rubrique était tellement évident qu'il y avait une notule préalable genre "tout n'est pas exact, ici. Celui n'est pas dans une démarche scientifique rigoureuse, il picore des graines de savoir, etc." Mais dans le même journal, on n'a en général pas de mots assez forts pour dénoncer les approximations d'essais pourtant bien plus costauds. Pourquoi ce traitement de faveur ? Les bonnes feuilles, quand même ! Ça veut dire quelque chose.

Idem sur le site du Point qui avait été signalé ici il y a quelques temps. Itw. Celui dit "Avec l'arbre des possibles, je reprends un projet que Philip K. Dick n'a pas pu mener à bien" (ou un truc comme ça). D'où sort cette affirmation ? Jamais entendu parler de ça. Mais le journaliste qui fait le papier accompagnant l'itw répercute tranquillement : "Passionné de Philip K. Dick, Celui s'en considère comme l'héritier au point de reprendre l'un de ses projets inachevés et blablabla".

Et je ne dis rien des papiers généralistes qui font de lui une star de la Littérature. Quoi ? Meilleur vendeur, c'est pas assez bien ?

Le problème, selon moi, c'est ça. Cette réwerbération – espèce d'état d'hypnose invraisemblable qui tend à inhiber absolument tout esprit critique chez ses interlocuteurs pourtant censés contrôler un minimum ce qu'ils écrivent dans leurs colonnes ou disent dans leur micro. Je ne suis pas complètement idiot, je comprends que les grosses ventes fascinent et que Celui puisse être quailifié de "phénomène". Mais que, sur vingt ans, il n'y ait eu (à ma connaissance) aucun papier décisif pour remettre les choses à leur place et à leur échelle me laisse pantois. Les avis ici sur ce qu'il faut penser du succès de Celui sont très partagés. Mais tout le monde s'accorde à reconnaître l'absence d'originalité de ses livres, leur écriture lamentable, la "candeur' (toujours courtois) de ses "options intellectuelles". OK. Et maintenant, rappelez-vous :
Les-grands-entretiens-de-Radio-France !
Star-de-la-littérature-française-invité-d'honneur-des-ambassades-françaises-en-Asie !!
Une-pleine-page-dans-le-Monde !!!
Et je ne sais combien d'autres quolifichets symboliques auxquels personne – même pas Houellebecq – n'a eu droit au cours de la même période !!!!

Personne ne trouve qu'il y a un problème ?

[Roland C. Wagner]

[Patrice]

Salut,

Personne ne trouve qu'il y a un problème ?

Non non, tu n'es pas tout seul.

A+

Patrice

[Travis]

Avec vous aussi, il y a de toute façon un gros problème avec les médias en france. Un seul mot d'ordre Pognon!

[MF]

Personne ne trouve qu'il y a un problème ?

Ben si, il y a un problème. Et il a déjà été montré du doigt dans ce fil. Il n'est pas littéraire et il porte même un nom : média.

Le constat, me semble-t-il, est que celui dont le nom... (tu mets trop de majuscules, Lem) fait le boulot des média ; du moins le boulot qu'ils ne font plus.

Les média, qui n'ont déjà plus les capacités à faire le moindre travail d'investigation sérieux, n'envisagent même pas qu'il leur soit possible de réfléchir à des "sujets de société" en se projetant à des horizons temporels plus lointain que le prochain bulletin météo. Ils sont donc parfaitement heureux que celui dont le nom... fasse ce boulot à leur place. Il leur fournit, périodiquement, une nourriture pré-mâchée, succédanée d'ersatz de merveilleux scientifique mâtiné de futurologie.

Cette livraison annuelle porte un nom : ce n'est pas l'arbre des possibles, c'est un marronnier. Que celui dont le nom... le fasse pousser bien ou mal n'est pas un problème pour les média.

Attendre des journalistes qu'ils soient critiques vis-à-vis de celui dont le nom..., c'est attendre de J.P. Pernaut qu'il soit critique vis-à-vis des commerçants du marché de noël de Strasbourg...

[MF]

Les-grands-entretiens-de-Radio-France !
Star-de-la-littérature-française-invité-d'honneur-des-ambassades-françaises-en-Asie !!
Une-pleine-page-dans-le-Monde !!!

Sacré challenge à relever pour le métaphysique...

[Erion]

Personne ne trouve qu'il y a un problème ?

Bah, certains pleurent que la SF est pas reconnue par les médias, et pourtant, elle est partout, sur tous les supports existants, dans la pub, tout ça.

D'aucuns disent qu'on a même écrit quelque part des préfaces pour se plaindre de cette situation.

Blague à part. dans le fameux salon du livre où Werber a poussé sa gueulante, il y avait aussi des auteurs de polars qui se plaignaient de ne pas être reconnus.

Ca montre une chose : le désir de reconnaissance est un fantasme, une illusion. Quand on désire une "reconnaissance", c'est pas qu'on veut une petite place, c'est qu'on veut toute la place.
C'est pourquoi j'ai toujours défendu l'idée qu'il ne faut pas chercher la légitimité, la reconnaissance. Non seulement, je pense personnellement que ça n'apporte pas un lecteur de plus (sauf si on me démontrait le contraire, mais j'en doute), mais c'est comme vouloir atteindre l'horizon (sans jeu de mot), on est jamais satisfait de ce qu'on possède, on veut toujours plus.

[Lem]

Garde tes éternelles cartouches, Erion. Je ne faisais que passer. Bye.

[marypop]

Attendre des journalistes qu'ils soient critiques vis-à-vis de celui dont le nom..., c'est attendre de J.P. Pernaut qu'il soit critique vis-à-vis des commerçants du marché de noël de Strasbourg...

Je propose d'envoyer Celui au marché de Noël de Starsbourg ...

Sinon je trouve le message de Lem intéressant, mais la seule bonne question est :
- si c'est si facile le marketing etc. pourquoi ne prenez vous pas les coordonnées de l'attaché de presse de Celui pour Notre Club ?

[bormandg]

Je partage ton opinion, et j'en déduis que nous devrions avoir une autre attitude vis à vis de lui, l'aider à atteindre le niveau qu'il vise, en étant conscient de ne pas l'avoir atteint, même s'il fait semblant de...celui d'un amateur et d'un écrivain de SF, et non le rejeter comme "cochon de riche".

C'est clair. On pourrait aussi aider Nicolas Sarkozy à être plus gentil. Ces gens ont clairement besoin de nous.

Il y a un nombre certain de différences entre les deux problèmes, et entre ce qu'on peut attendre de BW et ce qui réalise (au grand plaisir de ceux qui l'ont mis en place et au grand dommage pour les autres) Notre GuignoTsar. Je pense que la comparaison vaut un point Bolloré.

Sinon, je vais finir par, vraiment, estimer que les réactions exagérées et, à la limite, maladives qui aboutissent à mettre BW dans le même sac que nos ennemis (Rinaldi, PPDA, Galligrasseuil et Cie) que, soit dit entre parenthèse, il dénonce presque dans les mêmes termes que nous (avec juste un peu moins de raison de le faire, mais en le faisant il nous rend service), indiquent une haine profonde de la SF chez ceux qui prétendent la représenter.

[bormandg]

Sinon je trouve le message de Lem intéressant, mais la seule bonne question est :
- si c'est si facile le marketing etc. pourquoi ne prenez vous pas les coordonnées de l'attaché de presse de Celui pour Notre Club ?

Réponse évidente: parce qu'il est plus facile de se plaindre du succès de BW que de faire qqch pour défendre la SF (que ce n'est PAS BW qui attaque).

[Erion]

Garde tes éternelles cartouches, Erion. Je ne faisais que passer. Bye.

Ah oui, c'est vrai, tu es comme Bernard Werber, il ne faut pas que quelqu'un vienne dire que tu dis des bêtises.