gutboy a écrit :
Pour autant, si c'est le cas, ce que tu appelles l'art est directement dérivé des besoins de survie, non? Cet art-là devient un outil de survie de l'espèce au même titre que la loi, l'agriculture, ou le réflexe de protéger les oeufs.
"Si on le prend comme vecteur social fondamental". C'est ce qu'il faut démontrer justement, c'est ce qui m'échappe. Il y a deux choses dans ce que tu écris:
Vecteur social:
Je ne suis pas sûr de comprendre ce que tu entend par "vecteur"?
Est -ce dans le sens "créateur de réseau social"?
Me semble au contraire que l'art ne crée absolument aucun réseau social ex-nihilo, et qu'il s'adresse à chacun de façon vachement individuelle. C'est une des ses énormes forces. Je crois que l'art peut se passer des réseaux sociaux. Il peut etre trans-culturel. Ce qui fait d'ailleurs son intérêt à mes yeux. C'est la nature humaine, ensuite, de chercher à rassembler autour soi ceux qui pensent comme moi. Mais l'art n'est pas à l'origine de se rassemblement (contrairement à la loi par exemple, qui crée un réseau de part sa seule existence (1)).
Fondamental: euh? C'est justement ma question. J'aimerais bien lire les études qui le montrent.
(1) "Avant il n'y avait rien. Maintenant il y a la Loi. Et la Loi, c'est moi". Judge Dredd
Bon encore une fois, je suis prudente, c'est un débat qui anime une bonne partie de la philosophie depuis des siècles, je ne prétends pas à autre chose qu'à l'exposition d'un point de vue qui me convient assez, hein ?
@Erion, d'abord, parce que ça fait passerelle : pour moi, le choc esthétique est une manifestation spontanée et incontrôlable qui s'apparente au vertige amoureux. Comme pour le vertige amoureux, une partie de ses manifestations sont physiques et peuvent être lues : accélération du rythme cardiaque, dilatation des pupilles et boostage d'endorphines au niveau du cerveau. Sisi. Après on l'explique comme on peut au niveau d'un "ressenti" avec tout ce que ça peut avoir d'imprécis et d'individuel, à chacun ses mots pour le dire. Et il n'est pas inutile de rappeler qu'on en rajoute souvent dans la métaphore sexuelle dans ces cas là... Après certains peuvent ressentir un choc esthétique en regardant dribbler Zizou, hein ?
Ensuite, pour revenir à Guttie : en fait, il me semble que là encore, le rapprochement avec la sexualité est pertinent. Rien de plus individuel que la sexualité : le plaisir est la chose la moins facile à partager au monde. On peut utiliser toutes les métaphores qu'on voudra, n'en reste pas moins qu'au delà du soi-disant plaisir partagé, il ne reste en fin de compte qu'une sensation purement individuelle, et il n'est qu'à voir comme les mots se cherchent pour décrire les sensations et juger de celles de son partenaire pour comprendre la somme d'incompréhension, justement, que cette idée de plaisir partagé à pu occasionner dans les relations sexuelles. L'art de la même façon, provoque en effet un ressenti individuel, mais il est lié, comme pour le plaisir sexuel qui n'est pas onaniste à l'association de celui qui produit et de celui qui reçoit. Sans la relation entre celui qui crée et celui qui observe, il n'y a pas d'acte artistique.
On a donc ad minima une relation sociale en binôme.
Ensuite vient le fondement social de l'art. L'art ne se crée pas de rien. Il fait - normalement - vivre l'artiste, plus ou moins bien mais c'est un autre débat. Il est donc forcément inscrit dans le rapport que l'artiste entretient avec le monde qui l'entoure : ne serait-ce que pour s'en détacher, le rejeter. Même là, ça reste un acte social. Pour qu'une œuvre d'art soit reçue par celui qui l'observe, il faut une forme de communication qui fonctionne. (là je reviens à mon b a ba d'éthologue) Donc il faut qu'elle puisse être comprise, non pas forcément de manière explicative, déterministe, ni forcément par tout le monde, mais qu'elle provoque un ressenti qui est forcément, encore une fois, le fruit d'un échange, donc d'une communication. Donc un acte social. (je vais super vite, là, hein ? c'est du gros grain à gros traits, mais vous voyez l'idée ?)
Enfin on arrive à l'instrumentalisation de l'Art : ce n'est pas pour rien si les artistes ont de tout temps été payés par le pouvoir, ou par des gens à l'influence sociale et économique majeure. L'Art, même le plus sublime, est un instrument politique : il est à la fois symbole de puissance (symbole individuel lorsqu'un riche marchand se fait faire un tableau, symbole de groupe lorsqu'il exalte la religion ou la puissance de l'esprit des nations) et vecteur d'un certain contrôle social : l'art installé, reconnu, est celui qui a toujours servi à exalter la pensée dominante, à la transcrire en images fortes capables de marquer durablement les esprits.
Reste l'art contestataire, qui a toujours existé en parallèle : les Villons, les librettistes, par exemple. Comment dénier sa fonction sociale ? Celle qui dénonce justement la main mise de la pensée dominante ? Ou quand l'art se fait soupape, expression de la différence, d'un autre mode de penser et de voir...
Bon. encore une fois, c'est vite dit et vite pensé, c'est sûrement bancal, et c'est une vision très personnelle de la chose. Je ne doute pas un instant qu'on retrouve chez nombre de philosophes qui auront su mieux dire, ou mieux dédire ce que j'exprime, des pensées largement plus subtiles. Mais disons que je vois les choses comme ça...