5021 l'autre monde de Trevor Narg

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Nath
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5021 l'autre monde de Trevor Narg

Message par Nath » mer. déc. 20, 2006 8:23 pm

J'ai été intéressée et surprise par votre commentaire sur le roman de Narg, 5021, l'autre monde.
Intéressée par votre lecture - je sais qu'elles doivent être rapides pour les critiques littéraires - la vôtre semble avoir retenu l'essentiel, l'histoire, la densité du contenu factuel et des idées.
Mais surprise par la façon dont vous le restituez.
"Litanie, slogans, incantation", ces mots traduisent une lassitude surprenante, s'agissant de la dénonciation par les survivants de dérives ayant conduit à un désastre dont ils sont les victimes. Une telle thérapie ne mérite-t-elle pas un minimum d'insistance ?
"Uniformisation, planification, contrôle", vous retenez comme "solutions" proposées ce qui est plutôt dénoncé par l'auteur, à savoir ne traiter que les effets des problèmes et non leurs causes.
"Invalide" pour finir, je réalise que vous avez probablement choisi pour votre critique, le mode provocateur un peu comme Narg dans son ouvrage.
Surtout lorsque vous affirmez qu'il est dépourvu d'histoire (alors que vous l'avez assez bien résumée et qu'elle se nourrit de récit qui sont autant d'histoires).
Non, on ne s'ennuie pas à la lecture de 5021, l'autre monde, même au début où l'on se sent un peu perdu. J'ai eu le plaisir, de plus en plus rare, de lire un roman original, riche et captivant.

Nath

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Eric
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Message par Eric » jeu. déc. 21, 2006 1:12 am

Bonjour Nath et bienvenue,

Bon, je m'y colle, puisque c'est de ma chronique dont il est question ici.

Tout d'abord, je n'ai consacré à 5021, ni plus ni moins de temps que je n'en ai consacré aux Scarifiés ou aux Diables Blancs – parus la même année, et que je cite ici parce qu'ils figuraient dans mon best of 2005.

Concernant maintenant le contenu du roman. L'histoire tout d'abord. Clairement placée au second plan, elle ne sert que de prétexte à l'exposition des idées que Trevor Narg souhaite développer. Linéaire, sans surprise, sans supens, elle n'est qu'un long parcours initiatique, sur lequel l'auteur greffe son propos. C'est au fond à peine une histoire, mais le genre veut cela, et Narg, s'en tire avec les honneurs.

La problématique maintenant. Pour louable que soient les préoccupations de l'auteur, son analyse reste dramatiquement superficielle. Sa vision bipôlaire du monde est trop schématique. D'un côté les vilains industriels et les dirigeants irresponsables, et de l'autre, les pauvres pékins lambda, condamnés à subir. Trop facile. Spécialement dans un roman qui se veut aussi bien prospectif que politique. On attend de ce genre de livre une analyse plus subtile. Narg se devait de ne pas réduire la complexité (voire la noirceur) de l'âme humaine à une simple histoire de mercantilisme.

Ensuite, là où je trouve le procédé à la limite de l'oportunisme, c'est qu'il est bien évident, que tout le monde est pour une répartition plus raisonnée des ressources naturelles, tout le monde se sent concerné par l'avenir de la planète. Sa vision, largement empruntée – au passage – à d'autres auteurs, tient notre jugement en otage. Du fait de son bipôlarisme, il nous place dans le rôle flatteur de la victime, mais du coup nous prive de notre libre-arbitre. Que suggère-t-il d'autre finalement à part remplacer des dirigeants iniques et corrompus par des dirigeants sages et avisés. Vieille scie de l'Âge d'Or (et encore dans ce qu'il a produit de plus médiocre). Dirigeants qui vont s'empresser de tomber dans les travers de dissimulation des anciens maîtres, mais cette fois pour la bonne cause. Bonne cause sensée se justifier d'elle-même dans le naufrage généralisé de la gestion de ressources.

Non, vraiment, sur un tel sujet, on était en droit d'attendre quelque chose de plus fin et subtil. Et ça l'est d'autant moins que sa thèse ne s'appuiue sur rien d'autre que sur les convictions de l'homme qui est derrière l'auteur. Lisez plutôt Schismatrice de Sterling/color], qui, avec infiniment plus d'intelligence, dresse un protrait tout aussi apocalyptique de notre avenir, tout en tenant compte des pensées contre-culturelles qui sous-tendent toutes les théories les plus pessimistes.

5021 est une gentille fiction prospective, à la naïveté parfois touchante, mais, hélas, vaine.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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Eric
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Message par Eric » jeu. déc. 21, 2006 1:13 am

Eric a écrit :Bonjour Nath et bienvenue,

Bon, je m'y colle, puisque c'est de ma chronique dont il est question ici.

Tout d'abord, je n'ai consacré à 5021, ni plus ni moins de temps que je n'en ai consacré aux Scarifiés ou aux Diables Blancs – parus la même année, et que je cite ici parce qu'ils figuraient dans mon best of 2005.

Concernant maintenant le contenu du roman. L'histoire tout d'abord. Clairement placée au second plan, elle ne sert que de prétexte à l'exposition des idées que Trevor Narg souhaite développer. Linéaire, sans surprise, sans supens, elle n'est qu'un long parcours initiatique, sur lequel l'auteur greffe son propos. C'est au fond à peine une histoire, mais le genre veut cela, et Narg, s'en tire avec les honneurs.

La problématique maintenant. Pour louable que soient les préoccupations de l'auteur, son analyse reste dramatiquement superficielle. Sa vision bipôlaire du monde est trop schématique. D'un côté les vilains industriels et les dirigeants irresponsables, et de l'autre, les pauvres pékins lambda, condamnés à subir. Trop facile. Spécialement dans un roman qui se veut aussi bien prospectif que politique. On attend de ce genre de livre une analyse plus subtile. Narg se devait de ne pas réduire la complexité (voire la noirceur) de l'âme humaine à une simple histoire de mercantilisme.

Ensuite, là où je trouve le procédé à la limite de l'oportunisme, c'est qu'il est bien évident, que tout le monde est pour une répartition plus raisonnée des ressources naturelles, tout le monde se sent concerné par l'avenir de la planète. Sa vision, largement empruntée – au passage – à d'autres auteurs, tient notre jugement en otage. Du fait de son bipôlarisme, il nous place dans le rôle flatteur de la victime, mais du coup nous prive de notre libre-arbitre. Que suggère-t-il d'autre finalement à part remplacer des dirigeants iniques et corrompus par des dirigeants sages et avisés. Vieille scie de l'Âge d'Or (et encore dans ce qu'il a produit de plus médiocre). Dirigeants qui vont s'empresser de tomber dans les travers de dissimulation des anciens maîtres, mais cette fois pour la bonne cause. Bonne cause sensée se justifier d'elle-même dans le naufrage généralisé de la gestion de ressources.

Non, vraiment, sur un tel sujet, on était en droit d'attendre quelque chose de plus fin et subtil. Et ça l'est d'autant moins que sa thèse ne s'appuiue sur rien d'autre que sur les convictions de l'homme qui est derrière l'auteur. Lisez plutôt Schismatrice de Sterling, qui, avec infiniment plus d'intelligence, dresse un protrait tout aussi apocalyptique de notre avenir, tout en tenant compte des pensées contre-culturelles qui sous-tendent toutes les théories les plus pessimistes.

5021 est une gentille fiction prospective, à la naïveté parfois touchante, mais, hélas, vaine.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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