L'auteur devrait-il vivre de sa plume ?

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bormandg
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Message par bormandg » sam. oct. 02, 2010 10:02 pm

Lensman a écrit :A méditer, les amis...

http://fr.wikisource.org/wiki/La_Litt%C ... dustrielle

Oncle Joe


PS: juste la conclusion pour ceux qui n'ont pas le courage tout lire...
D'accord? pas d'accord? Attention, bien réfléchir avant de répondre...


Pourtant, à chaque reprise de tentative, c'est pour tous ceux qui aiment encore profondément les lettres le moment de veiller. De nos jours le bas fond remonte sans cesse, et devient vite le niveau commun, le reste s'écroulant ou s'abaissant. Le mal sans doute ne date pas d'aujourd'hui; mais tout est dans la mesure, et aujourd'hui on la comble. Les ressources sont grandes, mais elles tournent aisément en sens contraire si on ne les rallie. Entrez dans les bibliothèques : quelle émulation ardente! que de jeunes gens étudient, et dans une bonne direction, ce semble ! Mais qu'il faut peu de chose à travers ces nobles efforts pour les faire dévier et avorter ! Il est donc urgent que tous les hommes honnêtes se tiennent, chacun d'abord dans sa propre dignité (on le peut toujours), et entre eux, autant qu'il se pourra et quel que soit le point de départ, par des convenances fidèles et une intelligence sympathique. C'est le cas surtout de retrouver le courage d'esprit et de savoir braver. Que cette littérature industrielle existe, mais qu'elle rentre dans son lit et ne le creuse qu'avec lenteur : il ne tend que trop naturellement à s'agrandir. Pour conclure : deux littératures coexistent dans une proportion bien inégale et coexisteront de plus en plus, mêlées entre elles comme le bien et le mal en ce monde, confondues jusqu'au jour du jugement : tâchons d'avancer et de mûrir ce jugement en dégageant la bonne et en limitant l'autre avec fermeté.


SAINTE-BEUVE.
Comme tu dis, à méditer. Je trouve à ce texte un petit air péremptoire qui me gene beaucoup à la lecture, mais il y a des choses intéressantes
Je remarque en particulier ce passage tout à fait dans l'actualité de ce fil:
Je sais qu'un noble esprit peut, sans honte et sans crime,
Tirer de son travail un tribut légitime,

disait Boileau, en faveur de Racine, et c'était une manière de concession.
Quant à la conclusion sur les deux littératures qui coexisteraient, je ne l'accepte pas; qu'on parle de deux branches de l'arbre littérature, je veux bien, et il y a sans doute plus de deux branches, mais séparer "deux littératures" est une aberration, qui perdure hélas avec la notion de "littérature de genre" ou celle de "para-littérature".
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Lensman
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Message par Lensman » sam. oct. 02, 2010 10:08 pm

Georges: oui il n'est pas si facile de répondre d'accord ou pas d'accord...
On est... d'accord !

Bon, j'ai quand même l'impression que, sentimentalement, je suis plutôt du côté de la littérature industrielle...

Oncle Joe

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Soslan
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Message par Soslan » sam. oct. 02, 2010 10:14 pm

En même temps, si je puis me permettre, vous n'opposez que des présupposés trés commun (une critique de la littérature populaire "qu'on a toujours eu" ce qui fait trés comptoir à Gégé, entre nous) aux citations sociologiques solides d'LN.
Du coup je rejoins LN pour le coup, quand bien même moi aussi, je suis sentimentalement trés attaché à la littérature industrielle.
"La Lune commence où avec le citron finit la cerise" (André Breton)

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Le_navire
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Message par Le_navire » sam. oct. 02, 2010 10:22 pm

Lensman a écrit :Le Navire: Tiens, dans tout ça, quel statut tu donnes à Houellebecq?
Oncle Joe
Je ne l'aime pas. Mais c'est un auteur qui donne à réfléchir, et à échanger.
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Le_navire
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Message par Le_navire » sam. oct. 02, 2010 10:29 pm

Soslan a écrit :
Le_navire a écrit : Le livre plaisir, sans autre but que la distraction du lecteur, pour moi (pour moi seulement, peut être) n'a plus grand chose à voir avec la littérature, et contribue à l'abrutissement des masses. Un nouvel opium du peuple. J'emploie des grands mots ? Ouais. C'est moi. Pas de quoi surprendre. Mes convictions n'engagent que moi.
Là par contre faut arrêter le délire.
C'est un comportemnt typiquement franco-français : le pays par excellence ou on n'aime pas que les gens se fassent plaisir, ou tout doit être ramené à une dimension édifiante pour avoir le droit d'exister.

La lecture de pur plaisir, c'est aussi Lewis Caroll, Boris Vian, Franquin et autres poétes de la BD franco-belge, le fantastique de Lovecraft, Jean Ray et consort. Même dépourvue de visée réflexive, elle peut être un prodigieux champs esthétique, un art à part entière (et personne n'a jamais demandé à l'art de remplacer un essai de philo ou de science humaine).
Si à tes yeux les auteurs cités plus haut méne à l'abrutissement des masses et sont l'opium du peuple, je ne peux plus rien faire pour toi.
désolée mon petit chou, mais là c'est toi qui délire : tu me lis mal. Caroll, Vian ou Franquin, Lovecraft etc, que du plaisir et pas de fond ?
M'enfin ?
:shock:
Je n'ai pas dis que la littérature ne devait pas donner de plaisir, quelle horreur !! Mais que quand l'ouvrage se limite à en donner, de manière viscérale, sans apporter guère plus d'once de réflexion comptée généreusement sur le monde et les hommes (voire pas du tout, tu as déjà lu du Harlequin ou du Levy ? ), ce n'est plus de la littérature.
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Message par Lensman » sam. oct. 02, 2010 10:38 pm

Soslan a écrit :En même temps, si je puis me permettre, vous n'opposez que des présupposés trés commun (une critique de la littérature populaire "qu'on a toujours eu" ce qui fait trés comptoir à Gégé, entre nous) aux citations sociologiques solides d'LN.
Du coup je rejoins LN pour le coup, quand bien même moi aussi, je suis sentimentalement trés attaché à la littérature industrielle.
..."qu'on a toujours eu"? Ce n'est pas évident, justement. Cette littérature apparaît avec l'ère industrielle, avec la production massive et facile de textes imprimés. Avant, l'imprimé, c'est encore relativement rare et surtout très coûteux, le texte et la lecture du texte, c'est réservé à une classe restreinte. Cette "démocratisation" n'est pas bien vue, d'une part de ceux qui y voient une perte de privilège et de contrôle, d'autre part par ceux qui craignent que le "peuple" ne lise pas ce qui est "bien" pour lui. Il n'est pas seulement question d'"art" ici, et c'est pour cela que les réponses ne sont pas simples...
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Message par bormandg » sam. oct. 02, 2010 10:39 pm

Le_navire a écrit : Je n'ai pas dis que la littérature ne devait pas donner de plaisir, quelle horreur !! Mais que quand l'ouvrage se limite à en donner, de manière viscérale, sans apporter guère plus d'once de réflexion comptée généreusement sur le monde et les hommes (voire pas du tout, tu as déjà lu du Harlequin ou du Levy ? ), ce n'est plus de la littérature.
Désolé, LN, mais même chez Levy, même dans un roman harlequin, je trouve quelques onces de réflexion. D'accord, il faut les chercher, mais elles sont là; et, à la limite, moins teintées d'autosatisfaction gratuite que chez un Rinaldi ou D'Ormesson. C'est la fausse réflexion de ces archéolittérateurs qui me rebute, pas le manque apparent de réflexion d'un roman d'Harlequin Levy .. 8)
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Message par Lensman » sam. oct. 02, 2010 10:47 pm

Le_navire a écrit : Mais que quand l'ouvrage se limite à en donner, de manière viscérale, sans apporter guère plus d'once de réflexion comptée généreusement sur le monde et les hommes (voire pas du tout, tu as déjà lu du Harlequin ou du Levy ? ), ce n'est plus de la littérature.
Admettons que ce ne soit pas de la littérature.
Et alors? ça ne la remplace pas, justement, puisque ce n'en est pas... Ceux qui veulent lire de la littérature lisent autre chose. On ne peut quand même pas dire que les librairies sont remplies de Harlequin et de Levy, avec interdiction d'acheter quoi que ce soit d'autre!!! Il y a aussi des livres de cuisine, dans les librairies, on ne va pas en faire toute une histoire, de peur que les gens confondent avec de la littérature!
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Message par bormandg » sam. oct. 02, 2010 10:52 pm

Lensman a écrit :
Le_navire a écrit : Mais que quand l'ouvrage se limite à en donner, de manière viscérale, sans apporter guère plus d'once de réflexion comptée généreusement sur le monde et les hommes (voire pas du tout, tu as déjà lu du Harlequin ou du Levy ? ), ce n'est plus de la littérature.
Admettons que ce ne soit pas de la littérature.
Et alors? ça ne la remplace pas, justement, puisque ce n'en est pas... Ceux qui veulent lire de la littérature lisent autre chose. On ne peut quand même pas dire que les librairies sont remplies de Harlequin et de Levy, avec interdiction d'acheter quoi que ce soit d'autre!!! Il y a aussi des livres de cuisine, dans les librairies, on ne va pas en faire toute une histoire, de peur que les gens confondent avec de la littérature!
Oncle Joe
Mais je n'admets pas que ça n'en est pas, moi. je répète: Harlequin Levy me dérange moins que Rinaldi d'Ormesson. Parce que ce sont eux qui prétendent monopoliser la place "littéraire" dans les librairies. :twisted:
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Message par Soslan » sam. oct. 02, 2010 11:07 pm

Le_navire a écrit :
désolée mon petit chou, mais là c'est toi qui délire : tu me lis mal. Caroll, Vian ou Franquin, Lovecraft etc, que du plaisir et pas de fond ?
M'enfin ?
:shock:
Je n'ai pas dis que la littérature ne devait pas donner de plaisir, quelle horreur !! Mais que quand l'ouvrage se limite à en donner, de manière viscérale, sans apporter guère plus d'once de réflexion comptée généreusement sur le monde et les hommes (voire pas du tout, tu as déjà lu du Harlequin ou du Levy ? ), ce n'est plus de la littérature.
Je m'suis mal essprimé, ça m'apprendra aussi à faire du snobisme même pour citer de la littérature populaire.
Je pense quand même qu'il ya des oeuvres de purs plaisirs qui sont intéressantes, aps forcément par leur réflexion, mais par leur imagination, leur ambiance ou tout autre critère relevant plutôt de l'esthétique (qui se suffit à elle-même pour créer la qualité en art, autrement la musique n'existerait pas).
Jean Ray et Lovecraft, ça rentre déjà un peu dans cette catégorie, car leurs récits relévent davantage de l'ambiance. Et pour créer une ambiance, il faut du talent d'écriture, et ce n'est pas forcément corrélé avec un fond réflexif.
Aprés il y a peut-être un malentendu sur ce qu'est une oeuvre littéraire pourvu d'un fond.
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Message par bormandg » sam. oct. 02, 2010 11:15 pm

Soslan a écrit : Aprés il y a peut-être un malentendu sur ce qu'est une oeuvre littéraire pourvu d'un fond.
Et sur ce que serait si elle existait une oeuvre littéraire qui n'aurait pas ce fond. Encore une fois: il n'y a pas une littérature de réflexion et une littérature de plaisir séparées, il y a une part "réflexion" et une part "plaisir" dans tout livre, et aucune de ces deux parts ne disparait jamais complètement. Au pire, comme je l'ai déjà écrit, il y a les livres dont la part réflexion est déformée par une autosatisfaction péremptoire et péremption autosatisfaite insupportable, chez ceux-là qui s'approprient l'Académie Pithécanthropique Française. Et qui prétendent limiter la littérature à leurs parades d'autosatisfaction. Mais une fois ces tumeurs enlevées, il n'y a plus lieu de séparer la littérature en tranches distinctes.
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Message par Lensman » sam. oct. 02, 2010 11:24 pm

Soslan a écrit : l'esthétique (qui se suffit à elle-même pour créer la qualité en art, autrement la musique n'existerait pas).
Hum... tu peux développer? (mais on risque de dévier...). L'esthétique qui existerait toute seule, comme cela?
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Message par Gregory Drake » sam. oct. 02, 2010 11:49 pm

Le_navire a écrit :Vous me faites peur...

- Le Goncourt qui se plante c'est 60 000 exemplaires (Quignard), contre 350 000 en moyenne des bonnes années. Ah oui, hein, mon Zeus, le Goncourt ne fait pas vendre.
- Nathalie Sarraute vendait à 150 000 exemplaires, autant que Nothomb l'année dernière.
- Aujourd'hui, l'immense majorité des lecteurs occasionnels n'a jamais entendu parler de Quignard, Michon, etc. En 1960 tous les lecteurs occasionnels connaissaient le nom de Nathalie Sarraute. Il suffit de faire un peu d'Histoire de l'Edition en France pour connaître ces faits, le nier ne démontre qu'une méconnaissance profonde de cette Histoire, largement étudiée et documentée. Je vous renvoie par exemple aux travaux de Martin et Chartier, ou plus récemment, ceux de Parinet dont des synthèses sont disponibles, je crois dans des collections grand public.

Personnellement, j'en conclue deux choses :
- l'édition française privilégie depuis vingt ans une production de masse au dépend de la production d'oeuvre plus ambitieuses. Pour, à mon avis, une raison fort simple : la production de masse répond à des critères de stabilité qui n'existent pas dans les oeuvres complexes : la complexité est, par essence, source de contradictions, d'expérimentation, et donc la fidélisation du public est plus difficile à obtenir. Je passe sur les contraintes économiques du système, j'en ai déjà parlé cent fois.
- Les oeuvres ambitieuses n'ont plus aucune chance de toucher un public qui autrefois, aurait fait preuve de curiosité puisque leur mise en avant les rendait intrigantes, éventuellement objet de désir.

Le résultat est évident, les chiffres aussi. Pour un Michon qui s'envole à 50 000 exemplaires (Les Onze, porté par un grand nombre de prix dont celui de l'Académie Française, dont les ventes moyennes sont d'habitudes plus proche des 150 000), les autres titres culminent à 15 000 alors qu'il est l'un des auteurs phares de la nouvelle littérature française.

La discussion sur le marketing me laisse perplexe. Les études sur la création du désir sont au moins aussi nombreuses que celles consacrées à ses méthodes. On peut discuter du terme de manipulation mentale parce qu'il est connoté, n'en reste pas moins que la création du désir artificiel est référencée. Bon. Reprenons. On crée le désir d'acheter par le marketing : le public achète.

D'après Tonton et Erion, ça ne suffit pas. Je suis d'accord sur ce point : si ça suffisait, on serait tous riches parce qu'il y aurait des "recettes" qu'il serait facile d'appliquer. Or, nous l'avons tous constaté, les recettes ne fonctionnent pas pour tous les livres, pas de la même façon selon les pays, et les facteurs humains sont trop nombreux en la matière pour définir des stratégies imparables. Qui plus est, les attachés de presse sont de plus en plus souvent accueillis par les critiques comme des emmerdeurs, qui les envoient bouler comme des malpropres, surproduction oblige. Si tous les attachés de presse réussissaient à échanger sur leurs bouquins avec tous les critiques disponibles, ces derniers n'auraient plus le temps d'écrire leurs chroniques, et moins encore de lire les livres qu'on leur envoie.

Donc les livres qui marchent plaisent aux lecteurs, même les daubesques. Ok.

Ce n'est pas le marketing qui fait que les livres leurs plaisent. Ok.

Que disent-ils en général ? "Ça m'a passionné, j'ai aimé les personnages, ça m'a mis du baume au coeur", ou au contraire," j'ai frissonné, j'ai eu peur, ça m'a scotché".

Tout leur rapport au livre est à résumer en terme d'affect et de ressenti presque animal.

Au même titre que ce qu'ils ressentent en regardant la télé, ou un match de foot. (Tiens d'ailleurs, parenthèse : l'exemple de Tonton me fait rire, à propos des séries. Tonton, le jour ou on causera des soaps, genre production de chez AB ou soap Brésiliens, on pourra trouver ton exemple pertinent, du moins si quelqu'un nous sort un jour que "Amour Gloire et Beauté" c'est du même niveau que Buffy ou BSG...^^)

Conclusion ? Chacun la sienne. La mienne est que le livre a perdu son caractère particulier qui était, depuis l'invention de l'écriture, d'amener l'homme à réfléchir, sur lui même ou sur le monde. Le livre a été ramené à une distraction de masse.

Panem et circences.

Je ne crois pas au complot, je crois aux conséquences. Le livre plaisir, sans autre but que la distraction du lecteur, pour moi (pour moi seulement, peut être) n'a plus grand chose à voir avec la littérature, et contribue à l'abrutissement des masses. Un nouvel opium du peuple. J'emploie des grands mots ? Ouais. C'est moi. Pas de quoi surprendre. Mes convictions n'engagent que moi.

Dans cette même optique, personne je gage ne s'étonnera de ce que je persiste à mépriser cette production, et à plaindre ses lecteurs.

De toute façon, je suis tout autant convaincue que cette forme de culture est morte, et qu'il est temps de tourner la page. Pas aujourd'hui, pas demain, mais à terme, c'est une évidence. Les ados que je fréquente tous les jours aujourd'hui ont un rapport à la connaissance qui n'a rien à voir avec celui de ma génération et de celles qui l'ont précédée. Ils remplacent l'analyse traditionnelle, qui consiste à se plonger dans une oeuvre, par exemple, pour en analyser le contenu, par une forme d'analyse par recoupement d'informations diverses grappillées çà et là dans la multiplicité.

Je ne suis même pas sûre qu'il faille le regretter. Parce que le livre va devoir se réinventer pour construire quelque chose de nouveau qui corresponde à cette nouvelle manière d'appréhender le monde. Et qu'il en sortira quelque chose de nouveau aussi, qui fera sans doute à terme table rase, mais qui donnera à nouveau de la place au sens, et de mon point de vue, c'est tout ce qui compte.
Elle est superbe cette manière que tu as de penser. Vraiment.

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Message par bormandg » sam. oct. 02, 2010 11:54 pm

Bon, mon carosse est parti en citrouille, et si je veux vide-grenierer demain matin il est temps de prendre mes 4h de sommeil. Je me passerai donc de commenter d'autant plus que je sens que je vais radoter... :?
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Message par Lensman » dim. oct. 03, 2010 12:07 am

Le_navire a écrit :Vous me faites peur...

- Le Goncourt qui se plante c'est 60 000 exemplaires (Quignard), contre 350 000 en moyenne des bonnes années. Ah oui, hein, mon Zeus, le Goncourt ne fait pas vendre.
- Nathalie Sarraute vendait à 150 000 exemplaires, autant que Nothomb l'année dernière.
- Aujourd'hui, l'immense majorité des lecteurs occasionnels n'a jamais entendu parler de Quignard, Michon, etc. .
C'est amusant, mais en relisant ton message, je me rends compte que, effectivement, j'ignore tout de Quignard et de Michon !!!
Ces noms ne sonnent pas "vrai", d'ailleurs, on dirait des personnages de théâtre de boulevard...

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