Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » jeu. oct. 07, 2010 1:05 pm

Lensman a écrit :Tu veux sans doute dire que ceux qui en éprouvent l'envie peuvent l'analyser d'un point de vue religieux. Le "contenu" religieux est fabriqué par celui qui adopte une approche religieuse. On peut avoir une approche religieuse de la biologie, par exemple, parmi des tas d'autres domaines. Le "contenu" religieux n'est pas donné comme ça, c'est quelque chose qui se construit (et non pas "se révèle") dans une logique religieuse.
Objection tout à fait recevable ; mais elle tue le problème avant de l'examiner. Le contenu dont je parle est la forme de la pensée, cette passion pour la limite, son franchissement et le spectacle de l'inconnu qui s'étend au-delà.

Un esprit religieux verra du religieux partout, dans la préparation du repas du soir comme dans un tir de fusée. De même, un marxiste verra dans ces mêmes circonstances divers aspects de son historicisme favori. Ce n'est pas la question.

Ce dont je parle, c'est le mouvement intellectuel et affectif qui pousse à chercher, dans la spéculation, le point de plus grande intensité cognitive – démarche qui, tu le reconnaîtras je pense, a beaucoup à voir avec la science-fiction. Je veux dire que des prédictions chiantes sur l'évolution de l'informatique, l'intégration des systèmes, la convergence des technologies, il y en a des tonnes et tout le monde s'en fout. Pourquoi celle de Vinge a-t-elle tant d'impact ? Parce qu'elle est eschatologique : elle annonce la fin du monde et l'avènement d'un autre, pleins de prodiges incompréhensibles. La question n'est pas qu'un esprit religieux puisse projeter sur ce scénario ses affects personnels mais le choix même de placer ce scénario sur la limite. Ce qui est aussi une manière de répondre à Pete Bondurant.

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Erion
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Message par Erion » jeu. oct. 07, 2010 1:16 pm

Cela dit, on sait avec Epitaphe de Sturgeon, qu'il existe déjà une espèce plus intelligente que l'Homme : la loutre.
Et elle en fait pas tout un foin.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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dracosolis
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Message par dracosolis » jeu. oct. 07, 2010 1:31 pm

Erion a écrit :Cela dit, on sait avec Epitaphe de Sturgeon, qu'il existe déjà une espèce plus intelligente que l'Homme : la loutre.
Et elle en fait pas tout un foin.
et d'ailleurs l'espèce n'est plus menacée
un signe de Dieu?
Antéchrist N°4
Idéologue Relativiste à mi-temps
Antéchrist N°4 :

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Erion
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Message par Erion » jeu. oct. 07, 2010 1:33 pm

dracosolis a écrit :
Erion a écrit :Cela dit, on sait avec Epitaphe de Sturgeon, qu'il existe déjà une espèce plus intelligente que l'Homme : la loutre.
Et elle en fait pas tout un foin.
et d'ailleurs l'espèce n'est plus menacée
un signe de Dieu?
L'annonce de l'Apocalypse.
La Singularité des loutres. On en parle pas assez.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Lem » jeu. oct. 07, 2010 1:41 pm

En somme, loutre-monde est proche.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » jeu. oct. 07, 2010 2:08 pm

Shagmir a écrit :Je faisais surtout allusion au fait que Dick est aujourd'hui l'exemple type de l'auteur de science-fiction que l'intelligensia française considère comme un grand écrivain, indépendament de son succès réel. Depuis une quinzaine d'années son nom est constamment cité, y compris (sans doute) par des gens qui n'ont pas forcément lu ses livres - ce qui est une manière de consécration.
Angelo Rinaldi l'a-t-il lu? Question à poser à Lem.

Cité, oui, peut-être. Par des journalistes à propos des films, une demi-douzaine de films à peu près, sans doute. Et ensuite cité au second degré par une intelligentsia qui reste à définir. Werber qui se réclame à l'occasion de Dick en fait-il partie: vaste question métaphysique.
Je suis convaincu que Philip K. Dick n'a pas échappé en réalité à la malédiction qui frappe les auteurs dits "populaires" et de "science-fiction" même si, en effet, il est souvent cité comme un moyen de se dédouaner d'un préjugé honteux.L'ami Juif, en quelque sorte.

Cela dit, je ne doute pas qu'il ait des lecteurs fervents parmi des gens de qualité.
Mon immortalité est provisoire.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. oct. 07, 2010 2:16 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :
Tu veux sans doute dire que ceux qui en éprouvent l'envie peuvent l'analyser d'un point de vue religieux. Le "contenu" religieux est fabriqué par celui qui adopte une approche religieuse. On peut avoir une approche religieuse de la biologie, par exemple, parmi des tas d'autres domaines. Le "contenu" religieux n'est pas donné comme ça, c'est quelque chose qui se construit (et non pas "se révèle") dans une logique religieuse.
Objection tout à fait recevable ; mais elle tue le problème avant de l'examiner. Le contenu dont je parle est la forme de la pensée, cette passion pour la limite, son franchissement et le spectacle de l'inconnu qui s'étend au-delà.

Un esprit religieux verra du religieux partout, dans la préparation du repas du soir comme dans un tir de fusée. De même, un marxiste verra dans ces mêmes circonstances divers aspects de son historicisme favori. Ce n'est pas la question.

Ce dont je parle, c'est le mouvement intellectuel et affectif qui pousse à chercher, dans la spéculation, le point de plus grande intensité cognitive – démarche qui, tu le reconnaîtras je pense, a beaucoup à voir avec la science-fiction. Je veux dire que des prédictions chiantes sur l'évolution de l'informatique, l'intégration des systèmes, la convergence des technologies, il y en a des tonnes et tout le monde s'en fout. Pourquoi celle de Vinge a-t-elle tant d'impact ? Parce qu'elle est eschatologique : elle annonce la fin du monde et l'avènement d'un autre, pleins de prodiges incompréhensibles. La question n'est pas qu'un esprit religieux puisse projeter sur ce scénario ses affects personnels mais le choix même de placer ce scénario sur la limite. Ce qui est aussi une manière de répondre à Pete Bondurant.
Elle n’annonce pas la « fin du monde », elle annonce peut-être la « fin d’UN monde », ce qui n’a absolument rien à voir…
C’est le problème de l’abus du vocabulaire eschatologique. Il y un monde qui continue, qui se modifie plus ou moins brutalement, mais c’est toujours le même, nous n’en avons pas de rechange (sauf vision religieuse, bien sûr). Qu’il « finisse » un jour, peut-être, mais avec lui, tout finira. Qu’y faire ? s’en inquiéter est sans aucun intérêt (et ceux que ça angoisse disposent de la pensée religieuse, il y a du choix).
Il y a tout le temps tromperie sur la marchandise, quand on emploie ce type de vocabulaire. Par exemple, on a pas mal débattu de l’immortalité, sur ce fil. On peut y revenir.
Imaginons (en SF, c’est courant) un processus qui permette de faire copier l’ « esprit » dans d’autre corps, ou dans un programme informatique (un truc à la mode, qui me fait toujours rigoler…). Avec ces systèmes, on devient immortel… pour la durée de l’univers. Super ! On se croirait dans le monde merveilleux de la religion ! Sauf que ça n’a aucun rapport. C’est d’éternité dont il est question, en religion, non d’immortalité, laquelle n’en est même pas un ersatz, si on réfléchit cinq minutes. Avec l’immortalité, nous ne nous rapprochons pas plus de l’idée de dieu que si nous étions un infusoire : dieu, c’est l’éternité, pas l’immortalité. La notion d’éternité n’est pas atteignable, par définition même, c’est une prérogative divine.
Tiens, dans l’extrait que tu as cité, on lit cette phrase :

Ray Kurzweil revises the customary conception of God to accommodate the possibility that humans are taking part in a process by which post-human beings (creatures, according to traditional theism) will attain powers equivalent to those usually attributed to God.

“des pouvoirs équivalents à ceux habituellement attribués à Dieu” ? L’éternité, par exemple ? L’omniscience et l’omnipotence ?
Ce n’est pas de la réflexion sérieuse. Si les « pouvoirs » en question sont « équivalents » à ceux attribués à Dieu , c’est que son auteur se fait une bien piètre idée de la notion de pouvoir divin…


Oncle Joe
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Lensman
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Message par Lensman » jeu. oct. 07, 2010 2:17 pm

Lem a écrit :En somme, loutre-monde est proche.
Eons, sors de ce corps !
Oncle Joe

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Message par Fabien Lyraud » jeu. oct. 07, 2010 2:25 pm

Le "contenu" religieux est fabriqué par celui qui adopte une approche religieuse.
Contenu religieux ou expression religieuse ? Reste à savoir justement quelle est la bonne interprétation :
Ici j'ai plutôt l'impression qu'il s'agit d'une expression religieuse (vocabulaire, syntaxe, rhétorique) utilisé dans un cadre rationnel scientifique. Nous n'avons pas à faire à un pensée hétéroclite où l'on essaie de faire coller des éléments scientifiques ou technologique avec un dogme religieux. Donc le religieux n'est qu'expression, le contenu lui est bien scientifique.

Saint Gularité priez pour nous. :D
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Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
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Lem

Message par Lem » jeu. oct. 07, 2010 2:26 pm

Dick…
Quand Emmanuel Carrère a publié sa biographie de Dick, Je suis vivant et vous êtes morts, en… 93, peut-être, je me souviens d'un papier ignoble de Michèle Gazier dans "Télérama" dont l'argument était en substance : "non content d'avoir raté son œuvre, ce pauvre cinglé de Dick a raté sa vie et il peut s'estimer heureux d'avoir trouvé un auteur de la trempe de Carrère pour la racheter".

La lente marche de Dick vers la considération littéraire a commencé peu après, quand Ubik a été repris en 10/18. Et évidemment, l'adaptation de plusieurs de ses romans et nouvelles au cinéma a joué un rôle dans sa notoriété posthume. Aujourd'hui, je pense qu'il est accepté comme écrivain, mais surtout comme figure de la contre-culture (position comparable à celle de William Burroughs, peut-être). Je doute que les gens de lettres qui le citent assez souvent, Pierre Assouline par exemple, l'aient lu à fond mais est-ce si important ? Que les dramaturgies du doute sur le réel, du monde qui se fissure, de la peur du solipsisme soient labellisées "dickiennes" – comme on dit "kafkaiennes", "borgésiennes" ou "lovecraftiennes" – montre que la sensibilité de Dick s'est enracinée dans la culture contemporaine. La palette humaine s'est enrichie d'une nuance supplémentaire. Je ne sais pas si un artiste peut espérer beaucoup mieux.

Lem

Message par Lem » jeu. oct. 07, 2010 2:43 pm

Lensman a écrit :Il y a tout le temps tromperie sur la marchandise, quand on emplie ce type de vocabulaire. Par exemple, on a pas mal débattu de l’immortalité, sur ce fil
Encore une fois, ce n'est pas le problème.
Tu me réponds comme si je défendais moi-même la thèse de l'article américain. Ce n'est pas le cas.
J'ai cité ce papier pour montrer à Pete de quelle manière la Singularité, par sa nature même de théorie "sur le bord de ce qui est connaissable" (M, quoi), s'offrait d'elle-même à une lecture religieuse : parce qu'elle a la même structure qu'une prophétie.
Si demain on publie un grand essai sur l'intégration des systèmes informatiques et médicaux et qu'on aboutit à une vision du monde de 2050 dans lequel l'état métabolique de chacun est surveillé en permanence par une puce implantée et reliée à un système d'alerte du genre "attention, votre taux de sucre est un peu trop élevé", personne ne fantasmera sur le contenu religieux d'un tel monde – alors qu'à bien des égards, il sera authentiquement posthumain. Personne n'éprouvera de vertige cognitif devant cette prospective.
La Singularité, au contraire, se place là où ce vertige est potentiellement le plus fort. Et ce que dit la préface, sur ce sujet comme sur les autres, c'est que ce lieu est traditionnellement celui de M et R.
Modifié en dernier par Lem le jeu. oct. 07, 2010 2:45 pm, modifié 1 fois.

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Message par Lensman » jeu. oct. 07, 2010 2:43 pm

Lem a écrit :
Dick…
Quand Emmanuel Carrère a publié sa biographie de Dick, Je suis vivant et vous êtes morts, en… 93, peut-être, je me souviens d'un papier ignoble de Michèle Gazier dans "Télérama" dont l'argument était en substance : "non content d'avoir raté son œuvre, ce pauvre cinglé de Dick a raté sa vie et il peut s'estimer heureux d'avoir trouvé un auteur de la trempe de Carrère pour la racheter".

La lente marche de Dick vers la considération littéraire a commencé peu après, quand Ubik a été repris en 10/18. Et évidemment, l'adaptation de plusieurs de ses romans et nouvelles au cinéma a joué un rôle dans sa notoriété posthume. Aujourd'hui, je pense qu'il est accepté comme écrivain, mais surtout comme figure de la contre-culture (position comparable à celle de William Burroughs, peut-être). Je doute que les gens de lettres qui le citent assez souvent, Pierre Assouline par exemple, l'aient lu à fond mais est-ce si important ? Que les dramaturgies du doute sur le réel, du monde qui se fissure, de la peur du solipsisme soient labellisées "dickiennes" – comme on dit "kafkaiennes", "borgésiennes" ou "lovecraftiennes" – montre que la sensibilité de Dick s'est enracinée dans la culture contemporaine. La palette humaine s'est enrichie d'une nuance supplémentaire. Je ne sais pas si un artiste peut espérer beaucoup mieux.
c'est une gloire généralement posthume...
Que l'oeuvre originale reflète bien la "nuance supplémentaire" en question, ce n'est d'ailleurs pas toujours évident. Le label finit par recouvrir des choses qui n'étaient guère là, au départ, mais bon, c'est très agglutinant, c'est un processeus classique. Certains lecteurs, abusés par le sens "commun", se retrouvent extrêmement surpris en lisant les oeuvres d'origine.
Mais bon, il reste la gloire... posthume.

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Message par Lensman » jeu. oct. 07, 2010 2:54 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Il y a tout le temps tromperie sur la marchandise, quand on emplie ce type de vocabulaire. Par exemple, on a pas mal débattu de l’immortalité, sur ce fil
Encore une fois, ce n'est pas le problème.
Tu me réponds comme si je défendais moi-même la thèse de l'article américain. Ce n'est pas le cas.
J'ai cité ce papier pour montrer à Pete de quelle manière la Singularité, par sa nature même de théorie "sur le bord de ce qui est connaissable" (M, quoi), s'offrait d'elle-même à une lecture religieuse : parce qu'elle a la même structure qu'une prophétie.
Encore une fois, présentation biaisée, d'après moi. Il vaudrait mieux dire:
"parce qu'une prophétie présente la même structure".
Autrement dit, il faut d'abord s'intéresser aux prophéties, être dans la logique (au moins en partie) de la pensée prophétique pour dire ça. Si on n'est pas dans cette logique, on regarde la théorie de la "singularité" autrement, sans chercher des références "religieuses".
Mais je suis d'accord: l'attitude et l'influence de ces personnages attirés pa la pensée religieuse sont intéressantes à observer, d'un point de vue sociologique et psychologique.

Par contre, le "s'offrait d'elle-même" me fait sourire, tu m'excuseras...

Oncle Joe

Lem

Message par Lem » jeu. oct. 07, 2010 4:32 pm

Lensman a écrit :Encore une fois, présentation biaisée, d'après moi. Il vaudrait mieux dire:
"parce qu'une prophétie présente la même structure".
Eh bien, c'est précisément le nœud du problème.

On peut considérer que "le texte" (de la théorie, et par extension de la science-fiction) est neutre, qu'il y a éventuellement des coïncidences et des ressemblances, des réemplois de vocabulaire, etc qui attirent l'attention du côté M&R – l'attention de ceux qui y sont, en quelque sorte, déjà préparés par leur sensibilité personnelle. C'est, me semble-t-il, ce que tu suggères. Je trouve ça recevable, bien sûr, mais je ne vois pas sur quoi ça peut déboucher à part un relativisme étendu à l'infini : il y a le regard de chacun et ce qu'il dit n'engage que lui, etc.

On peut aussi considérer que "le texte" n'est pas neutre, que les coïncidences, ressemblances, recyclages lexicaux sont les indices de quelque chose, d'une visée, à la fois conceptuelle (qu'y a-t-il d'intéressant à dire ?) et esthétique (comment produire le maximum d'impact ?). Sur ces deux plans, il me semble que la sf a pris dès le départ position sur le bord d'attaque, là où elle pressentait que c'était le plus chaud, le plus excitant, au moment même où le reste de la culture tournait le dos à ces problématiques comme étant closes. Wells invente la machine à voyager dans le temps ? Direction la fin du monde. Lovecraft fait de nos anciens dieux des êtres matériels ? Ils n'ont pas disparu, ils rêvent et envoient des rêves aux humains, ils se réveillent et le monde sombre dans la folie. Van Vogt assimile la sémantique générale ? Elle devient la structure mentale de surhommes immortels capables de contrôler l'univers entier. Jeury invente la chronolyse ? Elle débouche sur l'au-delà du temps. Etc. Dans cette optique, il est tout à fait normal que Vinge – auteur de sf, pas seulement mathématicien – produise une théorie maximaliste de l'intelligence artificielle. Il fait la théorie de ce qui l'intéresse, nous intéresse : le moment où ça devient grandiose.

Enfin, je ne refais pas la préface.

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Erion
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Message par Erion » jeu. oct. 07, 2010 4:41 pm

Lem a écrit : On peut aussi considérer que "le texte" n'est pas neutre, que les coïncidences, ressemblances, recyclages lexicaux sont les indices de quelque chose, d'une visée, à la fois conceptuelle (qu'y a-t-il d'intéressant à dire ?) et esthétique (comment produire le maximum d'impact ?). Sur ces deux plans, il me semble que la sf a pris dès le départ position sur le bord d'attaque, là où elle pressentait que c'était le plus chaud, le plus excitant, au moment même où le reste de la culture tournait le dos à ces problématiques comme étant closes. Wells invente la machine à voyager dans le temps ? Direction la fin du monde. Lovecraft fait de nos anciens dieux des êtres matériels ? Ils n'ont pas disparu, ils rêvent et envoient des rêves aux humains, ils se réveillent et le monde sombre dans la folie. Van Vogt assimile la sémantique générale ? Elle devient la structure mentale de surhommes immortels capables de contrôler l'univers entier. Jeury invente la chronolyse ? Elle débouche sur l'au-delà du temps. Etc. Dans cette optique, il est tout à fait normal que Vinge – auteur de sf, pas seulement mathématicien – produise une théorie maximaliste de l'intelligence artificielle. Il fait la théorie de ce qui l'intéresse, nous intéresse : le moment où ça devient grandiose.
Admettons. Et ça débouche sur quoi ? Tu reproches le relativisme de Lensman, mais ce que tu présentes n'amène pas à grand chose non plus.
Outre le fait que l'hypothèse de la Singularité n'est motivante que pour des mystiques/religieux (ca fait du monde, d'un certain côté), je vois pas le but du truc. Les IA seraient des entités autonomes et intelligentes ? bon sang, l'Humanité vit avec des chats depuis des millénaires, c'est-à-dire des animaux qui n'ont de sens ou d'existence que par rapport à l'Homme (et le dominent depuis bien plus longtemps que les ordinateurs).
Je ne vois pas pourquoi il faudrait obligatoirement utiliser les mots d'eschatologie, d'apocalypse, de prophétie quand on évoque la Singularité. Le rapport est très loin d'être évident. Que ça fasse peur aux humains, qu'ils utilisent un vocabulaire religieux pour donner du poids à cette peur, et renforcer son caractère menaçant, je peux comprendre. Mais c'est un effet de discours, de la politique (ou de l'idéologie), ça ne dit rien sur la signification de la Singularité elle-même.
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